Deux mille ans d’histoire, vingts ans de Rock. Les arènes d’Avenches en ont vu défiler des têtes d’affiches: Iggy Pop, The Cure, Radiohead, NIN, Jamiroquai, Patti Smith, PJ Harvey… Si par malheur, Jules César avait imaginé une seule seconde ce que l’on ferait de ses vestiges, il en aurait bouffé sa couronne de lauriers. Remarquez, en infusion avant d’aller dormir, ça peut passer le laurier. En cette année anniversaire, moins de poids lourds, conjoncture oblige. Le vingtième Rock’oz Arènes va plutôt miser sur l’ambiance et les couleurs locales.
La soirée dite exceptionnelle du 31 Juillet « électr’oz arènes » n’avait pas grand intérêt. Si ce n’est celui d’avoir formé des couples de puceaux post-ados croisant le fer dans un grand ballet d’appareils dentaires. Toute plaisanterie mise à part: Bob Sinclar, Tiesto, Sir Collin, Igor Blaska… l’électro attire les foules, sold-out aux guichets.
En cas d’apocalypse nucléaire, les scorpions seraient les seuls êtres vivants à subsister sur terre – programme biologie/science niveau primaire. A choisir, en ce deuxième soir, on préfèrera retenir Arno comme ultime emblème de la planète bleue, au cas où ça pèterait. Le belge le dit lui-même, il n’a pas envie de devenir un vieux con. Son caprice de changement de scène passera finalement comme une aubaine pour un public venu en masse écouter Scorpions, à la base. Nos cachetonneurs au rabais ont heureusement encore un peu de fierté à clôturer leur set avec leurs deux immenses tubes d’antan – la majorité est ressortie en sifflotant « Wind of change », un best of à la main. Plus trop des boulets de canon nos amis teutons. Dommage, on avait enfilé nos perfectos en cuir.
Le Jeudi fut boucherie, avec bidoche discount avant 23 heures: les riffs heavy-blues de Sideburn, le power métal Suisse de Shakra et les presque oubliés Clawfinger, qui ont fait tout ce qu’ils ont pu pour remuer la nostalgie dans les tripes des trentenaires. Que ceux qui s’amusent à casser du sucre sur sa vieille carcasse aillent au diable: Lemmy Kilmister leur bottera le cul en enfer. La tournée européenne de Motörhead fonce à tombeau ouvert. A 66 ans et toujours aussi fringant, l’homme qui symbolise à lui seul la sex, drug and rock’n’roll attitude n’a pas fini de faire mentir la science. Le groupe n’accuse pas le coup, résiste au poids des ans et mitraille son rock à enclume. Pogos, poussière, bière et sueur, l’assistance a su faire face dignement.
De tous les groupes suisses qui ont défilé, les genevois de Disagony sont sans doute ceux qui nourrissent le plus de promesses. Pendant que tous les autres tricotent des reprises sans surprise, Disagony joue fort, la seringue grunge dans les veines et le garot de six cordes entre les dents. Fidèle à un festival qui, du coup, se souviendra qu’il porte le mot « Rock » dans son appellation, le trio s’est montré à la hauteur d’une époque révolue mais fondamentale: les noisy nineties. Dans un style différent, à défaut d’être totalement surprenants, sauvés par la mention »grosse ambiance garantie », les mexicains de Rodrigo y Gabriela et leur flamenco trash ont joué de la phalange et tapoté du manche comme personne.
Quand la musique de Stephen Marley ne ressemble à rien d’autre qu’à un hommage à son icône de père – héritage visiblement bien lourd à porter pour exister – le reggae café au lait de William White a montré un artiste généreux, proche et bien décidé à se faire un nom. Ce « This place is incredible« , sorti de la bouche du saint patron de la musique, pouvait nous laisser espérer un show inoubliable. A priori content d’être là, Ben Harper a mis du temps à se réveiller. Semant le respect un peu partout depuis vingt ans, on ne peut s’empêcher de penser qu’il aurait pu faire mieux. Surtout lorsque peu avant, les Lords of Altamont - traduire musique de motards pour motards – ont mis le feu sur une scène clairement trop étroite pour leur punk-rock brut et sans fioritures.
Autre Ben invité en 2011, l’oncle Soul a réussi à gonfler l’ambiance, mais toujours sur un timing qui a pu paraître long pour certains: la Soul qui colle au-delà des quinze minutes de cuisson du gentil oncle Ben est définitivement bien en-dessous des maîtres du genre. Bien pour trois minutes en radio dans les bouchons aoutiens bison-futés, un peu moins sur scène un vendredi soir. Programmés à la bonne heure, les Heidi Happy ont accompagné le soleil dans son écrin orageux. Beaucoup de protagonistes sur scène, peu de bruit mais une discrétion mélomaniaque assumée: les lucernois montent en puissance. Celle qui vient de fêter ses noces d’étain (10 ans) avec la scène nous accueille « avé l’accent du sud », un faire-part sucré-salé-crêpe aux champignons au micro. La chica chocolate s’est complètement affranchie de la Star Academy (on l’en remercie), et sa prestation sonne comme un anti-conformisme sexy et pimenté. A ceux qui pensent qu’elle végète en sous-régime depuis 2009 et sa « Miss météores », la brune Olivia Ruiz nous a promis un retour discographique dans les mois qui viennent. En finissant avec Stéphane Eicher, Rock’oz arènes était sûr de se faire pardonner toutes ses fautes. Le patriote exilé sait toujours autant honorer sa longue carrière devant son public, malgré la pluie. Aux novices d’en prendre de la graine, simplement.
Qui sait, dans mille ans, en fouillant bien les ruines, on y retrouvera peut-être un mégot, un gobelet ou mieux: le crâne chevelu de ce bon vieux Bernie Constantin. En attendant, 2012 fêtera la majorité américaine du Rock’oz arènes: 21 ans. De quoi espérer du lourd? A l’année prochaine.
Source photos: Laure Noverraz, Joseph Carlucci.
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