Qui ne s’est jamais laissé submerger par un refrain de Raphaël? En pleine canicule, 2003, son duo avec Jean-Louis Aubert (« Sur la route ») embaumait un parfum de relève, le vieux baba adoubant le jeune au coeur sensible sur le terrain vague et aride de la variété française. A cette époque, pas mal de jeunes vieux ont essayé de choper la branche (De Palmas, Riké…), mais sans succès. Rien de tel que l’ancien cerveau de Telephone pour lancer à la figure du public ce savant mélange franco-russo-argentino-marocain, à la plume précocement inspirée et révolutionnaire… Un côté Che Guevara? Allez, on n’a peut-être pas tous porté un beret mais au moins une sacoche à l’éfigie du rebel de Santa Fe.
L’émancipation arrive: en 2005, les ondes et les autres mass-médias pullulent de Raphaël. Lui-même semble un peu perdu, un peu trop gentil et dépassé par son fameux « Caravane », sa réussite et l’omnipotence de sa maison de disques. Mais heureusement, en ces temps maudits d’expulsion massive romanichelle, la France du haut comme du bas s’avoue secrètement que « Caravane » a bien fait d’être sorti 5 ans plus tôt. Burnout léger qui rime avec album râté, son « Je sais que la terre est plate » (en 2008) fit trémousser les restes du cercueil de Galilée, le mec est quand même mort la gueule ouverte des millénaires plus tôt en essayant de prouver le contraire. Depuis 2 ans, Raphaël a écumé les théâtres à capacité réduite de France et de Navarre, pour une tournée esseulé à la piano-voix, remettant au passage un pied dans l’intimisme et délaissant le côté populaire strident qui crie fort et qui donne la migraine (syndrome Patrick Bruel).
RAPHAAAEEELLL!!!! a eu un déclic: 14 Mars 2009, mort du grand Bashung. C’est sûrement grâce à cet évènement tragique que notre bougre à la voix nasillarde s’est mis en tête de tenter de faire un bon disque en s’inspirant du militaire fantaisiste et de ne pas échapper à la règle de l’influence des artistes morts (catégorie poids lourds/Gainsbourg, entre autres). Challenge difficile, Lafontaine se frotte les mains, sa grenouille pourrait bientôt exploser. L’entrée en matière est plutôt bonne, « Terminal B », morceau parlé-chanté un soupçon angoissant, s’avère magnifiquement instrumentalisé. Chouette, ça démarre intensément bien… Accoudé au « Bar de l’hôtel », premier single choisi, on replonge un peu dans du Raphaël traditionnel période 2003-2005, flasque et sans trop de saveur. L’allumage est bon et mauvais, jusqu’à « La petite misère » aux accents titi parisien de Renaud (sur un tempo Bashung), et « Manteau jaune », café-crème de l’album écrit par Monsieur Gérard Manset, autre père spirituel du minot. « Ce doit-être l’amour » et « Prochaine station » ne laissent aucune place au doute: Mister Caravane a osé emballer Joséphine à l’arrière de sa berline. Le reste s’écoute agréablement, même si l’évolution platonique ne transcende pas des titres de fond d’album comme « Versailles », « Dharma blues », et « Odyssée de l’espèce », où Raphaël se plaint tellement fort que le bouton « next » s’enfonce tout seul… Enfin un album qui justifie sa « version collector », le disque en plus détenant deux petites perles qui auraient mérité de changer de couffin à la naissance: « l’alphabet des gens » aux ponctuations arabisantes et à la force tubesque et « dépression n°7 » aux allures caravanesques.
Raphaël nous assèche la bouche, que se passe-t-il? Difficile de se remettre du carton « Caravane »? L’album est bon, mature, l’artiste n’a jamais été aussi inspiré que quand il est habité et produit par d’autres, mais il semble peiner à passer le cap et à devenir quelqu’un dans la musique française. A voir avec le temps et le souvenir impérissable des plus grands dans un coin de la tête…
Extraits à écouter ici: Raphaël, « Terminal 2B »
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