Talent baroudeur, biscoteaux et gouaille stéphanoise: Nanard is back. Lavilliers, chanteur marabouteur, jouit d’une cote inusable à l’image des Verts de 76, équipe qui fit rêver la France du foot avant que le business ne s’en empare. A l’heure ou l’hexagone se cherche une identité nationale de manière ouverte mais bancale dans un brainstorming de cols blancs bien-pensants, un nouveau disque de Lavilliers arrive à point nommé et déplace le débat là où il devrait être: à la frontière musicale de la richesse du métissage et d’un monde sans barrières. A sa carrure imposante s’ajoute un magnétisme félin et puissant qui font son succès et le poussent à créer depuis ses débuts il y a 35 ans.
Dans le paysage musical francophone, Lavilliers est celui qui nous fait voyager sans fatigue, sans décalage horaire, et qui mêle en musique les trésors mélodiques des continents et tropiques. Dans les années 80, son esprit »Noir et blanc » avait posé les bases d’une communauté de fans fondée sur le mélange des couleurs en accords mineurs et majeurs. De cette riche discographie toujours calquée sur un même modèle d’intéractions culturelles et locales, Lavilliers en tire un avantage considérable sur le peu d’artistes qui lui arrivent (à peine) à la cheville dans son domaine: en effet, ses albums sont porteurs de soleil et respirent la chaleur, à tester sur une île déserte au climat le plus foireux qui soit. Ainsi, après le très réussi « Samedi soir à Beyrouth » (en 2008) bouclé entre Kingston et Memphis, Nanard est reparti sur les routes.
Au bon souvenir d’une discussion avec feu Tonton Miterrand, Lavilliers, s’est contenté de nommer sa nouvelle production en une phrase qui donna le ton de son quotidien de l’époque à la curiosité de circonstance de l’ex-patron des français: je chante des « causes perdues sur des musiques tropicales ». Dès la première piste, « Angola », duo blues avec Bonga, figure emblématique du folklore angolais, les poils s’hérissent à chaque raclement de reco-reco (instrument grattoir très prisé dans le folklore africain). Banco, on s’envole déjà sous d’autres latitudes. « L’exilé », single choisi, se rapproche des productions du début des années 2000 de l’auteur (« Carnets de bord ») et transpire la mélancolie rude et virile d’un homme pour qui Paris n’inspire plus que la tristesse d’un ciel de Novembre. La rythmique en accordéon donne du caractère au titre qui s’impose d’emblée comme du grand Lavilliers. « Causes perdues » réactive la fibre mambo de l’artiste et fait jaser les cuivres comme jamais. « Je cours », pic rock de l’album, tribal, jazzy et angoissant à la basse galopante, renvoie l’auteur essoufflé à ses jeunes années revendicatrices. « La nuit nous appartient », clin d’oeil tango à un amour nuptial, ralentit la cadence du disque avant le dénonciateur « Identité Nationale », qui décrit une honte et un mal-être quotidien subis par son cher pays en proie à des tiraillements socio-politiques. Sans grande surprise mais avec beaucoup de maîtrise, Lavilliers continue de faire fructifier son don de la belle musique et des rêveries tropicales. En forme, inspiré et l’esprit combatif: encore une victoire de Nanard.
Extrait à écouter ici: Bernard Lavilliers, « L’exilé » –
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