Comme chaque année, la rentrée de janvier apporte son lot de nouveautés inattendues, faisant suite aux gros titres des fêtes. Après les rééditions des cultes The Dark Knight Returns et Dark Victory ou des nouveautés comme Civil War 4 ou Kick-Ass 2 fin 2012, les comics de super-héros suivent aussi cette tendance et l’année 2013 commence très bien pour eux. Voici une petite sélection-fraîcheur de ce début d’année :
On commence avec le plus étrange des trois : Flex Mentallo, de Grant Morrison et Frank Quitely, chez Vertigo (1996)/Urban Comics (2013). Première collaboration du génial duo à qui l’on doit déjà All Star Superman, New X-men et We3, Flex Mentallo nous raconte l’histoire du plus connu des super-héros de la Terre. Seulement voilà, il ne sait pas qu’il est fictif et que c’est grâce au crayon de Wally Sage qu’il prend vie. Et lorsqu’il se met en chasse du « Fait », ancien collègue devenu terroriste, Flex ne sait pas qu’il va bientôt s’enfoncer de plus en plus profondément dans une quête nonsensique, au bout de laquelle se trouve sa véritable identité. Dans le monde réel (ou pas…), Wally Sage, lui, essaie tant bien que mal de se suicider, tout en racontant sa vie à une ligne de prévention au suicide. Le créateur et la création se rencontreront-ils enfin ?
De l’étrange, de l’absurde et du fantasque, tout les trois bien dosés ! Flex Mentallo cache son véritable récit derrière une ribambelle de twist, de demi-tour, de changements d’univers et d’endroits plus étonnants les uns que les autres. L’imaginaire créateur est ici le maître de l’intrigue. Alors même si l’action, la déconne et le n’importe-quoi remplissent les lignes (pour notre plus grand plaisir geekal d’ailleurs), ce qui se trouve entre ces dernières est beaucoup plus subtil que ce qu’on trouve dans la plupart des histoires de super-héros. Morrison y questionne directement la place du super-héros dans notre culture et dans notre subconscient et le met face à sa situation de figure fictive. A ses côtés Frank Quitely démarre fort et nous prouve, déjà 15 ans en arrière, son talent de metteur-en-scène et surtout d’innovateur. La subtilité des détails mariée au fantastique des décors, des situations et des personnages nous perdent et nous font douter sur la validité d’une réalité donnée, augmentant la puissance du récit. Un OVNI intelligent !
Déjà publiée en français en deux volumes, la troisième série des Eternels, de Neil Gaiman et John Romita Jr, chez Marvel (2006) et Panini (2007), se voit offrir une édition intégrale au prix très abordable. La guerre entre les déviants et les Eternels est finie depuis longtemps. Les Eternels restants ont pris les traits d’humains ayant perdus la mémoire, alors que les déviants, ayant eux aussi pris forme humaine, se souviennent parfaitement de leur véritable nature. Ils vont donc mettre en place un complot pour prendre le contrôle du Céleste rêveur, Dieu destructeur enterré à San Francisco, et devenir la race dominante de la planète. Mais heureusement, Ikaris est resté un Eternel à part entière et vit dans l’espace. Grâce à plusieurs rêves, il va réveiller ses frères et sœurs endormis sur Terre.
Toujours aussi virtuose, Neil Gaiman (Sandman, Coraline, American Gods) nous entraîne dans une aventure psychologique profonde, à la dimension mystique. Le récit part de questionnements existentiels pour se développer vers une cosmogonie impressionnante, qui ne diffère qu’en termes de pouvoir avec les humains. Nous suivons donc le réveil et la prise de conscience de ces Eternels qui vont petit à petit se découvrir une vie antérieure riche et extraordinaire, mais qui au final puiseront dans leurs qualités humaines pour faire la différence. Thème déjà utilisé auparavant, l’humanité des super-héros est ici rendu plausible est passionnant par le contraste entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Les Eternels deviennent de meilleurs héros, grâce à leur brève situation d’humain, aspect qui marque une forte différence avec des récits tel Watchmen ou Invincible, qui vont dans le sens contraire. Romita Jr nous assène une fois de plus son trait buriné et rond, donnant une énergie bluffante aux scènes les plus dantesques, tout en restant simple et honnête sur les expressions des personnages, lors des scènes dialoguées. Une aventure à contre-pied.
Pour finir, l’attendue intégrale de Crise d’identité, de Brad Meltzer et Rags Morales, chez DC Comics (2004) et Urban Comics (2013), arrive enfin pour faire de l’ombre à Civil War. Car si ce dernier est l’arc le plus marquant de l’univers Marvel, Crise d’identité est celui de l’univers DC. Tout commence par l’assassinat de Sue Dibny, la femme d’Extensiman, brûlée à mort, pendant que son mari patrouillait. La Justice League se rassemble alors pour les funérailles et tous ses membres (Superman, Batman, Green Arrow, Robin, Hawkman…) prennent conscience que l’identité de la plupart d’entre eux est connu des vilains et que leur famille l’est aussi, les mettant ainsi en danger. Ils vont alors tout faire pour retrouver le tueur, quitte à fouiller dans leur passé, pas toujours reluisant.
Intimiste avant d’être divertissant, Crise d’identité présente les super-héros DC sous leur plus faible jour. Décisions prises à contrecœur, envies de vengeance, insécurité, folie, mensonges, émotions familiales, tout est réuni pour en faire un drame humain et prenant. Ecrivain américain à succès, Brad Meltzer prend l’univers DC à bras le corps et lui donne une épaisseur rarement atteinte. On comprend pourquoi Crise d’identité n’est comme les autres récits de super-héros, car il privilégie le caractère même des personnages, plutôt que leurs actes héroïques. On les découvre alors sous un jour entièrement nouveau et ils deviennent beaucoup plus attachant, au fur et à mesure que leurs faiblesses sont mises à jour. Gardant, néanmoins, une dimension très romanesque, voire télévisuelle, l’intrigue conserve son lot de combat, classiquement mis en scène par Rags Morales, dont le dessin trouve un compromis réussi entre style expressionniste de l’âge d’or et style dynamique de l’âge moderne. Classique, mais définitif.
Laisser un commentaire