Avant de tourner la page d’une année riche en découvertes musicales, laissez-moi vous présenter dans les quelques sections qui vont suivre les albums de 2014 qui nous ont plu et que nous avons passés et repassés… parfois avec insistance je l’avoue, mais c’était pour bien fer.. heu faire. Donc si au détour d’une écoute ou d’un conseil ou d’un coup de cœur, vous vous êtes laissés convaincre, sachez que le plaisir que vous avez pu en retirer est notre plus grande récompense. Parfois c’est vous qui, au cours d’un échange, nous avez fait découvrir un artiste ou un album et pour cela nous ne pouvons que vous en remercier. D’autres fois cela ne fit que confirmer qu’en musique du moins, on ne peut pas plaire à tout le monde et qu’il vaudrait mieux ne pas tenter de plaire à tout le monde…
Au départ j’avais dans l’idée de faire un classement, une sorte de top fourre-tout qui dans tout les cas ne m’aurait plus convaincu le moins du monde quelques minutes plus tard. Et puis comment comparer du jazz à du rock, de l’électro, du classique? Il était donc plus simple de vous ouvrir notre petite boîte au trésor et de vous en présenter ce qu’elle recèle.
Classique | Jazz | Rock | Swiss Zone | Électro
Sélection classique
Monteverdi – Intégrale des madrigaux – La Venexiana : Perles parmi les perles de la musique, ces œuvres vocales du maître de Mantoue et de Venise écrites sur les plus beaux textes de son époque se font témoins d’un moment important dans l’Histoire. Celui où la polyphonie de la Renaissance et son jeu égal des voix devait laisser la place à la monodie, où apparu la basse continue, signe que l’on entrait progressivement dans un autre monde, celui du Baroque. Le terrain était prêt pour la venue d’un nouveau genre dont Monteverdi fut un des pionniers : l’opéra. La Venexiana porte au disque ce patrimoine de l’humanité avec une ferveur rare et un dévouement total faisant de l’enregistrement de ces neufs livres de madrigaux une véritable référence.
Sibelius – Lemminkäinen Suite, The Wood Nymph – Lathi Symphony Orchestra, Osmo Vänskä : Qui de mieux que des Finlandais pour nous raconter ces poèmes symphoniques issus de leur plus grand compositeur? Les musiciens de cet orchestre vouent un véritable culte à la musique de leur pays et dévoilent sous la baguette d’Osmo Vänskä toutes les palettes de leur jeu allant de l’ascèse la plus extrême aux couleurs les plus chatoyantes. Ces aventures orchestrales viennent certes du froid mais recèlent le plus chaud des sangs.
Purcell – Music For A While – L’Arpeggiata, Christina Pluhar : A son époque Purcell était déjà une vraie machine à tubes dont les anglais de tout temps en ont vénéré les compositions. A cette époque, on avait pour habitude d’improviser à vue sur les accompagnements et la basse continue dont seul la partie inférieure était écrite. Les interprètes baroques d’aujourd’hui cherchent à retrouver cet espace de liberté et il était naturel qu’ils trouvent dans les musiciens de jazz de joyeux compagnons de jeu avec qui explorer de nouveaux horizons. Ce choque des cultures emmène au XXIème siècle dans un tourbillon jubilatoire, quelques uns des plus beaux airs et duos du compositeur, portés par un Jaroussky flamboyant entouré de talentueux acolytes. Une soirée jazzy inattendue n’ayant pour seul autre but que le plaisir.
Sélection jazz
Eric Johnson, Mike Stern – Eclectic : Deux des plus grands guitaristes de ces vingts dernières années se lâchent sur cet album dans un déluge virtuose, arpentant avec élégance les styles qu’ils affectionnent que sont le blues, le jazz, le rock et communiquent avec bonheur leur plaisir de jouer ensemble.
Guillaume Perret & The Electric Epic – Open Me : Lorsque vous l’ouvrirez, cette boîte de pandore libérera un fabuleux combat de titans choc des esthétiques jazz prog, rock, metal, fusion qui vous catapultera hors du temps. Sensibilité, violence, introspection, brutalité, solarité, noirceur s’affrontent sans merci dans une tempête électrique emportant tout sur son passage.
Jon Batiste, Chad Smith, Bill Laswell – The Process : Enregistré en trois jours sans écriture préalable, cet ovni né de l’association de ces trois musiciens venant d’univers différents crée une incroyable « sum of the parts » abaissant les barrières entre groove, hip hop, rock multi-facettes, funk, jazz et musique d’avant-garde. La spontanéité et l’effervescence libérées dans cet album quasi inclassable apportent une véritable bouffée d’air frais pour l’esprit.
Ibrahim Maalouf, Oxmo Puccino – Au pays d’Alice : D’un côté un musicien génial au carrefour des cultures, capable de faire le grand écart avec classe entre le jazz, la musique actuelle et le hip hop. De l’autre un funambule des mots, véritable « story teller » qui grâce à sa voix de sorcier emporte l’esprit dans une autre dimension. Leur relecture de cette célèbre histoire touche à la quintessence. Bienvenue au pays d’Alice !
Sélection rock
Damien Jurado – Brother And Sisters Of The Eternal Son : Achevant son diptyque commencé avec Maraqopa, Damien Jurado livre une fin magistrale à ce voyage intérieur sur fond de folk cosmique à la David Crosby émaillé de rock progressif anxiogène évoquant King Crimson. Son spleen berce l’âme doucement la libérant du poids de l’existence dans une transe qui porte vers l’au-delà.
John Steel Singers – Everything’s a Thread : Session de surf sur des guitares californiennes (en fait de Brisbane) et des chœurs psychédéliques portés par une basse bien groovy, leur « feel good music » emprunte aux Beach Boys ou encore au krautrock de Neu! Psyché, rétro, pop et funky elle contamine l’esprit de sa joie irrésistible.
Hozier : De sa voix sublime et envoutante non sans rappeler la suavité d’un certain Yoann Lemoine, il frappe très fort avec un premier album solaire révélant des facettes blues, indié, folk et gospel dont rejaillit une force lyrique phénoménale.
King Gizzard And The Lizzard Wizzard – I’m In Your Mind Fuzz : Vous aimez le psychédélique? Eh bien cela continue, là on peut dire que vous allez être servi ! Saturé, brillant et surtout complètement taré, ce nouvel opus de ces australiens au nom aussi improbable que ridicule (la palme est pour eux) va vous retourner l’estomac (sa pochette surtout). Derrière cette folie apparente se cache une puissance créatrice très cohérente avec ses riffs fulgurants à un tempo d’enfer, ses solos de flûtes orientalistes et cosmiques, une reverb à faire trembler les murs donnant lieu à un chaos contrôlé jubilatoire.
Robert Plant – Lulaby and… The Ceaseless Roar : Folk anglais, world musique et country n’ont cessé d’accompagner l’ex chanteur des Ledzep. Ce nouvel opus dévoile son jardin secret, mêlant subtilement cultures africaines et celtiques dans une ambiance très folk teintée à l’électro, galvanisée à la guitare, écho des temps glorieux au sein de sa formation légendaire. Un appel chamanique à voyager sans se déplacer.
Sleepy Sun – Maui Tears : Tantôt très planant, tantôt survitaminé à coup de gros riff bien saturé, Les Sleepy Sun sonnent un peu plus heavy que précédemment. Leurs influences vont de Pink Floyd à Black Sabbath en passant par Neil Young et l’ombre des Beach Boys veille sur ces californiens. Chant en reverb, guitares fuzz, rythmique tribales, leur musique invocatoire est bien plus qu’une simple contemplation de la voute étoilée au bord de la plage après une session de surf bien remplie, c’est une véritable démonstration de mécanique céleste.
Wovenhand – Refractory Obdurate : Le ciel s’obscurcit, l’atmosphère s’électrise et un vent violent maraude en hurlant parmi les ruines d’une ville fantôme du Far West, une tempête approche, c’est Wovenhand. Leur folk alternatif aux relents gospels se fait vecteur de leur révolte et se déchaine en « dies irae » métallisé au travers duquel la voix de David Eugene Edwards assène sa sentence. Leur album fait germer l’envie de se lever et de se battre contre l’injustice. Revue de leur concert à Fri-Son en septembre 2014 ici.
The Blues Pills : Janis Joplin is alive and sings in The Blues Pills ! C’est ce qu’on s’écrie dès que l’on entend la voix extraordinaire d’Elin Larsson scander avec une force incroyable les premières paroles de « High Class Woman ». Le voyage dans les temps du blues rock des 60s-70s est immédiat, les riffs de guitare éloquents pissent du napalm, la batterie est atomique et cette voix coupe le souffle, hurlant autant qu’elle caresse. Une vraie défonce pour hippie sur le retour dans un session vintage qui en soufflera plus d’un et ce sans psychotropes !
Swiss zone
Forks : Ce quatuor veveysan est adepte du rock, du vrai. Totalement sauvage et libéré, d’influence très seventies empli de riffs ravageurs et de solos radioactifs suspendus à une rythmique hypnotique leur musique flotte entre les plans sonores et appelle à sans détour à une transe phénoménale.
Navel – Song Of Woe : Éternels perfectionnistes ces bâlois n’ont de cesse de peaufiner leur son. Ce nouvel opus ne fait pas exception et voit leur tempérament s’assagir quelque peu pour s’affiner oscillant entre classic rock et garage bien psyché. Un aboutissement époustouflant faisant de Navel une des nouvelles gemmes du rock suisse.
The Chikitas – Distoris Clitortion : Programmez votre radio réveil sur première piste de leur nouvel album. Vous passez une belle nuit… tranquille… puis arrive le matin et… LALALALA!! Voilà vous êtes réveillés! Ces deux genevoises, véritables tornades ambulantes vont vous en faire voir de toutes les couleurs et vous donner l’envie de tout démonter. Leur rock’n roll façon punk est livré avec virtuosité et sans concession aucune. C’est fun, noisy et impudent, ça groove et ça envoie du lourd. La relève de la scène alternative est là et bien là !
John Dear - Far Down The Ghost Road : Fini le temps de la folk planante de Zorg, voici John Dear sorte de boite de pandore de crise de la quarantaine libérant une irrésistible envie de riffs taillés dans le roc. Bien bluesy et poussiéreux, ce nouvel avatar est ce genre de crevure que l’on aime détester, imbibé de Jack D. qu’il recrache à la face dans un hurlement de guitare. De ce roadmovie des années 80 surgit John Dear… sur son tracteur, et John Dear, à part se souler n’a qu’une seule idée en tête, venir te péter la gueule et te rouler dessus !
Sélection Électro
Ez3kiel – Lux : Prétextes à nouvelles tournées leurs albums ne sont pas moins autant de réussites émaillant une riche carrière musicale. Signant un retour fracassant à l’électronica alliant dub, trip hop et post rock, Lux ne fait pas exception et va vous catapulter dans un autre univers vaste et semé d’embuches à la recherche d’un paradis perdu. Leur nouveau projet est bien sûr relié à la scène transcendant cette musique en véritable séance de luminothérapie. Revue complète de l’album ici.
Sbtrkt – Wonder Where We Land : D’abord avant d’essayer de retenir ces lettres, prononcez simplement « Subtract ». Ambassadeur du post-dubstep (planant et futuriste, samplé et analogique) enrichi d’un groove de grande classe, Sbtrkt nous entraine dans une odyssée musicale riche de ses influences et de ses collaborations. On y trouve Sampha prêtant sa voix chaude sur l’éponyme, les flows virtuoses et fluides de Raury (Higher) ainsi que A$AP Ferg (Voices in my head), mais aussi Ezra Koenig de Vampire Week End, très agile sur le funky New Dorp. New York ou Caroline Polachek (Look Away) voix de Chairlift. Une alchimie magique frappe à l’écoute de cet album pourtant déstructuré mais faisant preuve d’un éclectisme étonnant.
High Tone – Ekphron : Champion de l’urban dub, les membres de High Tone sortent un nouveau chef-d’œuvre dont ils ont le secret. Alliant musiques traditionnelles et actuelles il entraine l’esprit hors de lui-même vers de nouvelles palettes sonores de part le monde. Violoncelle, guitare orientale, voix japonaises sont tour à tour catapultés dans leur cyclotron pour y être bombardés par un nuage de particules électroniques. Les signatures des failles dimensionnelles ouvertes suites à leur désintégration sont gravées sur ce disque. CQFD. Les emprunter est à vos risques et périls.
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