On connaissait Anton Corbijn pour ses photographies célèbres. Maniaque ou expert en clichés noir et blanc, le hollandais a substitué très tôt ses globes oculaires à des objectifs lunaires. Ainsi, de nombreuses stars ont accepté de se laisser shooter au cours de sa (première) grande carrière: Miles Davis, Tom Waits, Iggy Pop, Bowie, Eastwood, Cash… bref, que des « gueules » qui, au final, paraitront immortelles pour l’éternité sur papier glacé. Ne laissant jamais tomber son amour pour le sombre et l’esthétique classe, Corbijn s’est initié au septième art en 2007 avec le très réussi « Control », qui relatait la jeune vie du leader Ian Curtis de Joy Division mort pendu dans sa cuisine. Une biographie juste et cafardeuse mais visuellement imbattable. Ayant repéré le potentiel obscur et ténébreux de Georges Clooney, il décida d’en faire son personnage ultime dans « The American », adaptation du thriller « A very private gentleman » de Martin Booth. Bien loin de son auto-dérision légendaire qui plaît aussi bien aux publicitaires du café qu’aux braqueurs chics de casino, Clooney reproduit plus intensément le genre de prestation aperçue dans « Michael Clayton » (réalisé par Tony Gilroy en 2007) où il affrontait le monde pourri des avocats et la beauté froide de Tilda Swinton. A savoir un rôle de mec solitaire, taciturne et dramatique, avec pour seul ami le chewing-gum qui navigue entre ses dents.
« The American », c’est l’histoire d’un tueur à gages méfiant qui se voit confié une dernière mission en Italie après avoir frôlé la mort quelques semaines plus tôt en Suède. Expert en armes à feu, il doit livrer une arme de pointe à une cliente mystérieuse sur qui il a plus que des doutes. Recherché par des sales types venus du froid, il espère tourner la page une fois cette tâche suprême effectuée. Caché dans un village des Abruzzes aussi accueillant qu’une porte de prison, douteux, prudent et expérimenté, il va malgré tout se sentir chamboulé en tombant amoureux d’une prostitué et en se liant d’amitié avec un prêtre mystérieux. Paradis de la prise de vue, entre ses ruelles escarpés et ses paysages d’une beauté sans égal, cette partie de l’Italie semble ne pas vieillir, elle est le décor parfait pour un tueur qui souhaite se faire oublier dans une ambiance lourde et secrète. Au final, Corbijn ne pouvait pas trouver meilleur endroit pour situer son film. Avec ses plans silencieux et son temps de parole réduit, « The American » s’inspire du cinéma vintage des seventies et des thriller noirs esthétiques comme on n’en fait plus. Au bon souvenir du Delon de la grande époque, quel plaisir de découvrir un Clooney à des kilomètres de son cynisme habituel, un Georges mal rasé qui a avalé son sourire Nespresso, un nettoyeur reclus, sauvage et sans état d’âme: en bref, un acteur qui court de plus en plus vers un Oscar qu’il va sérieusement commencer à mériter.
« The American », un film noir comme un fond d’arabica, garantit sans caféine mais bourré de tracas et d’adrénaline.
Bande annonce: « The American »
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