Comme un bon nombre d’entre vous doivent déjà le savoir, il ne reste que quatre jours avant la sortie du très attendu The Dark Knight Rises, ultime volet de la trilogie cinématographique de Christopher Nolan mettant en scène le héros le plus sombre et le plus torturé de l’univers DC. A cette occasion, nous vous proposons un compte-à-rebours original et motivant, sous forme de rétrospective BDphilique et cinéphilique. Chaque jour, Florian et Didier vous font découvrir (ou redécouvrir) un comic-book et un film qui ont marqué et influencé le vaste univers de Batman.
On continue aujourd’hui avec The Dark Knight returns, de Miller et Batman Forever (1995), réalisé par Joël Schumacher avec Val Kilmer et Tommy Lee Jones, et chroniqué par Didier ici.
Edité en quatre épisodes durant l’année 1986 (quelques mois avant la sortie de Watchmen !), The Dark Knight returns est simplement le comic-book le plus influent et le plus culte de l’univers de Batman. Son auteur, Frank Miller, n’est plus à présenter, puisqu’il est aussi à l’origine d’autres séries phares, telles Sin City, All-Star Batman & Robin, Batman Year One (chroniqué ici), Martha Washington et 300 (pour ne citer qu’eux). A l’époque, il n’était pas aussi réputé qu’aujourd’hui, mais avait déjà derrière lui un incroyable arc de Daredevil, où il redéfinissait le personnage et créait Elektra, et une minisérie novatrice et étrange : Ronin. De son côté, DC Comics souhaitait embaucher de jeunes talents pour insuffler un nouveau souffle dans son univers. C’est dans cette optique qu’on confia à Miller de redéfinir le mythe du chevalier noir. Il prit le projet à cœur et travailla longuement pour livrer un travail abouti et original. Il ne respecta donc pas les deadlines, causant la colère des directeurs de DC qui licencièrent Dick Giordano, le responsable éditorial de Batman qui, lui, soutenait Miller dans sa démarche. Mais au final, ce dernier fit plus que remplir les espoirs que DC Comics avait placé en lui et réinventa totalement le mythe de Batman, grâce à une noirceur et un non-conformisme de tous les instants.
The Dark Knight returns se déroule dans un futur proche et dystopique, où la Guerre Froide est toujours d’actualité et où tous les super-héros et les vilains ont démissionné, sauf Superman qui est désormais au service d’un gouvernement américain fasciste et totalitaire. Gotham est donc plus que jamais rongée par la criminalité et un gang nommé les Mutants sème la terreur à tous les coins de rue. Retiré après la mort de Jason Todd, le deuxième Robin, Batman a maintenant 55 ans et va devoir revenir aux affaires lorsque Double-Face réapparaît. Mais le retour du chevalier noir ne va plaire ni aux médias, ni aux habitants… Rien que le pitch nous met directement dans l’ambiance ! Batman est vieux, ses ennemis aussi et ses alliés sont aux abonnés absents. Après des années d’absence, il va devoir revenir et botter le cul de pas mal de monde : les Mutants, Double-face, le Joker et Superman. Tout un programme !
On reconnaît bien là le style et les thématiques de Miller, qui s’empresse de mettre son héros dos au mur, ne lui laissant que le choix de la violence. En effet, Batman est plus que jamais affaibli, d’abord par son âge et sa condition physique, ensuite par son environnement (gouvernement, médias, habitants) et enfin par ses ennemis, qui même malgré leurs âges, on encore l’esprit mal tourné et accuse Batman de leur folie, qui s’est aggravée avec le temps. Le chevalier noir va alors se mettre en tête d’éradiquer toute cette vermine et de remettre de l’ordre à Gotham, son mot d’ordre initial, mais maintenant accompagné d’une absence totale de pitié. Il devient plus humain que jamais et se laisse guider par sa colère et ses instincts. On n’a jamais vu Batman dans cet état : effrayant, presque fou et sans compromis. Un résumé du style Miller, en fait !
The Dark Knight returns se veut aussi une critique acerbe et sans gants de la société américaine de l’époque (qui n’est d’ailleurs pas si différente de celle d’aujourd’hui), de ses politiques, de ses médias, de son avilissement et de sa manipulation des masses. Miller utilise à plusieurs reprises des « têtes parlantes » qui commentent les événements au fur et à mesure du récit et mettent en exergue le détachement omniprésent des médias et les débats souvent inutiles qui animent les postes de TV. L’auteur y décrit ce qu’il voit tous les jours et nous rend témoins d’une réalité certes extrême, mais tangible et bien présente. Son graphisme très cru et fin y fait également écho, en n’épargnant nos yeux à aucun moment, notamment grâce à des courbes très marquées, très fébriles et très géométriques. Le découpage est lui aussi dense et direct et passe de pages à une vingtaine de cases à plusieurs pleines pages épiques. Miller n’est pas un des meilleurs raconteurs d’histoires de l’Histoire du comic-book pour rien, à l’instar de Will Eisner. Il privilégie sans cesse le sensationnel et le sensoriel, sans oublier l’émotionnel et la satire qui donnent des fondations solides à ses édifices. On sait que lorsqu’on ouvre un livre de Miller, on va être étonné, violenté, surpris et trimballé de tous les côtés sans pauses pour respirer. Et The Dark Knight returns est sans doute l’histoire la plus emblématique de son auteur.
The Dark Knight returns marqua donc un tournant essentiel dans la temporalité et le mysticisme du chevalier noir. Il reste encore aujourd’hui une référence, grâce à ses thématiques universelles et son traitement sans concession. Dernière preuve de son influence : l’intrigue de The Dark Knight rises, qui reprend le concept d’un Batman vieux et confronté à ses pires démons. Dernière preuve de sa clairvoyance : la tuerie de Denver qui fit 12 morts et 60 blessés lors d’une avant-première du même The Dark Knight rises, écho quasi-littéral d’une page (ci-contre), passage de la fiction millerienne à la triste réalité.
Demain : Arkham Asylum, de Morisson et McKean.
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