Fan de football bling-bling, passes ton chemin. « Le fils à Jo » est un film de connaisseurs pour connaisseurs. Mais de quoi? Des sentiments, de l’amour d’un père à son fils, sur fond de rugby-terroir. Ici c’est le Tarn, la France profonde, berceau du sport à XV, à la croisée des chemins de Toulouse, Castres, Albi, Montauban… Ici on se lève rugby, on mange rugby on cause rugby, on vit rugby, on meurt rugby. Alors d’accord, lorsque l’on parle d’ovalie, on « parle avé l’accent ». A la différence de « Bienvenue chez les ch’tis », orienté Nord, « Le fils à Jo », clairement sudiste, ne va pas puiser dans l’humour facile pour pulvériser le record box-office de « la Grande Vadrouille » – pour ceux qui osent comparer le génie Bourvil/De Funès aux gags de supermarché Kad Merad/Dany Boon. Philippe Guillard – dit « La guille », ex-joueur de haut-niveau et cinéaste débutant, réalise sûrement un rêve de gosse. Coaché par le régional de l’étape, Vincent Moscato, lui aussi ancien professionnel reconverti en comédien – il a été formé à Gaillac, cité abbatiale posée sur le fleuve Tarn, La Guille nous fait partager ce qui fait vibrer des millions de gens dans la France que l’on aime: passion, dignité, sens de l’honneur, courage, fraternité des mecs avec qui on peut partir à la guerre. Entouré d’acteurs solidaires, qui ont tous un jour chaussé les crampons en pro comme en amateur, Guillard retranscrit parfaitement l’état d’esprit du sport qui est entrain de mettre à mal l’obsolète suprématie d’un football gangréné par le business.
« Mon grand-père, il me disait toujours: si tu chiales, je te fous en pension. » Cette dureté qui cache un amour gigantesque résume bien le caractère rugby, la mentalité des durs. »Jo Canavaro », (Gérard Lanvin) campe un surprenant veuf solitaire, archétype de l’ancien joueur de rugby persuadé qu’après lui, le rugby ne ressemble plus au rugby. Homme fort mais attachant qui ne montre pas assez son affection à son fiston de 13 ans, maladroit des sentiments, il étouffe quelque peu celui qui commence à se rebeller contre la pression sportive que lui impose son père. Un papa qui n’arrive pas à dire je t’aime et qui, au bout d’un moment et à force de faiblesse sentimentale et de sensibilité refoulée, envoie tout le monde balader. Leur vie va se compliquer le jour où une entreprise anglaise décide de racheter le terrain de rugby (ainsi que le club house du RC Doumiac qui leur sert d’habitat) pour le raser à des fins industrielles. En proie aux difficultés de la vie, Jo va céder. Mais c’est sans compter sur ses vieux amis qui refont surface (Olivier Marchal, Vincent Moscato), de grands enfants au coup large comme un abribus qui vont l’aider à sauver le club, à réhabiliter l’entente d’une ancienne gloire du rugby et de son rejeton en manque d’amour paternel et à battre les grands rivaux de la ville voisine. Ponpon, Titou, Cailloux, Boulon, Le Chinois… En terre ovale, en général, on oublie son prénom civil. On tient plus que tout à ces surnoms affectifs, ces sobriquets qui restent collés comme un ballon au creux du bras dans la ligne des 22. L’ambiance conviviale du tournage se devine aisément de bout en bout de cet essai réussi. Un scénario simple, des situations qui mêlent humour et tristesse, des acteurs doués, sincères et touchants font du « Fils à Jo » un film vieille France comme on les aime. Le rugby est de loin le sport où règne le plus bel esprit, une bonne franquette basée avant tout sur le respect et la solidarité. Envoyez vos gosses dans la mêlée…
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