Comme un bon nombre d’entre vous doivent déjà le savoir, il ne reste que trois jours avant la sortie du très attendu The Dark Knight Rises, ultime volet de la trilogie cinématographique de Christopher Nolan mettant en scène le héros le plus sombre et le plus torturé de l’univers DC. A cette occasion, nous vous proposons un compte-à-rebours original et motivant, sous forme de rétrospective BDphilique et cinéphilique. Chaque jour, Florian et Didier vous feront découvrir (ou redécouvrir) un comic-book et un film qui ont marqué et influencé le vaste univers de Batman.
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On continue aujourd’hui avec Arkham Asylum, de Morrison et McKean et Batman & Robin (1997), réalisé par Joël Schumacher avec George Clooney et Arnold Schwarzenegger, et chroniqué par Didier ici.
Arkham Asylum est sûrement l’histoire la plus psychologique et la plus envoûtante de Batman. Scénarisée par Grant Morrison, qui reprendra la série régulière 20 ans après, l’intrigue est conçue non pas comme une aventure habituelle, mais comme une expérience sensorielle et inédite. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle sortit directement dans son intégralité, au lieu d’être divisée en épisodes de 22 pages, comme le veut la tradition éditoriale américaine. Nous somme en 1989 et depuis trois ans, une vague de d’interprétations cérébrales et réalistes s’étend sur le monde des super-héros, initiée par Watchmen et The Dark Knight returns. Morrison, lui, veut revenir à une approche plus onirique et plus décousue et s’empare de l’histoire de l’asile d’Arkham pour créer une immersion totale dans la psyché dérangée de tous ses personnages. Débutant avec un scénario de 50 pages, il confie le graphisme au surdoué Dave McKean qui étend la pagination à 100 pages et finit de faire d’Arkham Asylum un OVNI hypnotique et saisissant.
Tout commence quand Gordon informe Batman que les internés d’Arkham ont pris les gardes et les docteurs en otage et exige sa présence dans l’asile. N’ayant pas vraiment le choix, Batman s’y rend et découvre que le Joker est à l’origine de cette révolte. Ce dernier va vite proposer un jeu de cache-cache au chevalier noir qui n’aura qu’une heure pour se cacher avant que tous les internés enfermés par sa faute soient libérés et le cherche pour le tuer. Batman est pris au piège et va vite réaliser qu’il va devoir se battre avec ses muscles, mais aussi et surtout avec son esprit pour ne pas devenir aussi fou que ses poursuivants. Et il ne manquerait plus que ce ne soit pas le Joker qui ait tout orchestré…
Grant Morrison aime malmener son héros, comme on l’a déjà vu dans Batman R.I.P. (chroniqué ici), et s’en donne à cœur joie, mais toujours dans l’optique du surpassement de soi et non de la simple violence gratuite. En effet, si Batman se perd dans les étages de l’asile et touche quasiment le fond, c’est pour mieux retrouver qui il est vraiment et prendre conscience de ses actes passés : une sorte de thérapie par le bas ! Son voyage dans sa psyché va prendre longtemps et va être divisée en plusieurs étapes, au fur et à mesure qu’il rencontre ses divers ennemis. Morrison se sert ici d’une analogie forte entre l’architecture de l’asile et celle de l’esprit de Batman pour mieux dimensionner son propos. Batman voyage dans les étages de plus en plus sombres, comme il voyage dans sa propre psyché, ses adversaires se faisant les échos de ses propres démons. Second parallèle (et pas des moindres) : celui de l’histoire d’Amadeus Arkham, le fondateur de l’asile. Malade, sa grand-mère était victime d’hallucinations mettant en scène une gigantesque chauve-souris qui l’attaquerait pendant son sommeil. Persuadé de pouvoir la soigner, Arkham fait tout pour elle et délaisse sa fille et sa femme, qui finiront par se faire violer et tuer par un interné. Arkham blâme alors cette fameuse chauve-souris, sombre dans la folie et devient un interné de plus dans son propre asile. L’analogie est ici inédite, car elle nous explique que les vilains que Batman enferme ne sont pas complètement fous à leur entrée, mais le deviennent par la suite, faisant de Batman le vilain indirect de cette histoire et celui va en payer les frais dans cet album.
Arkham Asylum fait donc preuve d’une intrigue à plusieurs niveaux et développe une atmosphère malsaine, déroutante et terrifiante, qui se manifeste par le graphisme hallucinant de Dave McKean. Déjà connu pour les couvertures de Sandman, McKean est un artiste à part entière qui travaille la peinture, la photo et une multitude d’autres arts plastiques. Et il ne change pas de techniques pour Arkham Asylum ! Au contraire, il se sublime. Chaque case est juste incroyable ! Les couleurs sont profondes, les noirs cauchemardesques et les contrastes à s’en décoller la rétine. Le découpage porte également sa signature et fait preuve d’une déstructuration de la page et des cadres jamais vue, nous entraînant encore plus dans l’instabilité du récit. Si Morrison ébauche la folie, McKean la rend palpable et nous plonge sans filets dans les méandres de l’âme du chevalier noir.
Arkham Asylum montre le chevalier noir comme on ne l’avait jamais vu avant et comme on ne l’a jamais revu par la suite. Ce genre d’exploit créatif est tellement rare qu’il n’arrive qu’une fois !
Demain : Un long Halloween, de Loeb et Sale.
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