Sevrer un fan de Primal Scream, c’est comme empêcher un écossais de banlieue de se brosser les dents au Jack Daniel’s. Steve Van Zandt, guitariste de Springsteen et bras droit de Tony Soprano dans la série du même nom, va même jusqu’à déclarer que Primal Scream serait le meilleur groupe du moment sans le tourbillon de leurs addictions (le groupe s’octroyant une drogue dure différente à chaque album).
Quand Bobby Gillespie fonde le groupe en 1982, il a le postérieur entre 2 chaises. En effet, il est aussi le batteur du combo légendaire « Jesus and Mary Chain », bizutage idéal pour devenir une rock star destroy. L’aventure commence donc timidement mais sûrement dans les pubs de Glasgow, pas le genre d’endroit bon enfant dans les années post-punk. Le groupe prend forme avec l’ajout de deux têtes brulées issues des Stone Roses (1ère influence avérée d’Oasis) et de Felt: Mani Mounfield et Martin Duffy.
Passés par une grosse période britpop entêtante, Primal Scream s’aventure dans le terrain boueux de l’acid-house très prisée en terre anglaise au début des 90’s. « Screamadelica » (1991), malgré un morceau d’ouverture ultra Stonien (« Movin’ on up »), vire au trip desert-boots-veste militaire. Première surprise. La scène du « Madchester » (traduire le « Manchester déglingué ») adore, elle qui vit aux rythmes acides des Stone Roses et des Happy Mondays.
Trois ans plus tard (1994), changement de trajectoire, Primal Scream livre un pastiche des Rolling Stones, « Give out but don’t give up », totale réussite que Jagger (pourtant un peu la tête ailleurs) plébiscite. La critique de l’époque ne s’en relèvera pas, les tubes intemporels sont bel et bien là, les mélodies transpirent d' »Exile on main street ». Choeurs, cuivres, riffs bluesy… Tout y est (« Rocks », « Jailbird »). Peut-être leur plus grand album (en attendant la suite), nous sommes en 1994.
De nouveau trois ans plus tard, Gillespie fait rimer addiction avec expérimentation. « Vanishing Point » (1997) s’articule autour d’une pop-dub psychédélique. Les organisateurs n’ont même pas le temps de froncer un sourcil que le festival de Glastonbury dégueule de monde. 30 000 festivaliers trempés qui ne font qu’un avec le groupe sur le très Beastie Boys « If they move, kill’em », le très Gallagher (en mieux chanté) « Burning wheel » , la complainte du zonard « Medication » ou ce « Out of the void » qui sonne comme du 13th Floor Elevators des temps modernes.
An 2000, on attends tous LE bug… rien à l’horizon… le bug a eu peur de ce « Exterminator ». En deux mots: bombe musicale. Première piste de l’album: « kill all hippies », le ton electro-punk à la voix feutrée est donné. S’en suit le jouissif »Accelerator »: baissez le son de votre ipod, c’est plus puissant que le décollage d’un Boeing. Primal Scream transforme ses influences krautrock en morceaux avant gardiste… Personne n’imaginais le groupe aussi bon dans des registres aussi variés. « Swastika eyes » ou « Blood money » (hiphop-punk) finiront de vous convaincre, « Keep your dreams » (pêle-mêle electro-jazzy) fera le reste. On souffle, on marque un temps d’arrêt, encore un album indispensable, Primal Scream est sur les rails du panthéon Rock.
L’expérience est si bien réussie que la bande à Bobby ne peut résister à la tentation d’un nouvel album electro-punk nostalgique des années « Madchester ». « Evil Heat » paraît en 2002 et reste peut-être le disque le moins abordable du groupe. Lancés par une bouffée euphorisante, nos 6 écossais peinent à recréer ce sentiment d’album différent auquel son public était habitué (et fidélisé) à chaque livraison. Peu importe, le succès est là et certains titres ne sont quand même pas dégueux: « Deep hit of Morning sun » litanie voodoo qui écrase du pouce Depeche Mode et « Miss lucifer » mettra quiconque de bonne humeur après le double whisky du matin. Vous avez un voisin dépressif? Convertissez-le…
Aout 2006, quand on s’ennui à Glasgow, on s’ennui partout. C’est ce moment-là que Primal Scream a choisi pour nous présenter l’album de la décennie. Deuxième pastiche des Stones, du moins en partie, « Riot city blues » est au Rock ce que l’écarte-narines est aux footballeurs: un bourre-pif musical. Tout y passe: du Rolling Stones moderne (« Country Girl », « Nitty Girl », « Dolls »), du U2 trash sans les guerres saintes (« When the bomb drops ») et même du boogie hot’n’rock (« Hell’s comin’ down). Quand d’autres attendent le messie depuis des millénaires, d’autres se contentent d’écrire l’album des années 2000. Chapeau.
Le dernier chapitre de cette épopée Rock se nomme »Beautiful future ». Paru en 2008, il résonne de leurs premières productions 80’s. Mélodies dansantes, sensuelles et chatoyantes (« Can’t go back », « Beautiful summer ») s’ajoutent à quelques perles electro-pop (« I love to hurt you ») qui donnent envie d’apprendre à maman comment faire les bébés autrement qu’avec une bouteille de lait… Quand on arrive à s’inspirer d’un vieux Stones (« Under my thumb ») de 1966 pour en faire un tube 40 ans plus tard (« Uptown »), moi je dis, on touche au but.
Peu de monde connaissent Primal Scream en Suisse? C’est normal, le téléchargement a tout pourri. Avouer sans torture que Primal Scream est LE groupe des 20 dernières années? Personne ne peut contester. Quelle formation a pris autant de risques en ne foirant jamais un disque? Quel chanteur respire autant le « sex, drug & rock’n’roll » qu’un Bobby Gillespie? Personne… Je dis bien, personne… Primal Scream est le plus grand groupe actuel. Cette chronique a pour but de vous convertir, qui rime aussi avec divertir…
Extraits de « Screamadelica » (1991): Movin’ on up – Loaded
Extraits de « Give out but don’t give up » (1994): Jailbird – Rocks
Extraits de « Vanishing Point » (1997): If they move, kill’hem
Extraits de « Exterminator » (2000): Accelerator – Blood money
Extraits de « Evil Heat » (2002): Deep hit of morning sun
Extraits de « Riot city blues » (2006): Country girl – When the bomb drops
Extraits de « Beautiful future » (2008): Can’t go back – Uptown
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