Voilà maintenant une décennie qu’ Hollywood s’évertue à faire revivre les légendes du slasher américain, avec un succès tout relatif à la quantité de sang versé. Délaissant ainsi la qualité des films originaux, les remakes se contentent d’aligner massacres, personnages plats, filles à gros seins, cris perçants et twists minables pour nous servir une bouillie informe où les réalisateurs (comme les acteurs et les scénaristes) sont devenus interchangeables. Massacre à la tronçonneuse, Vendredi 13, Les griffes de la nuit, Meurtres à la Saint-Valentin… toutes les années 80 ont été revisitées et exploitées jusqu’à la moelle. Il ne restait donc plus qu’aux producteurs à passer à la décennie suivante et à recommencer leur manège. Et heureusement pour nous, certains ont appris de leurs erreurs. C’est ainsi que naît l’idée de Scre4m, franchise star des années 90, qui 15 ans après l’original renoue avec les codes du genre avec justesse et dérision, le tout sous l’égide du maître de l’horreur Wes Craven.
10 ans après les meurtres de Woodsboro, Sidney Prescott (Neve Campbell) revient dans sa ville natale pour promouvoir la sortie de son livre Out of Darkness, un témoignage à vif de son expérience avec le ghostface killer. Mais la malédiction qui la suit ne s’est pas éteinte et un double-meurtre est perpétré sur deux des amies de sa cousine, la veille de son arrivée. Le tueur est de retour et le jeu de la survie ne fait que commencer. Sidney, Gale et Dewey retombent dans la terreur d’antan et essaient de se dépêtrer de ce nouveau tueur plus débrouillard que jamais.
Sous-genre du film d’horreur, le slasher met en scène une série de meurtres méthodiques à l’arme blanche orchestrés par un psychopathe masqué, qui s’en prend à de jeunes victimes le plus souvent naïves et peu précautionneuses. Pas de doute, Scre4m est un slasher pur et dur ! Créateur des Freddy et des Scream originaux, Craven connaît son affaire. Il l’a connaît tellement bien, qu’il persuade Kevin Williamson (scénariste des deux premiers opus) de rejoindre son équipe pour faire renaître le mythe dans les règles de l’art. Mais au lieu de faire du copier-coller, les deux compères se laissent prendre au jeu de l’auto-analyse, de la mise en abîme et de la dérision, pour le plus grand bonheur des fans. Scre4m jongle donc sans cesse entre scènes de meurtres bien sauvages et référentielles et dialogues décomplexés et philosophico-moqueurs. Loin de se laisser aller à la relecture simple, le scénario puise ainsi ses inspirations dans les deux premiers volets de la saga, les mixe et en ressort avec une unité assez étonnante, coincée entre classicisme rassurant et dynamisme secouant. Introduisant l’hyper-communication (Facebook, Natel, Twitter, etc.), le chassé-croisé des deux camps prend une vitesse inédite. Tout le monde sait tout sur tout, parfois même avant que cela ne se produise, et chacun essaie d’anticiper les mouvements de l’autre, malheureusement sans grand succès pour nos vieux héros. Nourri par MTV, ce tueur nouvelle génération se sert de nouveaux outils pour accomplir une tâche traditionnelle.
Mais la principale attraction du film reste les meurtres et leur déroulement. Et là encore, le défi est relevé. S’amusant à brouiller les pistes, la mise en scène nous fait espérer des choses : la porte du frigo qui se referme, la fille qui tourne le dos à la porte d’entrée ouverte, l’arrière-plan laissant la place à l’imprévu… mais rien n’arrive comme prévu. Et quand c’est le cas, les situations tournent vite à l’auto-parodie grossière mais assumée, reprenant ainsi certains codes incontournables du genre : les appels téléphoniques pré-meurtres, l’omniscience du tueur, la bêtise des victimes… Au final, le tueur surgit toujours de quelque part et poursuit son œuvre. Cette dernière est d’ailleurs ici plus sanglante qu’auparavant, notamment pour le second meurtre qui fait référence au premier Freddy, avec ses murs roses repeints de coulées de sang. La MPAA (comité de censure américain) à donc laisser les coudées-franches au réalisateur et n’a imposé aucune coupe : une première dans la longue carrière de Wes Craven.
Véritable clé de voute du métrage, sa dimension analytique marque sa vraie originalité. En effet, cette nouvelle intrigue à pour mot d’ordre le film dans le film dans le film. Annoncée dès la séquence d’ouverture (déjà culte), ce schéma se poursuit pendant l’heure quarante à venir. (Attention spoiler !) Reprenant le premier meurtre de Scream, deux belles brunes se font joliment éviscérées. Un contre-champ et deux belles blondes regardent cette scène sur leur écran. Elles commencent alors à débattre fébrilement des bien-fondés du slasher, du schéma trop répétitif et du plaisir coupable de voir des gens mourir aussi bêtement, jusqu’au moment où l’une poignarde l’autre sauvagement dans le ventre, agacée par ses contre-arguments. Un autre contre-champ et on retrouve encore deux jeunes filles, moins stéréotypés cette fois, qui commence à discuter des meurtres de Woodsboro. Ces deux là sont réels et leur massacre lance l’intrigue.
Puis la méthode du ghostface killer se calque sur ce modèle. Il reprend à son compte les règles du cinéma d’horreur, tout en les contournant, pour mieux surprendre ses victimes et les spectateurs, forçant ainsi les vieux briscards des premiers films à se mettre à jour et à consulter les geeks du coin. Scre4m enfonce encore plus le clou en prenant dans plusieurs scènes des allures de manuel du parfait slasher. L’analyse des règles du genre, de leurs évolutions, de leurs contournements, de leurs réinventions possibles devient alors vite le gimmick du film, au point que le carnage final prend des allures de quizz et de mise en abîme, certes extrême, mais logique et efficace. Donc un film encré dans son époque et conscient de son public.
Vous l’aurez compris, Scre4m est un slasher honnête qui joue dans sa cour, qui ne réinvente pas les règles, mais s’amuse avec, tout en remplissant amplement son cahier des charges : nous faire frissonner, sursauter, rire et nous faire ouvrir de grands yeux !
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