Il y a quelques temps, le festival Les Georges ouvrait ses portes sur la place Python de Fribourg pour sa première édition du 15 au 20 juillet. Souvenez-vous ! A cette époque on croyait encore à un vrai été. La semaine allait être une des plus radieuses de la période, conditions idéales pour ce petit festival naissant (un bol, mais un bol !).
Pour cette première, les organisateurs avaient décidé de viser large et de mettre les groupes Suisses à l’honneur. L’occasion notamment de retrouver les Young Gods, Laure Perret, Primasch, El greco et Francis Francis pour les fribourgeois, sans oublier les Rambling Wheels, Oy, Coconut King, Rusconi et Fai Baba. Côté international se sont produits les Néo-Zélandais de Delaney Davidson & Band, le breton Yann Tiersen, ainsi que l’américaine Valerie June. La formule choisie était intéressante aussi, 3 soirs payants contre 3 gratuits donnant à ceux plus motivés par la faim… ou la soif que par la musique, la possibilité de ne pas payer l’entrée tout le temps. Tout a donc été fait pour que chacun trouve son compte durant ces différentes soirées, même pour les familles d’ailleurs puisqu’un service de garderie était organisé pour que les parents puissent tranquillement profiter des concerts.
Poussé donc par la curiosité et un peu aussi par une certaine soif, je décidai donc de partir en reconnaissance pour ce premier soir. La place Python était déjà bien remplie lorsqu’ El Greco avait l’honneur de servir un premier rafraichissement orientalisé à la grecque. Le plat de résistance allait venir avec les Néo-Zélandais de Delaney Davidson & Band, la très bonne surprise de la soirée. Leur blues envoutant appuyé par un « songwriting » de haut vol, invite à vagabonder vers ses racines. Voici un petit aperçu:
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Le genre de petite claque musicale que j’aime bien recevoir de temps en temps.
La soirée se termina sur une note festive et balkanique avec les français de l’Impériale du Kikiristan, formation bien cuivrée et facétieuse refusant à tout prix de se prendre au sérieux.
Le lendemain commençait la première soirée payante. On aurait pu penser que ce fait les visiteurs seraient moins nombreux, mais c’était sans compter sur un des évènements phare de la semaine, la venue de la belle Valerie June, véritablement encensée par la critique et plébiscitée par le public notamment depuis la sortie de son dernier disque, Pushin’ Against A Stone.
Mais l’ouverture de la soirée revint d’abord à ce que les organisateurs nous ont confié d’avoir trouvé de plus fou et de plus inattendu, le groupe Oy, dont le dernier album, No Problem Saloon était sorti en mars. Elle s’appelle Joy Frempong. Originaire du Ghana et de Suisse, basée à Berlin avec son batteur Lleluja-Ha, elle a parcouru le Mali, le Burkina Faso, l’Afrique du Sud, ainsi que son pays d’origine, glanant ici et là histoires, réflexion, conversations et maximes populaires issues de la tradition des « storytellers », gardiens de la sagesse ancestrale.
Durant ses nombreux voyages elle prit soin de collecter aussi toute une bibliothèque de sons divers pouvant tout aussi bien provenir d’une vieille machine à laver que de conversations ou d’atmosphères de la vie quotidienne qui bidouillés à souhait, s’insèrent de manière organique dans sa musique déjantée. Un résultat très surprenant et réjouissant rythmé habilement par son batteur dont on se demande comment il fait pour voir à travers son curieux couvre-chef. Culture griot, RnB, soul, afro beat sur fond électro s’entrechoquèrent dans un joyeux tourbillon alimenté par cet ovni musical.
Puis vint celle que beaucoup attendait ce soir, Valerie June, qui dans le courant de sa tournée marathon rendait une petite visite à Fribourg.
Originaire du Tennessee, elle décrit son style comme une musique roots et organique de contrebande dans le sens où elle a passée de nombreuses années à la cultiver comme un fermier l’aurait fait avec sa terre. Le terme de contrebande évoque la magie de ces soirées passées autour du feu dans le Mississipi, au claire de lune, à boire un coup (la Moonshine est aussi l’alcool de contrebande des Appalaches) et chanter avec les amis.
D’influence gospel (elle chanta avec son père dans les chorales), folk, swamp rock, bluegrass et soul, sa voix suinte le sud et il est difficile de ne pas succomber au charme de cette Voodoo girl aux dreadlocks généreuses. Ses influences sont nombreuses, comme Jimmy Rodgers, la Carter Family, Mississipi John Hurt, Robert Johnson, king du Delta Blues, Memphis Minnie, Blind Lemon Jefferson et ont contribué à forger sa voix et sa musique.
Jusqu’à ce soir-là j’avais juste parcouru son album dans le but de me laisser surprendre par le live. Il est vrai que pour beaucoup de ceux qui ne l’avaient jamais entendu, il y avait de quoi être surpris et même parfois rester perplexe devant cette voix qui semble soudainement déchirer le ciel pour se laisser dériver lascivement puis remonter de plus belle. J’ai quand même eu le sentiment sur le moment que c’était un peu trop parfois, à la limite du contrôle et que cela manquait un peu d’interaction. Peut-être fallut-il qu’elle enleva ses lunettes de soleil. Sachant tout de même à quoi m’attendre j’eus malgré tout un peu de mal à rentrer pleinement dans ce concert.
Les jours suivants, n’étant pas de nature à lâcher l’affaire comme ça, je me remis sur l’écoute de l’album aux sonorités très léchées et ajustées tout en comparant avec les différents live que l’on peut trouver sur la toile. En effet c’est dans ces derniers que sa générosité vocale s’exprime pleinement et il me fallait un peu de temps pour m’y habituer. Force est de constater que plus je les écoutes, plus je les aime me montrant que ce n’est qu’après s’être laissé apprivoisé par cette Voodoo girl que l’on peut ressentir la magie de son « Organic Mooshine Roots Music ».
Puis ce fut aux Rambling Wheels de dessiner les dernières notes de la soirée. J’étais très impatient de les voir aussi, car leur dernier album, The Thirteen Women Of Ill Repute, semblait porteur de belles promesses musicales : un retour à un rock puissant et survolté qui ne rate pas sa cible, recelant de belles gemmes comme Giving All The Gold ou How It Blows Your Mind, survolées par l’ovni d’Interstellar Riot, cosmique et anxiogène. Tenez, si votre journée commence mal et que vous avez peine à sortir du lit, passez-vous un bon Wake Up… c’est radical !
Forts d’un haut rodage suite à une tournée bien remplie, les neuchâtelois ne se privèrent pas de redécorer la place au lance-flamme pour le plus grand bonheur des festivaliers, donnant un show survolté très efficace. Une vraie fierté d’avoir ce genre de groupe en Suisse qui porte haut les couleurs du Rock. Si vous avez l’occasion d’aller les voir, courez et n’hésitez pas. Ils ont encore quelques dates pour la fin de saison.
Allez, une petite séquence souvenir :
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La soirée du jeudi s’annonçait comme le temps des retrouvailles pour les fribourgeois avec leur groupe de rock fétiche, les Young Gods. Un véritable fantasme pour nous de les voir à la maison. « Un jour on jouera là ! » se disaient-ils. Pour eux un rêve de gamin de jouer sur la place Pyth allait se réaliser ce soir dans une grande messe minutieusement préparée dans la ferme intention de nucléariser Les Georges au moyen des deux premiers albums, Young Gods et L’Eau Rouge.
Etant de nocturne ce soir-là, je ne pus assister malheureusement à la performance du trio Rusconi que j’apprécie beaucoup pourtant. C’est donc un peu après 21h00 que je me rendis sur le lieu de cérémonie, profitant de me restaurer après une journée de travail bien remplie. L’air électrique et l’effervescence palpable sur les lieux, qui se remplissaient au fur et à mesure, annonçait qu’un orage approchait. Je me demandai d’ailleurs ce qu’allait en penser les religieuses d’en face qui avait profité d’installer des chaises sur leur terrasse afin de pleinement profiter de la semaine. Bon, vu qu’il y a dieux dans le titre, sait-on jamais.
En un instant Franz Treichler, Cesare Pizzi et Bernard Trontin déclenchèrent une tempête cosmique, faisant remonter le temps à une place Georges-Python bondée, égrainant un à un des titres qui avaient forgé leur légende à l’orée de la new wave, dont la reprise « Did you miss me » interpelant l’assistance. Madeleine de Proust pour certains et peut-être découverte ou redécouverte pour d’autres, toutes les générations vibraient sur le même diapason le temps de cette nuit d’été. « Alors ! Est-ce qu’on est toujours le meilleur groupe de rock de Fribourg ? » lança Franz. Une intense clameur s’éleva de la foule ne laissant aucun doute à la réponse…
Afin de garder quelques forces pour le lendemain, je décidai de prendre le chemin du retour, laissant de côté pour cette fois le concert de Fai Baba.
Au début de la semaine, j’avais prévu de m’arrêter au jeudi, mais comme il est évidemment impossible de ne pas croiser quelqu’un que l’on connait durant ce genre de manifestation, on me lança soudain »Eh, tu viens vendredi écouter Primasch ? Je joue avec eux ce soir-là. Tu verras c’est super-fun ! » Je fus évidemment obligé de m’exécuter, faisant une croix sur ma soirée de repos. D’un côté, je ne l’avais jamais entendu (album disponibles en ligne uniquement). Donc ce fut l’occasion de découvrir un autre ovni au cours de cette semaine, qui armé de son violon diffuse un rock tzigane complètement allumé qui tabasse. Epaulé par des musiciens talentueux comme le facétieux Sacha Ruffieux à la guitare, au moins tout aussi fous que lui, il n’hésite pas à revisiter avec audace les standards notamment comme un Misirlou survitaminé.
Ce fut pour moi le point de clôture de cette très belle semaine aux Georges émaillée par l’enthousiasme et la gentillesse des bénévoles et des organisateurs, qui dans une organisation sans faille ont eu l’audace de relever ce défi et de faire bouger cette ville. Ces quelques lignes attestent j’espère d’une programmation musicale colorée de très grande qualité. Encore un grand merci pour tout ce que vous faites pour la culture à Fribourg. A l’année prochaine !
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