Il y a trente ans, Carlos chantait pour Oasis et ses arômes sucrés. Il y a vingt ans, un amour fraternel virait au combat fratricide à grands coups de desert boots dans le fion. 2011 et après un ultime cataclysme, fini la boisson de gosses, bonjour les dents cariées et bienvenue aux relents de mauvaise haleine de feu-le plus-grand-groupe de rock des vingts dernières années: Oasis. Binôme des frangins Gallagher élevés dans un coin de banlieue de Manchester aussi douteux qu’un fond de bac à huile après une journée de fish and chips, blindés du reste du monde, cachés derrière une arrogance et une classe mods qui font rire jaune les fils à papa de Blur, Liam et Noel ont vendus 70 millions de disques dans le monde entier. Leur brit-rock teigneux et leur franc parlé dégénératif en ont fait un temps la vache à lait des tabloïds, le bout de gras coincé entre les dents qui agace la plupart des gens polissés. Après une séparation brutale dès la fin de la tournée du majestueux « Dig out your soul », tous les fans attendaient l’étincelle solo du frérot supposé intelligent (Noël). C’est le cadet impulsif au timbre corrosif (Liam) qui se manifesta le premier après avoir raflé les trois quarts du groupe au nez et à la barbe de son ainé.
Fraîchement récompensé d’un award d’honneur pour « Definitely maybe » lors d’une cérémonie qui restera dans les annales tout comme dans le dossier médical du gringo au premier rang qui s’est pris l’objet en pleine face, Liam Gallagher laissait entendre une réaction musicale imminente en réponse à ceux qui, son frangin en tête, ne voyaient en lui qu’un suiveur sans inspiration. « Different gear, still speeding », premier rejeton de son nouveau projet, a l’ambition utopique de balayer le meilleur de son ancien groupe et d’abreuver d’un mirage brit-rock ses fans assoiffés et en stand-by au milieu du désert: l’heure de « Beady Eye » est venue. Dès le départ, Liam balance ses attributs sur la table, « Four letter world » ouvre l’album en mode heavy-pop psychédélique et s’impose comme une déclaration d’intention échappée du répertoire chromosomique hargneux des Gallagher. « Beatles and Stones », « The roller », « Bring the light » et « For anyone » fleurent bon l’hommage quasi unanime à Lennon et au Beatles, mettant un peu d’électricité dans la discographie d’une icône assassiné lâchement il y a 30 ans aux pieds de son hôtel. Le reste ressemble plus à des faces B d’Oasis jamais mises en exergue et tout droit sorties d’albums « moyen/plus » comme Heaten Chemistry (2003) ou « Don’t believe the truth » (2005). Sur la fin, « Three ring circus », « The beat goes on », et « The morning son » laissent entrevoir le côté fragile du cadet à tête dure. Un regret? Que leur meilleure chanson, « Sons of the stage », empruntée au groupe indie de Sheffield « World of twist », n’apparaisse sur aucune version de l’album mais uniquement sur le 45 tours de « Bring the light », réservé aux plus chanceux qui habitent le royaume de la belle Albion.
Un finger tendu, un ou deux crachats entre deux gorgés de bière anglaise, trois jurons dans une phrase de cinq mots: that’s the fuckin’ way of this fuckin’ life chez Gallagher. »Different gear, still speeding » n’a certes pas la teneur d’un album d’Oasis mais il a le mérite de concentrer de fort belle manière quarante ans de rock, une mixture devant laquelle leurs idoles mortes ne devraient plus broncher.
Extraits à écouter ici: Four Letter Word – The Roller – Three Ring Circus
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