A LA RECHERCHE DE « SUGARMAN »:
« Sugarman » est le titre d’une des chansons du chanteur américain Sixto Rodriguez. Découvert il y a quelques années(2009)grâce aux rééditions du label Light In the Attic.
Rodriguez, artiste -d’origine mexicaine- avait enregistré à Detroit au début des années 70 deux albums « Cold fact » et « Coming from reality » sur le label Sussex (une subdivision de Motown). Ces deux albums dans une veine musicale évoquant un croisement entre Bob Dylan et José Feliciano, malgré un accueil favorable de la critique, avaient été de cuisants échecs commerciaux.
Après cette parenthèse sans suite, Rodriguez disparait dans l’anonymat le plus complet et retourne à la menuiserie et les chantiers de construction.
Le documentaire, premier film de Malik Bendjelloul, se présente comme une véritable enquête policière.
UNE STAR EN AFRIQUE DU SUD, UN ANONYME AILLEURS:
Le hasard et l’ironie de l’histoire font que les disques de Rodriguez, vont faire un carton très loin de chez-lui, en Afrique du Sud. Les textes très engagés du chanteur trouvant un écho particulier dans la lutte contre l’apartheid. Ses albums se vendant à plus de 500 mille exemplaires. La diffusion se faisant beaucoup de manière pirate via des copie cassette. Rodriguez, légende vivante, à l’égal d’Elvis Presley, est tenu pour mort, en effet, une légende urbaine veut qu’il se soit tiré une balle dans la tête lors d’un concert devant un public particulièrement hostile. Dans une autre version il se serait immolé par le feu à l’aide d’un bidon d’essence.
L’enquête, nous amène au Cap, là, un disquaire(Stephen « Sugar » Segerman)et un journaliste musical(Craig Bartholomew) piqués par la curiosité vont finalement retrouver la trace de Rodriguez à la fin des années 90. D’abord via ses producteurs de l’époque, puis finalement ses filles et enfin l’homme en personne au téléphone.
Dès lors, une tournée est mise sur pied. Rodriguez, abasourdi et modeste jouera à guichet fermés devant des foules en liesse. Quel paradoxe! Totalement inconnu chez-lui et une icône en Afrique du Sud.
Le génie de ce documentaire consiste dans l’utilisation dramatique du suspense: on parle de cet homme, on le cherche, et tout un coup aux deux-tiers du long métrage, soudain il est là, à l’écran, devant nous, vlam!
Le réalisateur a également utilisé l’animation pour recréer quelques séquences importantes. Que ce soit la découverte de Rodriguez, au début de sa carrière, par ses producteurs Mike Theodore et le guitariste Dennis Coffey, dans un club enfumé de Detroit, jouant dos au public. Ou encore la descente d’avion de L’homme en compagnie de ses filles à leur arrivée en Afrique du Sud, persuadé que les limousines qui arrivent sont destinées à quelqu’un de plus important.
Les témoignages des proches, amis, collègues de travail, nous éclairent sur un homme simple, modeste et discret, en aucun cas aigri par la vie. Mais les zones d’ombre et de mystère restent préservées, car il ne s’agit pas d’une biographie au sens classique du terme.
On apprend que cet homme très impliqué auprès des autres, avide de lecture et de culture(il amenait ses filles souvent au musée)s’est même présenté aux élections à deux reprises dans les années 80 et nonante.
EPILOGUE HEUREUX ET JUSTE RETOUR DES CHOSES:
Aux dernières nouvelles, Rodriguez a tourné en Europe, à l’instar des musiciens cubains du Buena Vista Social Club, une nouvelle carrière s’ouvre à lui, avec peut-être un nouvel album à la clef, on l’espère en tous cas.
Au moins une injustice est réparée, car de l’avis de tous, personne ne comprend pourquoi pareille musique et chansons n’ont pas reçu l’accueil qu’elles méritaient en son temps.
E tous cas, rarement, documentaire ne m’avait bouleversé à ce point. L’impact émotionnel est digne des plus belles fictions. D’ailleurs « Sugar Man » est nominé aux Oscars cette année, où il concourt pour le prix du meilleur documentaire. Un Oscar serait amplement mérité.
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