Ce magnifique dimanche baigné dans le soleil de l’été indien, avait à offrir encore une douce soirée sous le signe de l’indie rock teinté de mélancolie de The Antlers et de la découverte d’une jeune chanteuse aux talents très prometteurs, Marika Hackman revisitant le folk avec une bien belle fraicheur en y ajoutant des touches psychés et grunges. En effet, elle avait confié en interview que la sombre lueur d’un Kurt Cobain planait parfois en périphérie de ses compositions. Elle avait d’ailleurs repris avec une certaine effronterie la chanson Lithium dans son premier EP. La jeune anglaise de 23 ans a préféré ne pas brûler les étapes en laissant petit à petit fleurir son style au travers de courts cycles d’écriture, lui permettant d’explorer et d’expérimenter sous l’aile bienveillante de Charlie Andrew qui a notamment produit Alt-J, Madness, Eugene McGuiness, Darwin Deez, etc…
Durant le travail en studio, elle a toujours cherché à garder la spontanéité tout en maitrisant méticuleusement le processus de création en enregistrant elle-même chaque instrument. Bien qu’ayant exprimé l’envie d’avoir un groupe, elle se produit seule pour le moment, s’accompagnant à la guitare, ce qui donne parfois une impression un peu monochrome musicalement et ne rend pas totalement justice à l’alchimie sonore créée à l’origine. Toutefois cette ascèse met en valeur son timbre captivant et fait rejaillir une écriture de grande qualité.
Elle ouvrit son concert avec Bath is Black provenant de son premier mini-album That Iron Taste, avertissant de sa voix douce, un rien lascive mais très assurée « Your not coming home, tonight ». Quelqu’un apparemment allait devoir se faire pardonner. Mountain Spines nous plongea dans la part sombre de l’âme où la lumière ne pénètre pas, désireuse d’en conquérir le reste, à l’instar de la sanglante envie évoquée dans Cannibal. Après un Cinnamon en suspension, vint ’81, très belle reprise de Joanna Newsom, assez proche de l’originale (à la harpe), mais un peu plus enlevé et dansant. Pour clore ce moment ce beau moment de musique, You Come Down acheva de convaincre par sa force poétique et sa beauté lyrique, laissant les auditeurs totalement conquis par cette jeune artiste imprégnée d’une maturité étonnante, repoussant sans cesse les frontières de son univers.
Après une petite pause, vint le tour des newyorkais de The Antlers d’amener le temps du rêve. Cette formation emmenée par Peter Silberman (voix, guitare) qui avait d’abord commencé en solo avec Uprooted et In the Attic of Universe, avant d’être rejoint par Darbbi Cicci (trp, clav.) et Michael Lerner (perc.) pour Hospice, un premier album très noir et torturé, présenta d’entrée un rock-indié salué par la critique pour sa qualité narrative et musicale. Cette dernière fit aussi bon accueil pour Burst Appart amenant une touche pop électronique mais toujours très sombre.
Leur 3ème opus, Familiar, sorti il y a peu devait s’imprégner d’un peu plus de lumière, marquant une lente rémission des stigmates précédents. Toujours superbe, leur musique s’était considérablement enrichie, avec notamment des touches jazz et soul, renforcée par une atmosphère bien plus cuivrée devenant un pilier important de l’édifice.
Renforcés ce soir par la présence de Timothy Mislock, alternant trompette ou bugle dans une main et clavier de l’autre, ces musiciens allaient nous présenter principalement le fruit de leur dernier album, Familiar. Palace servit gracieusement de décor d’ouverture, terre promise à rebâtir dissimulée au fond de l’âme, faite d’innocence et de légèreté d’une jeunesse occultée par l’endurance de la vie, dont la voix de Peter Silberman chercha inlassablement le chemin, portée par l’espoir lumineux des mélopées de la trompette.
Toutefois la part d’ombre en chacun tente elle aussi de ressurgir dans Dopplegänger, éternel combat entre Jekyll et Hyde attendant la moindre occasion pour apparaître. Hotel apporta l’introspection, hypnotique par sa rythmique raffinée mais obstinée sur un fond de balade soul semblant tourner inlassablement les pages de la courte existence passée dans l’enveloppe charnelle dont l’âme ne conserve que ce qui est immatériel avant de passer à une autre vie rendant désuet tout le reste, raillé de temps à autre par les descentes de cuivres et de claviers.
Après cette introduction des trois premières chansons du nouvel album, l’on revint sur des épisodes précédents comme le triste Kettering d’Hospice, allégorie à une relation amoureuse difficile et excessive, puis le solitaire No Widows de Burst Apart pouvant s’en aller sans la crainte de laisser derrière lui. Ce dernier sembla s’être perdu dans un rôle qui ne lui sied pas, répétant aveuglément sur une scène sous l’œil du Director (le metteur en scène) partant à sa recherche pour le ramener vers la lumière.
Vint ensuite le mélancolique Revisited, priant de tourner la page sans regrets ni excuses, dans une ambiance très blue et jazzy, puis Parade prenant presque le contrepied sur une note très soul cette fois, célébration d’un lendemain de tempête, invitant à reconstruire et à recommencer. Don’t Want Love délivrait un message clair et définitif mais nécessaire à la guérison, tandis que Surrender faisait écho à Parade, gardant un espoir de réconciliation, remis en cause à nouveau par le spleen de Putting the Dog to Sleep, suppliant de donner une nouvelle chance à un amour blessé. Deux magnifiques bis prolongèrent ce voyage lyrique, Refuge à la recherche de ce havre de paix et de sérénité que même les changements de l’existence ne peuvent altérer et enfin l’Epilogue puisqu’il y a une fin à tout, même au vague à l’âme.
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