MOI J’CONNAIS RECORDS: Découverte & curiosité(s).
Ce petit label dont je vous ai déjà parlé est l’œuvre de deux passionnés Cyril Yeterian et Robin Girod (tous deux membres du groupe Mama Rosin).
Ils nous font découvrir des disques oubliés ou insolites puisés dans leur riche collection de vinyles.
Un vaste panorama musical, preuve de la curiosité et de l’éclectisme musical des sus-nommés.
A leur actif parmi 14 publications, une compilation de musique Cajun « Hypnotic Cajun & Obscure Zydeco », du Calypso avec Blind Blake & The Victoria Royal Hotel Calypsos, de la chanson napolitaine « Pietre Preziose e Oro Fino », ainsi que du Tropicalisme avec « Os Brazöes ».
EDEN AHBEZ: hippie avant l’heure.
De son vrai nom George Alexander Aberley, né le 15 avril 1908 à Brooklyn et décédé le 4 mars 1995 des suites d’un accident de voiture.
En 1917, ses parents adoptifs le nomment George McGrew.
Dès son arrivée à Los Angeles en 1941, il joue du piano à l’Eutropheon, un magasin et restaurant de ce que l’on appelle aujourd’hui nourriture bio.
L’établissement est tenu par un couple d’immigrants allemands, Vera et John Richter adeptes de la philosophie « Naturmensch et Lebenreform », prônant le retour à la nature, la vie saine, les végétaux et fruits crus, pas d’alcool, ni de tabac et de vaccins.
Eden devient végétarien et rejoint les « Nature Boys », groupe de gens adhérant aux même valeurs. Il se rebaptise eden ahbez, en minuscules, car seuls les mots Dieu et Infini méritent les capitales selon lui, le patronyme contient également les lettres A et Z (Alpha et Omega, début et fin de l’alphabet).
Se laissant pousser barbe et cheveux, portant des sandales, il dort à la belle étoile dans un sac de couchage, lui et ses amis préfigurant avec vingt-cinq ans d’avance les aspirations et le mode de vie du mouvement hippie. La légende veut qu’il se soit installé sous le premier L de l’enseigne Hollywood, sur les collines de Los Angeles.
Il se targue de pouvoir vivre avec seulement trois dollars par semaine.
NAT KING COLE ET LA CHANSON « NATURE BOY »:
Cette expérience de vie lui inspire la chanson « Nature Boy », à l’instance du compositeur Johnny Mercer, il la propose au manager de Nat King Cole, l’interprétation du crooner en fera un numéro 1 au hit parade et standard de jazz en 1948.
Pendant les fifties, il écrit pour des chanteurs notamment Eartha Kitt, et Frankie Laine entre autres.
Il se produit également seul, récitant de la poésie et s’accompagnant aux percussions ou la flûte dans des cafés , parfaitement en phase avec le mouvement « Beat* » de l’époque.
1960 EDEN’S ISLAND. LE DISQUE:
C’est cette année là qu’il enregistre pour Delfi-Records, son seul et unique disque.
La couleur musicale dominante de l’album est ce que l’on dénomme « Exotica* »(musique instrumentale kitsch à base de vibraphone et évoquant Hawaï ou les Caraïbes), assez orchestrale et easy listening.
L’originalité (et la bizarrerie) vient de l’ajout des récitatifs (talking poetry) de ahbez (cela m’a fait penser au disque « An American Prayer de Jim Morrison).
On pense aussi à Moondog pour les percussions « primitives », ou encore à Dr. John pour certaines ambiances hantées crées par les choeurs(l’album « Gris Gris »).
Dans certains cas, des bruitages ont été ajoutés (craquements de coque de bateau sur « The Old Boat », souffle du vent sur « Tradewind »).
A d’autres moments l’ambiance est un peu plus chanson jazz variété comme sur l’inédit « Surf Rider ».
Dans les années soixante ahbez croisera Brian Wilson peu avant « Smile », rencontrera Donovan pour une conversation dans le désert de Joshua Tree. Il rendra visite en studio à Grace Slick(Future Jefferson Airplane) dont le groupe Great Society reprend « Nature Boy ».
Eden continue à travailler en studio avec le batteur et ingénieur Joe Romersa pendant les années 80 sans publier d’autres enregistrements.
En 1995 parait de manière posthume « Echoes from Nature Boy ». Une sélection de versions instrumentales , notamment « Nature Boy ».
Petit effort pour se procurer « Eden’s Island »: directement auprès de Moi J’connais Records (ou lors des concerts de Mama Rosin et des Frères Souchet).
Egalement chez votre disquaire favori.(STIGMATE et SOUNDS à Genève).
* »EXOTICA »: désigne un courant musical né avec l’album du même titre de Martin Denny paru en 1957. Ce style kitsch combine grandes orchestrations et percussions dites exotiques.
Citons également Arthur Lyman et l’album de Les Baxter « Ritual of the savage »(1952) qui préfigure le genre.
Le pendant architectural de l’exotica est le style Tiki, librement inspiré de la culture polynésienne. Très à la mode dans le design de bars dès les années 40.
* »BEAT »: à la fin des années 50, rompant avec l’american way of life(travail, famille, patrie), les poètes nomades de la beat generation(beatniks), Jack Kerouac, Allen Ginsberg, W. Bourroughs, avaient pour habitude de faire des lectures dans des cafés accompagnés par des musiciens de jazz.
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