Son retour en 2009 sous le pseudonyme Yodelice en avait surpris plus d’un. On peut même avouer sans détour qu’on l’avait à peine reconnu, le haut de forme sur la tête et la larme à l’oeil. Gros morceau de ce sixième Rock Altitude Festival du Locle, quelques heures avant un concert dont lui seul a le secret, c’est un Maxim Nucci décontracté, libre et Ray-ban sur le nez qui s’est livré à moi. Ray-ban? Oui, le soleil fait pourtant son job dans ce coin montagneux reculé. Interview cuvette.
On connaissait Maxim Nucci producteur, musicien, et il y a deux ans arrive Yodelice. Passer du technicien studio au chanteur sous le feu des projecteurs, ce fut difficile? Est-ce que selon vous, c’était inscrit dans une logique naturelle?
Je pense que cela s’est fait naturellement. Les gens me connaissaient déjà sans que je fasse de démarche puisque j’avais effectivement travaillé sur l’aventure Popstars (2001). Et vu qu’à l’époque, on n’avait encore aucun feed-back sur l’issue d’un tel programme (1,2 millions de disques vendus), la France m’a découvert en tant que producteur à succès. Mais j’étais très jeune (22 ans), ce fut une réelle surprise qui m’a permis de construire une bonne base de travail en m’achetant des instruments, du matos. Après, il est difficile de voir une logique dans la musique, je considère Yodelice comme une continuité car c’est ma vie, un truc complètement relatif et subjectif.
En enfilant un costume, était-ce un moyen pour vous de personnifier une facette enfouie de votre âme artistique? De faire vivre votre imagination? De devenir plus vous-même?
Il y a de ça, en effet. A la base, c’était vraiment une proposition artistique. J’ai énormément de respect pour des artistes comme David Bowie ou Peter Gabriel qui arrivent avec un concept, avec toujours l’envie de créer, d’inventer un personnage, un univers. Yodelice est en quelque sorte une projection de moi, un projet inspiré par des choses bien personnelles, des chansons, du vécu, et pas du tout un truc fantastique comme certains ont pu le penser.
Yodelice, on voit que c’est un personnage clownesque, nuancé par un côté gothique et mélancolique. Mais Yodelice, c’est aussi une troupe pour laquelle on ressent un esprit de camaraderie, un peu à l’image de The Band. C’est aussi ça Yodelice?
Waouw! C’est un honneur d’être comparé à The Band. Tu es le premier à me dire ça (rires). Evidemment, j’adore The Band, ce genre de collectif d’artistes qui s’investissent dans un projet. Tu sais, j’ai la chance d’être entouré par une équipe qui m’aide à densifier le truc. Ce sont tous des gens formidables, avec beaucoup de talent, qui sont très inspirés et qui me suivent les yeux fermés tout en mettant leurs qualités à contribution. Je dirais même que Yodelice est un cirque ambulant.
On sait, et vous l’avez déclaré dans d’autres interviews, que votre style musical est très influencé par les 60’s – 70’s et l’on retrouve cette expérimentation sans limite dans vos albums, un peu à la Mac Cartney post-Beatles. Mais seul, dans le bus, l’avion ou bien à la maison, il écoute quoi Maxim Nucci? Aussi des choses d’aujourd’hui?
Oui oui, carrément! Je suis toujours à l’affut des choses nouvelles. Récemment par exemple, j’ai adoré le dernier album de Radiohead, un disque sublime et en partie incompris. Faut dire, je suis un inconditionnel du groupe. J’ai aussi beaucoup aimé le dernier Kills, The Do, Lily Wood & the Pricks. Je suis moins fan du nouvel Arctic Monkeys. Ils semblent avoir perdu leur côté british, leurs tempos ultra-rapides, on dirait qu’ils tendent plus vers du pop-rock chanté, un peu à la Smiths. Mais bon, au final, je l’ai quand même acheté (rires). Mais tu sais, j’aime les mélodies, à l’image des Beatles, qui pouvaient te pondre une musique de trois minutes entêtante et bien ficelée. Pour en revenir à Yodelice, au début, on nous a enfermé dans du Folk. Moi je considère ma musique plutôt organique. Je met beaucoup de liberté dans Yodelice, j’aime me calquer sur ces artistes qui ont su évoluer avec leur musique. En fin de compte, on change en temps qu’être humain donc logiquement on doit aussi changer en musique. Je ne veux surtout pas m’enfermer dans un truc, j’essaie d’être libre.
Yodelice porte un gros chapeau, ce qui accentue la magie du personnage. Mais peut-il encore en ressortir des choses surprenantes? Des textes en français? D’autres expérimentations?
Oui bien sûr, j’adorerai faire ça. Je ne ferme la porte à rien. Demain, Yodelice peut très bien faire un album uniquement instrumental, un disque chanté par quelqu’un d’autre avec nous derrière… Je ne suis pas fermé à rien, l’expérimentation et la liberté sont définitivement les moteurs du groupe.
En plus de vos tournées et de vos divers projets, vous avez aussi collaboré avec le « patron » Hallyday. Comment avez-vous vécu cette expérience? Un coup de jeune pour lui? Un coup de vieux pour vous, musicalement parlant?
C’est un souvenir extraordinaire. Avec Mathieu (Chédid), Vincent Polycarpe (batteur du groupe Gush), Johnny et moi, quatre personnalités très fortes dans un studio, ça a donné quelque chose de puissant. En plus, nous étions aux premières loges d’une renaissance, Johnny sortait d’une grosse période de doute et d’un coup, enfermé avec nous, il s’éclate comme un gamin. Johnny Hallyday est quelqu’un d’extrêmement touchant, bien loin de l’image people qu’on lui donne. Je pense qu’il faut s’intéresser à qui il est vraiment, un artiste qui a vendu plus de cent millions de disques, qui a joué avec les plus grands… Le mec a quand même hébergé Hendrix chez lui, c’est pas rien! (rires). Ce fut un vrai bonheur de côtoyer cet immense artiste. Et puis allez, à 67 ans, le mec a le droit de faire ce qu’il veut non?
Justement, sur l’album « Jamais seul » de Johnny, on retrouve un morceau à vous, francisé pour le coup (« Breathe in » devient « J’inspire »)…
(il coupe, enthousiaste) Johnny adorais ce morceau. Mathieu Chédid l’a adapté en français sur un coin de table et ça a donné ça. Ce qui est génial dans ce disque, c’est le témoignage d’un instant. C’est un album enregistré en deux semaines à l’autre bout du monde dans un studio incroyable, « Jamais seul » a vraiment voulu sonner spontané et je me sens hyper privilégié d’y avoir participé. De plus, ce disque gagne à la réécoute, il est ludique, hyper vrai. Après, il a été mal pris par la critique, le succès n’est pas forcément au rendez-vous, les gens attendaient peut-être, à tort, un deuxième « allumez le feu »… Mais j’ai vraiment hâte de le découvrir sur scène l’an prochain. Sincèrement, on ne reste pas insensible à ce mec, il a un charisme légendaire, il est bien présent, qu’on le veuille ou non.
Vous êtes proche du septième art, on vous a vu dans plusieurs films en tant qu’acteur, vous avez de bons rapports avec Guillaume Canet (qui a réalisé son premier clip), et vous n’êtes pas sans savoir que beaucoup d’acteurs poussent la chansonnette (Mélanie Laurent, Hugh Laurie, Jeff Bridges…). Allez Maxim, donnez-nous un scoop! A quand le prochain disque de Marion Cotillard? Un duo avec Guillaume Canet?
On écrit beaucoup avec Marion. Cette fille est une surdouée dans tout. Elle a fait pas mal de tournée avec nous, avec les Franz Ferdinand et pour le coup, elle dispose d’une vraie légitimité à faire un disque ou de la musique. Attention, avec Marion, on n’est loin d’une caricature de chanson d’actrice. Elle a une vraie voix, un vrai univers, c’est pas le genre à susurrer sur trois notes de guitares (rires). Patience..
Propos recueillis par Gyslain Lancement
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