Les écossais de Primal Scream ont changé la face du Rock. C’était il y a vingt ans. Une éternité pour la jeunesse pressée, un grain de sable pour ceux qui ont grandi avec les Stones. En 1991, après des débuts difficiles, le groupe publie « Screamadelica », fourre-tout musical aux reflets psychédéliques, fusion improbable mais ultra-réussi entre le rock traditionnel et la trance (née de l’acid house). Encensé par la critique, le groupe va désormais vivre en plein milieu de la culture rave britannique avec un nouveau statut: celui de groupe phare du rock indépendant. Emmené par un Bobby Gillespie, sorte de droopy nonchalant au charisme démesuré, Primal Scream ne va récolter que la moitié de ce que leur habileté musicale méritait au cours de leur carrière. Quand on demande à Alan McGee (boss du label Creation Records qui a vu s’aguerrir sous sa houlette Jesus and Mary Chain, Oasis ou les Libertines) ce qu’il pense de Primal Scream? Le plus grand groupe de rock, s’ils n’étaient pas restés vautrés sur des canapés alors que les plus grands festivals les attendaient. Ces messieurs ont eu du mal à sortir leur pif de l’héroïne et de l’ecstasy quand il le fallait (monnaie courante des 90’s et régime quotidien de la bande à Gillespie). On est rock’n’roll ou on ne l’est pas. Pour ce « package » chimique d’icône crédible, d’autre formations inventives ont préféré passer la main, à devenir des grosses machines qui font de l’humanitaire en jet privé. Voyez ce qu’est devenu U2. Malgré tout, au sortir de la prestation impeccable de ce soir, on reste toujours plus persuadé que les maisons de disques ne font pas leur job avec passion et sont responsables de l’injustice commerciale infondée qui touche Primal Scream hors du royaume-uni. En ce 7 Septembre aux Docks, on piaffait comme des gamins. La suite allait nous donner raison: on s’est senti privilégiés.
Fêter les vingt ans de « Screamadelica » dans l’ambiance charnelle du quartier chaud lausannois conférait à cet anniversaire un truc en plus, étrangement. Les Docks ont vu juste avec cette unique date des écossais en Suisse. Devant une assemblée de connaisseurs, Bobby Gillespie, fidèle à lui-même, n’esquissa qu’un seul sourire. Le leader à la nonchalance légendaire déflore son album deux décennies plus tard avec la minutie et le groove de la grande époque. « Movin’ on up », « Higher than the sun », « Loaded » et son intro mythique by Peter Fonda, « I’m comin’ down »… chaque chose est à sa place et n’a pas vieilli d’un poil. Bobby non plus. Conservé par une dimension que le commun des mortelles fantasmerait de pouvoir atteindre, Bobby nous invitait deux heures durant à la débauche torride et aux moiteurs acides, avant de finir sur un rappel de gros tubes chargés d’énergie (« Country Girl », « Rocks Off »). Stoïque et perché – les vapeurs d’antan le ferait presque marcher sur l’eau – durant les longues plages psyché instrumentales qui parcourent l’électro, la house, le krautrock et la pop du set, Bobby nous a montré dignement que sa musique vieille de vingt ans n’avait pas pris une ride. C’est donc ça ce que l’on appelle l’avant-gardisme? La réponse existe depuis 1991.
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