The Social Network, c’est le nouveau film de David Fincher.
The Social Network, c’est la création de Facebook, vue de l’intérieur.
The Social Network, c’est une histoire d’amitié, de trahison et de rêves de grandeur.
The Social Network, c’était une avant-première lausannoise qui, peuplée d’initiés et de curieux, commença comme suit.
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Une fois le flambeau de la Columbia Pictures consumé, l’écran opère un sobre fondu noir avant de s’ouvrir sur le visage assuré de Mark Zuckerberg. Le voici notre fameux héros: cheveux châtain courts et bouclés, paupières avachies, mais regard pénétrant, sweater gris Gap et allure de geek certifiée. Face à lui: Érica, étudiante à Havard (comme lui) et fausse intellectuelle aux allures de paysanne vintage. Autour d’eux: une foule d’étudiants imbibés, un brouhaha sans sens et des sweaters à capuches estampillés Harvard University dans tous les coins. À l’écran, une table et deux bières séparent les deux protagonistes, mais dans leur réalité émotionnelle, c’est un monde qui les sépare: un monde que Mark Zuckerberg ne comprend pas et qui ne le comprend pas.
Pour lui, les relations humaines ne s’envisagent pas comme des échanges altruistes d’amour, de sympathie ou d’intérêts communs, mais comme une faiblesse de l’homme, mis dos au mur par son intolérable solitude. Érica, elle, essaie de le raisonner et de lui montrer que l’amitié et l’amour sont des notions franches et inhérentes à la condition actuelle et sociale de l’homme. Essais toujours expédiés en vain, stoppés nets par un adversaire borné et convaincu de lui-même. Le débat continue pourtant encore quelques minutes. Les répliques cinglantes fusent, surtout du côté de Zuckerberg, qui au sommet de sa verve, enchaîne des théories misanthropes plus invraisemblables les une que les autres. Mais la vapeur se renverse d’un coup, lorsqu’Érica rompt brutalement avec Mark (ah bon, ils étaient ensemble!!). Aussi étonné que nous, ce dernier essaie alors de calmer le jeu et de comprendre la réaction d’Érica. Elle ne prendra pas la peine de lui répondre, mais lui assènera un: Les filles ne te fuiront pas, parce que tu es un informaticien coincé. Elles te fuiront, car tu es un connard, avant de se lever et de sortir du cadre, laissant notre Mark Zuckerberg seul et dubitatif devant ces deux bières à moitié pleines.
Une scène d’ouverture, deux personnages incarnés à la quasi-perfection, une mise en scène sobre qui privilégie la performance des comédiens au style narratif, un dialogue acéré, dense, expéditif et surtout parfaitement rythmé: tout le propos du film est là, résumé certes, mais d’une efficacité exceptionnelle. Il n’aura ainsi fallu que 4.5 minutes à David Fincher et Aaron Sorkin pour nous mettre cette géniale claque, première d’une liste qui n’aura de cesse de s’allonger au fil des prochaine 115 minutes.
Mais pas le temps de pousser l’analyse plus loin, car le générique arrive, ponctué par un air lancinant et pénétrant signé Trent Reznor. Formés de sobre lignes à la typographie discrète, les noms apparaissent alors furtivement dans les coins inférieurs de l’écran, laissant le champ-libre à Mark Zuckerberg, qui après avoir quitté le bar, retourne dans sa fraternité en traversant un campus labyrinthique sans fin, peuplé de silhouettes anonymes et interchangeables. Écrasé par les carrés d’immeubles massifs, il passe d’une cour intérieure à une autre, comme s’il passait de couloir de prison en couloir de prisons, avant d’aller rejoindre sa propre cellule. Il court comme s’il était en terrain miné, comme si ce campus n’était pas sûr pour lui. Se battant contre le flot d’étudiants, qui malgré l’heure tardive arpente toujours les allées, il se met lui-même à l’écart de cette population qu’il envie tout en la détestant. Il atteint enfin l’escalier de son immeuble et ouvre la porte d’un air serein, inédit jusqu’à lors.
Scène en apparence anodine, ce générique n’en est pas moins révélateur et peut se simplifier en un seul détail, merveilleux témoin du langage cinématographique unique de David Fincher: le sweater Gap que Mark porte. Ce dernier résume en effet encore une fois l’état d’esprit du héros, ainsi que la principale thématique du film: ne sachant pas réellement réduire le fossé (gap en anglais) qu’il s’est lui-même crée entre lui et les autres, Mark Zuckerberg créé Facebook, croyant pouvoir le réduire virtuellement. Ce fossé est l’essence même de The Social Network et David Fincher se permet avec génie de nous l’exposer en utilisant ce qu’il sait le mieux manipuler: la composition de l’image et la mise en scène.
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En seulement quelques minutes et deux scènes, on sait déjà qu’on est devant un grand film, un film qui va bien au délà de son packaging et qui confirme l’évolution prise par Fincher depuis l’exceptionnel Zodiac, soit un retour aux sources du langage cinématographique même.
Pour le reste, je vous invite à découvrir avec vos propres yeux cette œuvre, qui sous couvert de chroniquer la création d’un monstre de l’échange virtuel, nous offre une analyse profonde et subtile de la condition humaine dans une société où les rapports aux autres changent trop vite pour être de véritables rapports.
4 Comments
Un jeu qui ferait probablement un très bon film, Alan Wake. En effet, le scénario du jeu n’a rien à envier aux bons thrillers actuels. Avec une production sérieuse, Alan Wake pourrait faire sa place au cinéma. Sinon, comme coup de coeur, j’aimerais voir un jour une sympathique adaptation de Monkey Island… A bon entendeur !
Je ne suis pas vraiment d’accord. Alan Wake est un jeu qui mélange parfaitement la narration et le scénario d’un bon thriller « psychologique » avec le gameplay et l’immersion d’un survival horror. C’est justement ce mélange qui en fait un excellent jeu.
Je pense que si on retire un de ces éléments bah ça fait soit un thriller classique comme tant d’autres soit un jeu linéaire avec un scénar’ en carton.
Pour moi Alan Wake est très bien là ou il est, c’est-à-dire dans la console
J’attend le film World of Warcraft 🙂 ça ne peut pas être pire que Street Fight donc bon. Mais connaissant Blizzard, il ne laisserait pas une bouze sortir, enfin à voir 🙂
Ouais Monkey Island pourquoi pas 🙂
J’opterai volontiers pour un Heavy Rain ou un Uncharted mais j’hallucinerais trop si Assassin’s Creed sortait en film (peut-être un film qui condenserait les 3 volets?) car outre l’evolution d’Ezio, il serait intéressant de suivre l’intrigue autour de Desmond!