A ceux qui crucifieront Murat en bougon de service, on leur jettera une phrase, empruntée pour l’occase à un fils de charpentier sur la croix deux mille ans plus tôt: « Pardonne-leur père, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Bien loin des shows à l’américaine (ou à l’irlandaise, tout dépend si l’on préfère un stade rempli de Linkin Park-addicts ou de fans de U2 qui n’a plus grand chose d’irlandais malheureusement), l’univers scènique feutré de Murat repose sur la sincérité et l’émotion. Et contrairement aux mégastars plus en phase avec leur dos qu’avec leur carrière (niveau « discale », j’entends), l’auvergnat est en accord parfait avec sa musique. Hier soir, l’Usine à Gaz (Nyon) en fut le théâtre.
Simplement, l’année 2010 est à marquer d’une pierre blanche (inquiétante?). En effet, cette entrée dans une nouvelle décennie bouscule les habitudes de l’artiste lancé sur un rythme effréné depuis dix ans « d’un album publié par année ». Artiste très productif, son « Cours ordinaire des choses » paru en 2009 reste sa dernière et non moins magnifique ébauche discographique, bouclée en partie en terre « Nashvillienne », accompagné de musiciens country aux bagages impressionnants. Malgré tout, sa richesse discographique le glorifie et inutile de préciser qu’une tournée de Murat réserve toujours son lot de surprises, lui qui se situe un niveau au dessus d’à peu près tout ce qui se fait en variété francophone.
Devant une assistance piaffant d’impatience, comblée d’avance dans une salle plus haute que profonde, l’artiste, accompagné de ses « fidèles » musiciens (toujours très pros et attentifs aux éclairs du génie), commence en douceur, avec des ballades qui lui ressemblent, sensuelles et hypnotisantes. Le quart d’heure noisy approche. Avec un mélange de quelques chansons de son répertoire actuel (couvrant les 3-4 derniers albums), Murat s’amuse et nous embarque, nous trimballe… En perpétuelle innovation, il va même interpréter « Pauline à cheval », dernière collaboration musicale de Jean-Louis avec le 7ème art (pour le film « Pauline et François »), dans une version entrecoupée de solos saturés et vivifiants. « Mousse noire », chef d’oeuvre de l’album « Tristan » (2008), prend toute son ampleur sur scène et renvoie aux plus belles heures de Neil Young période Crazy Horse, idole facilement devinable du terrible auvergnat. Murat continue d’alterner calme et tempête avec un tranchant « 16h qu’est-ce que tu fais », l’immersif et expressif « Chanter est ma façon d’aimer », le voyageur « Taormina », l’émouvant « Se mettre aux anges », et l’inédit « Yes sir », pop vintage qui se découvre uniquement sur scène. Une raison de plus d’assister au concert d’un artiste amoureux des mots et qui n’a rien à envier aux poètes historiques dont il s’inspire.
En rappel traditionnel, Murat revient harmonica au bec et réinvente ses dernières folies, habité par les dieux du Rock, l’Auvergne idyllique en toile de fond: « M le maudit » change de peau et « Le cours ordinaire des choses » accompagne les étoiles de manière brutale. Impossible d’éviter la comparaison avec Dylan, tant Jean-louis maîtrise son art à la perfection et envoi au diable les prestations « copier-coller d’album » qu’une grosse majorité d’artistes se contente de faire trop souvent sur scène. En rocker pas très loquace mais efficace, Murat force le respect partout où il passe et miracle, l’herbe y repousse à chaque fois toujours plus belle.
Laisser un commentaire