Liberté, égalité, virtuosité: liberté car Biolay a gagné le droit de faire ce qu’il veut depuis sa signature chez Naïve, égalité car il est égal à lui-même et en accord avec ses convictions musicales, et virtuosité car il a résussi à sublimer la chanson française en mélangeant les genres tout en créant le sien. Sans complexe et sans fausse note, Benjamin Biolay porte la musique avec talent. Alors qu’on s’apprête à fêter les tristes 20 ans de la disparition du grand Gainsbarre, on a heureusement de quoi se consoler tout en évitant de ruminer du « Sea sex & sun ». Unanimement récompensé pour son album « La Superbe », l’homme aux trois Victoires de la musique se devait de nous proposer une tournée à la hauteur de cet immense disque. Depuis 2000 et le suprenant « Rose Kennedy », Biolay a roulé sa bosse et celle des autres, fier de nombreuses collaborations fructueuses avec des artistes aussi surprenants qu’en panne d’aspiration. Henri Salvador (pour une renaissance totale avec « Chambre avec vue »), Keren Ann, Heather Nova, Julien Clerc, Françoise Hardy, Vincent Delerm, Jeanne Cherhal ou encore l’ex-future première dame de France Carla Bruni. Une belle carte de visite conjuguée à des capacités hors-pair, inspirées et novatrices, ne peuvent qu’accoucher de grands disques.
Double album ambitieux mais sûr de lui, « La superbe » n’était au départ pas nécessairement facile à adapter à la scène. Mais, en fan avéré d’artistes en perpétuelle réinvention comme Jean-Louis Murat (cité dès la première page du livre qui accompagne la conséquente et « vrai » version collector), Biolay a su transporter son univers sur la route de ses spectacles et sa prestation « Si tu suis mon regard » au Casino de Paris en est l’apothéose. Une salle rouge, doré et flamboyante, à l’image des textes et des mélodies du désormais grand Biolay. D’emblée sur « Pour écrire un seul vers », poème sur fond de harpe utilisé sur « sa » bande originale dans « Clara et moi », le décor se plante tout seul: chaleur et classe. « Tout ça me tourmente » et « Même si tu pars » respirent le vécu et la corrosion du coeur, un coeur qui semble flotter sur le swing de « Lyon presqu’île » avec pour seul gouvernail un pied de micro que lui seul sait manipuler. « Ton héritage » en complainte enchanteresse au final teinté d’angoisse passe le relais à un quart d’heure piano-voix des plus troublants. « La superbe » redonne un tempo grave et magnifiquement instrumentalisé et prend une dimension sensuelle dans les cordes vocales légèrement voilées de Biolay. « L’espoir fait vivre » et ses synthés vintage transperce les tympans d’un public conquis avant qu' »A l’origine » redonne une seconde jeunesse à son auteur. Enfin, « Négatif » et « Padam », deux chefs d’oeuvre textuels, clôturent ce brillant spectacle, à la fois intime et touchant.
L’objet est d’autant plus beau qu’en version limitée, il est accompagné d’un livre de 250 pages illustré de photos spontanées de cette tranche de vie incomparable que représente une tournée. Des flash prix sur le volet, des instants d’existence entre Rhône et Saône, entre Seine et scène. Le photographe Mathias Augustyniak illustre Biolay à merveille et raconte dans une poèsie authentique et visuelle cette virée sur les routes de l’hexagone, invitant le lecteur à « prendre le large ». Enfin, Laetitia Masson, connue pour son remarquable travail cinématographique (et déjà présente sur le dernier Jean Louis Murat pour un mini-film sur l’artiste) dresse un portrait-ficiton d’1h20 (« Dans ta bouche ») de Benjamin, confident et intérieur, où il se révèle intéressant et naturel devant une caméra. Quelle claque! Biolay se montre à l’aise dans tous les domaines, il attendait que le monde entier l’acclame, pari gagné…
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