NY City, fin des années 1970. Au beau milieu de l’épaisse agitation culturelle qui s’y trouve, une sale gamine se contorsionne dans les clubs avec son groupe Teenage Jesus and the Jerks. Un son et concept encore atypique à cette époque et dont cette formation fit de sa chanteuse et fondatrice Lydia Lunch une égérie à l’introduction du mouvement « post-punk », « no-wave ». Ses premiers albums solo, « Queen of Siam » datant de 1979 et « 13 13 » sorti en 1981, l’ont rendue culte aux yeux des fidèles de l’époque et des actuels suivants du mouvement, surtout connu aujourd’hui du grand public par les infatiguables Sonic Youth, influencés et inspirés jusqu’aux dents par Lydia Lunch. Elle aussi surproductive en matière autrefois de LP’s avec un nombre conséquent de collaborations furtives (The Birthday Party, Henry Rollins, J. G. Thirlwell… ), elle ne s’est dès lors jamais arrêtée et continue d’appliquer le même art à tout ce qu’elle touche. Aujourd’hui agée de 52 ans, Lydia Lunch est une artiste à part entière ; musicienne tout d’abord, mais aussi actrice, photographe et écrivaine. Radicale dans sa manière d’aborder les sujets comme le sexe, la drogue et d’évoquer la crasse de façon crue dans ses écrits, elle rejoint de prêt la plume de Virginie Despentes, qui a d’ailleurs traduit ses ouvrages de l’anglais, ou encore Charles Bukowski.
Hier soir, la lugubre salle du Rocking Chair à Vevey ou le rock y subsiste comme un zoo y conserve ses espèces en voie d’extinction, a accueilli une Lydia Lunch qui nous assure qu’on peut ne pas être passé sur le bistouri et tout de même avoir la classe, même après la ménopause. L’introduction de la soirée se fit par le duo suisse Monoski clairement dans la veine psychédélique, qui dans la pénombre nous ont fait visiter leur rock minimaliste. Sans pour autant se montrer à la hauteur des Black Angels ou des TV Buddhas, l’efficacité opère et cela devant un public réjoui. Après entracte vient s’imposer le très bon groupe Big Sexy Noise et sa rassasiante Lydia Lunch, qui à eux deux générent une attention à en distribuer des syncopes. Un live vivant, avec une guitare qui comble l’absence d’une basse aidée par son fuzz octavé et un clavier qui sans complexe ni cliché relève le tout d’une pointe de saxo. Une Lydia en forme et formes, qui communique avec le public ses idées, opinions et déceptions avec humour et certes des vérités. « Il a une belle gueule, une grosse queue, mais il va matter trop de porno sur le net et joue trop aux jeux vidéos (…) pour vous les filles, nous sommes toutes passées par là! » Une femme délirante qui assume chaque divaguation et assure son show, tributaire de sa révolte et de la liberté d’exprimer qu’elle défend. « Je suis humaniste et non féministe, il y a une grande différence » s’exclame-elle dans l’une de ses anecdotes les plus connues. Avec la niaque d’une hyperactive et sa libido réellement démesurée, se décrivant entre autres comme étant une « prédatrice sexuelle », la cougar a pour anecdote de s’être mise à genou pour fermement agripper les mains d’un spectateur et les poser sur ses seins. Un comportement à son égard qui pour les initiés n’a rien de surprenant. Son chant volontairement passif et percutant, qui a descendu de quelques octaves depuis ses débuts, se noye dans le nuage de distortion et de bon son que son groupe dégage derrière elle. Le show s’achève avec un rappel des plus rock and roll qui a certes donné envie à toute la gente féminine de jeter son tampon usé à la tête de quiconque n’a pas adhéré à la porte parole de la désobéissance bien trop méconnue qu’est Lydia Lunch.
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