Voici ma critique, après le très chouette article de mon cher maître et réalisateur Florian du 11 octobre:
Le film aux 500 millions de spectateurs potentiels…
Mais qu’attendre d’un film sur Facebook? On était en droit de se dire que le potentiel cinématographique d’une telle oeuvre était aussi élevé qu’une adaptation de Tetris sur grand écran, quoi que si c’était Ridley Scott qui le tournait avec Russel Crow incarnant à tour de rôle la barre, le carré, le T et le L, ça pourrait quand même le faire… et pourquoi pas donner un grand film!
Bref, pour moi, ce n’était pas gagné d’avance et bien avant que le nom du réalisateur ne se dévoile, j’avais déjà mis une pierre tombale sur ce projet.
Mais finalement on se retrouve face à un film d’une justesse à pleurer qui traduit fort bien les maux, les déviances et le décalage de cette génération internet. Elle qui a le potentiel de créer au bout de quelques lignes de codes un outil ou un site qui peut se chiffrer en milliards de dollars. Elle qui a aussi LA difficulté, malgré les énormes moyens de communication, à se trouver des amis réels avec qui partager les choses de la vie qui ne sont pas forcément artificielles et informatisées ou qui ne se cachent pas derrière un pseudo et un autre ordinateur! Elle pour qui l’envie de notoriété et de grandeur peut animer tout un chacun même si ses vices peuvent ou doivent les amener à se faire détester de tous pour réussir, seul, dans son coin, euh derrière son PC je voulais dire!
Sinon le grand Fincher, réalisateur de génie, nous avait habitué à un aspect ultra travaillé de la mise-en-scène. Par exemple dans Fight Club où on passait par les fils du réfrigérateur, les murs de la maison et le cordon ombilical de la mariée… ah non, ça pas, mais vous voyez ce que je veux dire! Ici, pas du tout, le résultat est beaucoup plus posé que dans ses précédents travaux tout en gardant une maîtrise technique au top. Notamment dans la scène de l’aviron qui est splendide quoi que décalée du reste du métrage. Est-ce dû à une transition trop abrupte ou une esthétique trop poussée comparée au reste? Finalement ce sont avant tout les dialogues corrosifs et très pertinents ainsi que l’humour noir qui ressortent le mieux. Certaines scènes sont écrites avec une maestria qui ferait frémir les plus érudits car terriblement techniques mais vraiment bien vues, même si on voit que ce ne sont que des artifices pour conforter les spectateurs dans leur culture de la haine pour ces petits génies incompris à la recherche de notoriété.
Mais la réussite d’un “polar” si bien écrit soit-il repose énormément sur ses acteurs et ça tombe bien, ils sont tous fameux! Jesse Eisenberg qui incarne le créateur du célèbre site social (que l’on avait vu récemment joyeusement dégommer du mort-vivant dans le rigolo Zombieland aux côté du génial redneck qu’est Woody Harrelson) se fond fort bien dans son personnage qui évite les problèmes comme un enfant qui ne voudrait pas grandir. Son quasi autisme pour l’informatique le coupe complètement du monde et l’éloigne des réalités humaines qui nous habitent. Il parle comme si lui seul importait et que les autres n’étaient que des pions qu’il croise au fur et à mesure de son existence. Il utilise leur savoir faire et puis hop, les jette comme de vieilles chaussettes que l’on balance après usage. Et là toute la notion de “l’ami à usage unique” que l’on découvrait avec Edward Norton dans Fight Club pendant ses vols d’affaires prend un nouveau sens social puisque les amis pour lui n’existent pas. Il n’en a pas besoin, les gens sont ou en dessous de lui ou des barrières à sa réussite. L’acteur fait parfaitement passer ses mouvements d’humeur à l’écran et son côté sans sentiments, un futur grand parmi les acteurs de sa génération! Il y a aussi Justin Timberlake, toujours très classe et trop rare qui joue Sean Napster Parker.
Tous ces aspects techniques très réussis ne suffisent pourtant pas à faire du métrage un plaisir qui nous donne envie de le voir et revoir plusieurs fois et c’est ce que je peux lui reprocher. Pour moi ce beau moment fût associé à une certaine frustration. En premier lieu quelques jours avant on m’avait dit que c’était certainement le meilleur film de l’année et une claque mémorable. Ca ne l’a peut-être pas été à cause de cette surenchère que l’on m’en avait faite et à cause du fait que j’en attendais trop.
C’est sans nul doute un excellent film qui fera du bruit à cause du sujet traité et pour quelques scènes qui sont incroyables dans tous les sens du terme. Mais ça reste un film sur Facebook et son (ses) créateur(s) et le sujet n’est pas inépuisable. Heureusement, on passe deux heures d’un très beau cinéma sans longueur et on ressort avec une excellente impression. Mais c’est après l’avoir vraiment digéré que j’ai vraiment pu apprécier le métrage à sa juste valeur, dans toute sa dimension et sa profondeur. Car si je m’attendais à un nouveau coup de génie de la part du papa de S7ven et The Game l’événement a bien eu lieu mais plus pour son côté socialement engagé que pour sa folie filmique ou son scénario retord.
Les versions de Social Network DVD et BR sont annoncées dans nos contrées pour le 16 février 2011.
On sait déjà que la prochaine réalisation du maître Fincher sera l’adaptation américaine (c’est presque un pléonasme car une adaptation, au cinéma, a presque toujours été américaine ou destinée à être mieux comprise ou plus accessible au public américain…) de Millenium. Et j’espère qu’il réussira ce que la trilogie suédoise avait manqué, c’est-à-dire retranscrire la complexité et la force des liens entre les différents personnages du livre. Et ne pas céder aux raccourcis narratifs faciles qui ont aussi fait perdre une partie du côté glauque de l’affaire. A suivre donc avec impatience en sachant que Daniel Craig jouera Mikael Blomkvist et Rooney Mara (qui joue aussi dans ce Social Network) sera Lisbeth Salander.
Laisser un commentaire