Deux seules choses pourront sauver Philippe Katerine: sa pathologie et son sens de la mélodie. En totale roue libre depuis « Robots après tout » (en 2005), Katerine est un bon samaritain pour plusieurs choses: d’une part, il est le premier homme sur terre à avoir extrait un balais passablement bien ancré au fond d’Arielle Dombasle (en composant un album pour elle en 2009), et d’autre part, il a réussi à faire dans l’ordre: grimacer, sourire, crier et jouir la ménagère de moins de 50 ans qui s’ennuyait sec un soir de Star Academy avec son refrain bourgeois-déjanté de « Louxor j’adoooooooooorrre ».
Le vendéen, à la base angoissé et peu sûr de lui, va peu à peu porter à lui tout seul la chanson française décalée et l’easy-listenning made in hexagone. Les années 90 vont lui servir de brouillon, de forage dans le public plus underground, loin des sentiers commerciaux. Son album « Les créatures », en 1999, sublimé par son pseudo-single « Je vous emmerde », va asseoir sa réputation de trublion qui fonce droit dans un mur de biftons. Remarquablement mélodique et diablement bien orchestré, le talent de Katerine va gifler les « Inrocks » et les lecteurs qui vont avec. Premier gros palier franchi, trois ans plus tard, en 2002, il nous accroche aux rideaux en compagnie des Recyclers en publiant « 8ème ciel », album époustouflant de pop-jazzy, référence en la matière, complètement ignoré (à tort) par les fans du Katerine qui se trimballe le cul à l’air chez Groland. Ajoutant quelques bandes originales de films et même un long métrage à se procurer avant l’apocalypse (« Peau de cochon » en 2005) histoire de mourir encore plus bête, il va aussi collaborer avec des artistes de la même « famille » que lui, de Brigitte Fontaine à Teki Latex, sans oublier son ex-femme Helena Noguerra, preuve qu’une bombe atomique peut faire du bien, au moins en musique…
A la vue de ce nouveau disque éponyme, pour le coup, on a peur. Trois énergumènes aux airs de familles certains qui sourient niaisement sur un fond de photographe dépressif du coin de la rue, ça peut choquer. On ne se dit pas que Katerine est un barge, on le savais, on s’avoue simplement qu’il a un crédit illimité. Pauser avec ses parents sur un album promu par Universal Music, tiré à des dizaines de milliers d’exemplaires? Il n’y en a qu’un pour oser un truc pareil, chapeau. C’est avec un sourire en coin que l’on imagine le novice aux errances musicales de Katerine, bien assis dans son bureau, à dézinguer d’un clic les futurs talents, lorsqu’il se prend une pêche parmi cette corbeille de 24 titres plus loufoques les uns que les autres. Philippe Blanchard de son vrai nom va au moins battre un record, celui du plus petit ratio durée totale/nombre de chansons. Moins de quarante trois minutes au total pour faire passer un message, ciblé dans « Reine d’Angleterre », mais que l’on peut généraliser à un gros majeur tendu vers le ciel. A la première écoute du disque, on doute, on se demande à quoi sert un album de cette race inclassable, parfait dans l’enfoncement de l’industrie musicale au plus profond de son agonie. Aux plus naïfs, Katerine finira sûrement par aller jouer au golf main dans la main (ou ailleurs) avec les patrons des majors, histoire de les bizuter et que tout le monde s’y retrouve un peu. C’est juste la forme qui reste d’être choquante, on connaît désormais les talents d’exhibitionnistes du vendéen depuis le clip de « la banane », où se pavaner le sifflet dans le vent n’avait pas l’air de le perturber. Après avoir donné une leçon d’alphabet à des primaires hébété sur « Derniers seront toujours les premiers », Katerine s’impose en chevalier des « Bisous », flirte avec le burn-out sur « Bien mal », et s’amuse foutraquement de l’anatomie de sa compagne actuelle (Jeanne Balibar) sur « J’aime tes fesses ». Impossible de retenir un éclat de rire sur « Il veut faire un film », duo improbable avec son père aux paroles surréalistes, ou bien sur le clip hilarant de « Liberté » et sa poésie très provocante, à proposer en thérapie groupée aux citoyens haineux. Katerine est un gamin qui s’éclate, tant « Moustache » pourrait sortir de la bouche d’un morveux. Apparemment inspiré par les objets qui l’entourent, du « Sac en plastique » au « Telephone », la plaisanterie prend quand même une tournure ballonnante, et ne sachant ni trop à quel moment de la journée ni dans quel endroit écouter cet ovni, on retiendra quand même quelques bijoux égarés comme « Vieille chaine » ou « Cette mélodie ».
Les dernier irréductibles souriront peut-être sur les trips « Parivelib » ou « Morts vivants », tout connaisseur succombera certes au charme de cet album réussi musicalement mais un peu trop long et sans réelle surprise majeure. C’est vrai, dans la société actuelle, qui a envie d’acheter un disque juste pour se marrer, même si celui-ci est à prendre au dixième degré? Pas grand monde je crois… Là où le gaulois moyen préfèrera la prose léchée d’un Murat, le Bo-bo du XVIème s’extasiera devant l’album de Katerine. Respect quand même, fan qui rit est à moitié dans ton lit. Ainsi soit-il…
Extraits à écouter ici: Philippe Katerine, « La banane » – Philippe Katerine, « Liberté »
Laisser un commentaire