Toujours à l’affût de nouveaux talents, la collection KSTR de Casterman nous propose ce mois-ci ça ne coûte rien de Saulne, un album dépaysant et passionnant, qui nous emmène du côté de Shanghai à la suite de Pierre, jeune français qui est juste là pour voir comment ça se passe ici… rien de plus.
Arrivé avec quelques centaines d’euros en poche, Pierre va vite profiter des avantages de cette ville tentaculaire et fréquenter une communauté francophone friande de fêtes, de drogues et de dépenses illimitées. Mais l’argent ne coule pas toujours à flot et il va assez rapidement devoir freiner ses frais. Il commence alors à se balader dans Shanghai, dans des quartiers dont il n’aurait jamais soupçonné l’existence, là où les pauvres vivent dans des maisons en ruine et côtoient les riches sans gênes. Petit à petit, il commence aussi à rationner sa nourriture, trop fier pour demander de l’aide à ses amis. Ses perceptions vont du coup se modifier et il va découvrir une nouvelle réalité où ses priorités ne sont plus les mêmes.
Récit mêlant apprentissage, adaptation et expérience intérieure, ça ne coûte rien se lit d’une traite et sans difficulté. Très bien rythmé et variant les ambiances avec aisance, l’histoire évolue tranquillement et passe sans mal d’un aspect réalistico-social à une dimension personnelle, voire mystique. Pierre passe en effet par plusieurs phases qui le poussent à réagir avant tout pour lui et non plus pour les autres. Tout d’abord confronter à un enfermement culturel (il voit toujours les mêmes gens, les mêmes boites, les mêmes rues touristiques, etc.), il glisse doucement vers une connaissance plus enrichissante de Shanghai et de ses habitants. Il y découvre les bas quartiers et commence à se découvrir lui-même. La ville se fait alors reflet de ses attentes et il y trouve plus qu’il ne l’aurait pensé. Il va au-delà des apparences et aborde les choses et les gens avec plus de sensibilités et d’ouverture. Son évolution est évidente et révélatrice. Partant tout d’abord d’un défi personnel, s’auto-suffire financièrement, quitte à ne manger plus qu’un bento par jour, il va se découvrir à lui-même et apprendre une grande leçon de vie.
Graphiquement parlant, ça ne coûte rien n’est pas non plus en reste. Traits fins, visages ronds et expressifs, décors soignés et réalistes : chaque planche est une nouvelle immersion étrange et plaisante à la fois, qui nous rappelle Paul Duffield (Freak Angels) ou les frères Luna (Girls). Mais ce sont surtout les couleurs qui donnent un plus et crée ces ambiances si particulières, familières et pourtant étrangères. Car c’est principalement sur ces atmosphères variées et fascinantes que se base cet album, favorisant le ressenti au surplus de dialogues.
Autre point fort de ça ne coûte rien : la découverte d’une culture et d’un mode de pensée différents. Shanghai est certes une ville cosmopolite, mais elle n’en reste pas moins une ville chinoise encrée dans un mode de vie propre, avec ses codes et ses mœurs. Pierre les découvre et se fascine pour cette culture si extrême de richesses, d’architecture et de rang social, comme le montre parfaitement la couverture.
Au final, cet album est un mélange parfois déroutant, mais toujours réaliste d’une expérience qui sent le vécu, avec son lot de joie, de peur et de découverte. Une curiosité à exporer.
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