Ça fait bientôt un mois que Keiji Nakazawa nous a quitté. L’auteur du mondialement connu Gen d’Hiroshima est mort le 19 décembre 2012 des suites d’un cancer des poumons, à l’âge de 73 ans. Retour sur une carrière marquée par l’Histoire.
Né en 1939 à Hiroshima, il n’a que six ans quand les bombes atomiques américaines tombent sur sa ville natale. Coincés sous les fondations de leur maison, son père, un de ses frères et sa soeur meurent ce jour-là. Après plusieurs années de misère, le reste de sa famille, sa mère, ses deux autres frères et sa nouvelle petite soeur, réussit enfin à joindre les deux bouts. Devenu un enfant timide et discret, il se plonge alors dans la lecture de mangas et est très impressionné par les oeuvres d’Osamu Tezuka, en particulier La nouvelle île au trésor.
En 1961, après des études en lettrage publicitaire, il déménage à Tokyo et décide de faire carrière dans le shonen. Malheureusment, il n’arrive pas à percer tout de suite et devient assistant-mangaka. Son premier manga, Spark 1, est enfin publié en 1963 dans la revue Shonen Gaho, mais le succès le fuit encore une fois et il se contente de publications commerciales pour payer les factures. En 1966, il retourne vivre à Hiroshima et se marie, mais sa mère meurt quelques semaines plus tard. Lors de son incinération, Keiji remarque que les os de sa mère avaient presque disparus, sous l’influence des radiations atomiques. Il décide alors de créer un manga inspiré de ce fameux 6 août 1945 : Sous la pluie noire, qui ne sera publié que deux ans plus tard.
C’est en 1969 qu’il connaît enfin le succès et devient un auteur à part entière, grâce à la publication de Moero ! Guzumu dans le célèbre Weekly Shonen Jump, tiré à l’époque à un peu moins de deux millions d’exemplaires hebdomadaires. Puis, suivent d’autres séries toutes aussi vendeuses. Mais Nakazawa n’oublie pas pour autant les récits anti-guerre qui lui tiennent à coeur et publie deux one-shot : Soudain un jour et Je l’ai vu. Ce dernier plaît tellement à l’éditeur qu’il lui demande d’en tirer une série seinen. Nous sommes en 1973 et Gen d’Hiroshima vient de naître.
Mais, publié dans le Weekly Shonen Jump, la série ne plaît pas aux lecteurs. Nakazawa y raconte son expérience d’Hiroshima, comment il a vu sa famille fondre et mourir asphixiée, comment il a lutté pour ne pas laisser le reste de sa famille mourir de faim, comment il a survécu à un des événements historiques les plus marquants et meurtriers du XXème siècle. Le ton réaliste et les thématiques fatalistes et difficiles de Gen d’Hiroshima augment la sensibilté du sujet et Nakazawa doit trouver un autre éditeur pour pouvoir continuer sa publication, en volume relié cette fois-ci, chez Chobunsha, un éditeur plus approprié. Et là, la série cartonne, autant auprès du public que des critiques. Elle est même publiée dans des revues n’ayant aucun rapport avec le manga. En 1976, une adaptation cinématographique voit le jour, suivi de deux suites en en 1977 et 1980. Puis, Gen d’Hiroshima devient une série de films animés, une comédie musicale et enfin un roman. La série devient quelques années plus tard, une lecture obligatoire du programme éducationnel japonais.
Après ce phénomène éditorial, Nakazawa ne produit plus de shonen et ne réalise que des mangas anti-guerre. Il signera sa dernière oeuvre en 1979 : Invitation de l’enfer.
Au fil des années, Gen d’Hiroshima devient mondial. Sa première traduction est américaine en 1978. Puis, suivent l’allemand, l’esperanto, le russe, le suèdois et le français. Les Humanoïdes associés sortent en 1983 le premier volume et tentent déjà l’aventure manga, bien avant les succès de Dragon Ball et Akira. Les traductions continuent encore aujourd’hui avec l’indonésien, le brésilien, l’espagnol, le polonais ou encore le néerlandais.
En 2007, Gen d’Hiroshima reçoit le prix Asie de l’ACBD. La série est disponible en dix volumes chez Vertige Graphic.
RIP Keiji Nakazawa (1939-2012)
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