Avec la sortie du nouvel album de Pink Floyd, Endless river, on peut dire que la semaine avait déjà été bien riche en émotions. Toutefois une bien belle surprise allait se retrouver dans les bacs à partir du 10 novembre 2014, Lux le nouveau projet musical d’EZ3kiel. Ce matin-là, je sors le disque de son petit écrin, me disant : « Allez les gars, take your best shoot ! »… J’ai beau être matinal, j’ai mal ! Comme un lourd wagon qui passe sur moi… et fla! sur les rails ! En plus ils seront à Fri-Son prochainement (détails en bas) et re-bahm!
EZ3kiel est un de ces groupes à la capacité rare de se renouveler constamment en utilisant tous les moyens musicaux disponibles à leur époque. Éternels explorateurs de musique et d’environnements visuels, ils n’ont de cesse de sortir des sentiers battus en connectant les différents univers entre eux. On comprend qu’il ait fallu du temps se relancer après le projet Naphtaline Orchestra dont le lyrisme très intense du réarrangement pour orchestre avait atteint un somment depuis lequel il était difficile de rebondir. La tournée d’EZ3kiel Extended avait permis de prolonger cette exploration orchestrale, non sans rappeler les heures glorieuses d’un certain Woodkid, mais le besoin se faisait sentir de créer de nouveaux matériaux tout en tenant gardant à l’esprit les univers visités.
Repartir à quatre après une si grande richesse musicale tenait presque de la gageur, mais c’était sans compter sur l’inventivité et le talent de ces musiciens que le danger d’un nouveau départ n’effraye pas, prenant donc un peu de latitude pour retrouver un son sur un socle plus basique. Profitant d’une liberté totale de se déconstruire et de se reconstruire toutefois sachant très bien où aller, les tourangeaux ont choisi avec Lux de prendre un nouveau départ offrant un éclectique panorama majestueux. L’électronica revient en force dans cet album, apportant un cortège de trip hop, de dub et de post rock, synthèse magique des dix pistes taillées au laser et à coup de guitare, constituant autant de gemmes uniques réunies par ce spleen d’une étrange beauté dont la lueur invite l’esprit à s’approcher et à se laisser capturer.
Après la noirceur splendide de Battlefield (2008), qui avait marqué profondément par son tempo pesant et son atmosphère dévastée sur un sol de braises, le besoin se faisait sentir d’évoluer vers une touche plus stellaire et optimiste. Lux se pose donc en retour de balancier de cet album, arpentant le spectre lumineux à la quête d’un monde perdu dans l’obscurité dont seul le reflet est perceptible.
Born in Valhalla plante le décor de cette odyssée sonore par une pulsation de basse obstinée et radioactive, soutenue par un souffle noisy ouvrant le rideau sur un espace vaporeux dont la reverb suggère l’immensité. L’apparition de la rythmique annonce un évènement important dont un chant de sirène à la guitare, serpentant gracieusement dans l’atmosphère, s’en fait le signe avant-coureur avant de laisser entrevoir brièvement un petit motif de cordes qui reviendra dans Dead in Valhalla pressentant un destin héroïque et inéluctable. Mais pour l’heure quelque chose essaye de sortir de cette matrice originelle et tout se met en place, couche sonore après couche pour que le rituel s’accomplisse. Le vibraphone (on pense furieusement à Mogwai à ce moment) semble danser et se réjouir, lorsque soudain tout s’arrête. Cela aurait-il échoué ? Seule une petite lueur paniquée se débat péniblement observée par un chœur inquiet se résignant à faire office de requiem. Le suspens s’élève lorsque qu’au coup de timbale elle semble décliner. Puis c’est le blast libérateur. Jaillissant d’un grondement de guitare le motif ressurgit dans une splendeur sauvage propulsé par une colonne sonique emplissant l’espace présentant à tous ce nouveau héros issu de la mécanique céleste. Le tumulte s’éloigne peu à peu se vidant de sa substance pour laisser bercer ce nouvel être par une petite boîte à musique au vibraphone teintée de guitare acoustique et de célesta.
Dead in Valhalla racontera le destin de héros, à nouveau dans une ambiance très post-rock sublimée à l’orientale par les cordes (même procédé sur Londinium d’Archive) exposant pleinement la fin épique qui lui était destinée dès sa naissance, un combat de titans conté dans un tonnerre électrique sur fond de percussion implacable.
Une analogie pourrait être faite entre ce diptyque très programmatique et Ez3kiel même qui se voit naître puis mourir au fil de ses projets artistiques, brisant le moule de son esthétique musicale pour se reconstruire et se réinventer. Lux, l’éponyme de l’album pourrait alors se proposer en la renaissance de ce phénix des cendres de Battlefield, arborant fièrement sa nouvelle parure saturée de lumière radioactive.
Le clair-obscur est aussi présent dans cette aventure notamment dans des intermèdes tels que le sublime Eclipse où la nuit met en valeur la voix lunaire de Laetitia Sheriff évoquant les plus belles pages de Portishead. Anonymous porté par la très belle voix de Pierre Mottron, toujours très trip hop se fait annonciateur d’évènements inquiétants, échos acidulés au « noise » d’un monde urbain et futuriste dont sensualité et sophistication s’apparentent à Bad Kingdom de Moderat (II) et dont le fond sonore pourrait très bien se retrouver sur une composition d’Éric Serra (Five Millenia Later – 5ème Élément).
Quant au dub, on en retrouve des traces dans Zero Gravity, vaisseau de cette odyssée cosmique s’élevant dans un grand vrombissement magnétique chargeant l’atmosphère d’électricité, unique moyen de traverser sans danger les mystérieux brouillards oppressants de Dusty ou d’atteindre l’ilot secret et lumineux de L’œil du cyclone, théâtre de l’harmonie dans le chaos.
Après le serein et très folk Never over, tutoyant l’éternité, le voyage se termine en apothéose avec Stereochrome sillonnant toujours plus vite un monde de néons et de circuits imprimés frémissant au moindre frôlement. Très stratifié, noisy, bariolé de guitare et de claviers, cette lente progression offre une synthèse magistrale des différents ingrédients de Lux s’achevant sur un panorama final vertigineux.
Au bout du compte chacun se fera son propre film, le rapport à l’image de ces dix pistes apparaissant très marqué mais aussi très ouvert. Leurs albums étant au départ un prétexte pour aller sur scène, le projet inclue aussi une partie visuelle, comme c’est habituellement le cas avec Ez3kiel, qui pour l’occasion de sa tournée a mis au point une immense matrice lumineuse, appelée ‘magic screen’ composée de ‘magic panels’ (panneau à LED monté sur pivot) piloté par logiciel développé par Yann Nguema qui a abandonné la basse pour se consacrer entièrement à la programmation scénique. L’alliance de ces deux facettes donne un résultat absolument bluffant dont les échos des live commencent à se retrouver sur le net, ne cessant de rapporter sentiments de fascination et d’émerveillement.
Petit aperçu de ce qui attend ceux qui auront la chance d’embarquer pour ce voyage stellaire :
La bonne nouvelle dans tout cela, c’est qu’ils seront présents à Fri-Son le 28 février 2015 pour un concert qui se promet d’être un des plus beaux de ce début d’année.
Site Internet : http://www.ez3kiel.com/
Artworks : https://www.behance.net/iradian
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