Elliott Murphy est pour beaucoup une légende du blues-rock et de la folk, ou l’on ne compte plus le nombre de participations et d’albums studio qu’il a fermement défendus durant près de quarante ans de carrière. Devant moi s’assied un homme posé, plein d’humour et de classe. Rencontre.
Comment vas-tu ?
Elliott Murphy : Très bien en fait ! Il est bizarre pour moi de me retrouver dans cet hôtel. Je suis venu à Genève la première fois en 1971 avec ma première copine lorsque je jouais dans la rue, et à l’époque je n’avais pas un rond. J’avais négocié la plus petite chambre possible dans ce même hôtel en réservant une chambre simple ici pour elle et moi !
Les gens vont vous découvrir dans une ambiance intime cet après-midi. Préféres-tu ce genre d’athmosphère ou celle des vraies grandes scènes ?
E.M : Je dirais que je n’ai pas vraiment de préférence. J’ai été sur la route pendant 35 ans et j’ai joué toute sorte de salles, des plus petites au grands stades. Cela dépends donc toujours du rapport avec le public, mais je dois dire que je préfère jouer dans des petits clubs, car ça me rappelle les débuts.
Qu’est-ce que le live t’apportes ?
E.M : Le live est la veine de ma musique. J’ai commencé dans les années 60 ou enregistrer en studio était en premier lieu pour annoncer les concerts, et le live était l’unique façon de faire ton apprentissage du rock’n’roll. Tout ça a beaucoup changé car beaucoup de groupes se font signer et ont un hit avant même d’avoir joué un concert. Pour moi l’expérience du live est vitale, c’est ce qui me fait avancer et me donne de la créativité pour écrire des chansons. Je ne pense pas pouvoir vivre sans.
Aurais-tu changé quelque chose à ta carrière avec du recul ?
E.M : Oui je pense que j’aurai changé beaucoup de choses. Je ne regrette rien par contre, car j’ai eu une carrière très longue et c’est très rare. Certains ont du succès pendant très peu de temps et disparaissent ensuite. Je serais fou de me plaindre ! Ce que j’aurais changé serait de m’être pris la tête avec le business et tout ça. Mais je pense qu’il est question de destin chez moi, car j’ai très vite voyagé puis enchaîné ma carrière.
Qu’est-ce que tu aimes dans ton métier ?
E.M : Wouah ! Je peux surtout te dire ce que je n’y aime pas ! Les meilleurs moments sont les 2 heures ou tu es sur scène. Y arriver c’est le plus difficile, tu sais, les 8 heures de voyage et l’organisation autour peuvent être très ennuyantes… mais quand tu y es c’est magique ! J’aime beaucoup enregistrer également. Ecrire des chansons sont également des moments magiques.
Qu’est-ce qui t’inspires quand tu écris des paroles ?
E.M : Ca peut venir de plein de choses, un bout de conversation que j’entends, ce que je peux entendre dans des films… Mais c’est surtout quand j’entends la musique que des paroles me viennent.
Considères-tu aujourd’hui que tu as réalisé tous tes rêves ou t’en reste-t-il ?
E.M. : A l’époque j’avais deux grands rêves, l’un était de devenir une rockstar et l’autre d’être écrivain. Aujourd’hui je ne sais même plus ce que c’est d’être une rockstar ! Bruce Springsteen ou les Stones sont plus que des rockstar, c’est même des icônes… Je pense que qui que ce soit qui puisse vivre de sa musique peut être qualifié de rockstar. C’est assez dur déjà comme ca l’est. Cette expérience m’a rendu humble.
Gaspard Murphy, ton fils, a suivi ta lignée en étant chanteur-guitariste dans les groupes Duplex et The Dukes. En quoi penses-tu l’avoir influencé ?
E.M : J’ai toujours essayé de ne pas le pousser. Il a été entouré depuis tout petit par les enregistrements, les tournées, … Je lui ai acheté sa première guitare en Espagne, une jolie petite guitare espagnole. Il a flashé sur sa première guitare électrique, c’était une Fender Telecaster, et il a fait son chemin. Sa musique est très différente de la mienne, mais grâce à tout ce qu’il a été exposé il a une connaissance de la musique très vaste. J’ai juste essayé de toujours lui montrer la réalité, qu’il faut travailler avant d’atteindre un certain niveau.
Quel est le meilleur conseil que l’on t’a donné ?
E.M : Ne prends pas de drogues !
L’as-tu suivi ?
E. M: Pas assez ! J’ai eu mes périodes à l’époque comme tout le monde. (rire)
Quels sont tes prochains buts ?
E.M : Il y a toujours les buts à court terme, notre tournée qui va venir, trois albums qui vont sortir aux US. L’un de mes buts et d’être plus présents là-bas et d’y tourner plus. J’ai aussi un nouveau livre sur lequel je travaille avec mon frère sur la belle époque, le CBGB’s et tout ça… Je suis dans une phase ou j’essaie de tirer un sens à ma carrière. Mais mon but à long terme est de rester le plus possible sur la route.
Peux-tu nous parler de la dernière vidéo que tu as sortie « Counterclockwise » ?
E.M : C’est une chanson que j’ai écrite avec Olivier Durand, qui est mon guitariste depuis 16 ans. Un de nos photographes a eu l’idée de faire cette vidéo, on a eu ces idées de sable et tout ce qui suit. Nous l’avons tourné en deux jours. Tu sais, Internet pour des artistes comme moi est la meilleure chose qui soit arrivée car nous pouvons être en contact avec nos fans, et l’idée que l’on puisse regarder mon clip depuis n’importe ou est géniale. C’est une chanson très difficile à jouer en live et maintenant qu’on en a fait une vidéo il n’est plus possible d’y couper !
Justement, tu as sorti un album exclusivement sur iTunes très récemment et tu sembles ouvert à Internet de manière générale. Que penses-tu de la manière dont Internet a changé l’avenir du disque ?
E.M : C’est difficile à dire car nous sommes toujours au milieu de la phase ou nous ne savons pas encore vraiment s’il va disparaître ou pas. Ce que j’aime avec Internet c’est que les choses sont immédiates. L’album « Just for One Day » est une session qu’on a enregistré pour une radio en Hollande qui a très bien donné. Le fait de ne pas avoir de délai de pressage ou de fixer une date de sortie, ç’aurait prit 6 mois et c’est génial d’avoir pu s’en passer. Pour des albums comme ceux-ci c’est une bonne chose. Mais les fans préférent avoir le vrai truc, et spécialement le booklet. Pour répondre à ta question, peut-être que cette erre digitale remet un peu le business de la musique devant la réalité. Je pense que finalement c’est une bonne chose, du moment que le live ne peut pas être remplacé.
Comme tes vieux amis Lou Reed et Bruce Springsteen, vous êtes tous aujourd’hui encore sur les devants de la scène à défendre votre rock. Plus jeune, aurais-tu imaginé une seule seconde en être là ou vous êtes ?
E.M : Jamais je n’aurai imaginé ça. Je n’aurai pas non plus imaginé Mick Jagger sauter sur sa scène à quarante ans. Pete Townshend des Who a dit « J’espère mourir avant d’être vieux », et tu vois… Tu sais hier j’ai allumé la télé et j’ai vu Lou Reed chanter avec Metallica.
Et qu’en as-tu pensé de ce featuring de Lou Reed avec Metallica ?
E.M : D’une certaine façon, c’est très révolutionnaire. Du côté de Lou Reed ou de celui de Metallica, c’est un effort très noble de tenter de mélanger leurs mondes. Il me semble que c’est basé aussi sur un livre, quelque chose d’assez littéraire. (ndlr : Lulu, pièces écrites en 1929 par Frank Wedekind) Combiner cela avec leur musique est peut-être le premier pas vers quelque chose de très intéressant.
Que penses-tu de la musique actuelle ? Est-ce qu’elle t’influence ?
E.M : Ca m’influence tout le temps, aussi grâce à mon fils qui m’offre des vinyles de groupe actuels qu’il adore.
Y a-t-il quelqu’un avec qui tu n’as pas encore travaillé et avec qui tu voudrais ?
E.M : Il y en a tellement. Comme producteurs, Rick Rubin ou Daniel Lanois. Il y a des chanteurs comme Aimee Mann ou Rickie Lee Jones, et aussi Fergie que j’aime beaucoup.
J’aimerai bien aussi faire quelque chose avec Keith Richard un jour, j’avais travaillé avec Mick Taylor à l’époque. J’adore aussi le groupe Wilco, j’adorerai bosser avec eux.
Il paraît que tu es un ami de Phil Collins, vas-tu le visiter quand tu passes dans la région ?
E.M : Tu sais, j’ai pas vu Phil depuis qu’on a enregistré ensemble ! C’est une partie de mon travail qui est très étrange, j’ai vu Phil tous les jours pendant des semaines, et d’un coup plus rien. Ca fait ça aussi avec d’autres artistes. J’ai essayé de l’atteindre quand j’ai vu qu’il pensait prendre sa retraite, pour lui dire à quel point j’avais adoré travailler avec lui. Si tu vois ça Phil, appelle-moi !
Laisser un commentaire