On vit une sale époque: internet à outrance, téléphonie vitale pour certains, interdits en tous genres, religions castratrices… Bref, l’enfer avant le purgatoire. Mad men est une bouffée d’oxygène à toute cette époque moderne qui ne va pas en s’améliorant. Comment est-ce possible? En ce plongeant dans le quotidien d’une agence de publicité du début des années 60 en plein New York branché. Et pourtant, quand Matt Weiner propose sa série à HBO il y a quelques années, il va se prendre la porte en pleine figure, même pas une petite reconnaissance pour ses scripts tordus des Sopranos. La chaîne a succès renonce à donner une chance à son projet et l’auteur va se tourner par défaut vers AMC, station câblée habituée aux rediffusions inlassables de films de série B, sorte de RTL9 américain (pour les pantouflards du dimanche qui sourient déjà en se reconnaissant).
Don Draper, personnage central de la série, est un mélange entre la classe et les cheveux d’un James Bond et la carrure fantasmatique d’un marine, sorte de Dr House de la pub aux idées spontanément efficaces. Assez mystérieux, on va se rendre compte au fil des saisons qu’il n’est qu’un aventurier ayant forgé toute son identité en usurpant celle d’un ancien officier de la guerre de Corée décédé, et qui a édifié toute sa vie sur un mensonge, en s’inventant une carrière de publicitaire sur Madison Avenue. Marié à une femme sublime, serviable mais marginalisée par son rôle de mère gâtée, entouré de collaborateurs insouciants et au sang chaud, descendant clopes, alcool forts et multiples maîtresses, Don Draper vie les rêves les plus indignes de l’Amérique période Kennedy, dans un immense manège enfumé de trahison, de sexe et de manipulation. Le bonheur. Qui n’a jamais rêvé de siroter un Whisky, deux Whisky, trois Whisky… en compagnie de son Boss? Le tout en se tutoyant, blaguant grassement et vulgairement sur leurs faits d’armes virils? Avec classe bien entendu. Malgré toute la bonté du monde, cette époque frivole est révolue.
Dans les bureaux de cette fictive agence Sterling Cooper aux détails historiques très soignés (on s’y croirait), la société moderne en prend pour son grade. Mad men est sans doute une manière pour son auteur de se poser des questions à lui-même. Il a créé une certaine quintessence du rêve américain, des gars et des filles qui semblent tout posséder, même si leurs mondes personnels ne sont qu’une arnaque, et la série a su se projeter dans l’imaginaire américain comme nulle autre série depuis les inoubliables Soprano. Au début des 60’s, les hommes étaient des hommes, les femmes étaient des femmes, pour preuve les courbes fatales du fantasme ambulant Joan Harris, chef de bureau hot et étincelante, de loin le personnage la plus affolante de l’histoire télévisuelle. Amis du sexe fort, l’affaiblissement ne vous fera pas de mal sur ce coup là. Dans un New York détaché où le tabac tueur était une aberration, vous serez tenus en haleine, pour peu qu’un brin de nostalgie subsiste au fond de vous, vous serez intrigué par ce mystère entourant Don Draper et ses problèmes d’homme rationnel, et, la bande-son aidant (Miles Davis, Brenda Lee, Peter Paul & Mary…), vous reprendrez bien un « ‘sky on the rocks » à l’arrière d’une confortable Cadillac Fleetwood, votre patron vous observe. Mad men est une grande série, subtile, torride, terre à terre, à déconseiller aux inconditionnels des odyssées intergalactiques et autres combats contre des insectes géants. On n’a pas vu mieux depuis longtemps et ça fait du bien, Mad men mérite amplement ses multiples récompenses. Vive la « glorieuse » Amérique.
Trailer en VO ici: Mad men saison 1
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