Après les rafales ininterrompues des mois de novembre et décembre, les gros titres sont petit à petit remplacés par de nouveaux albums, qui attirent l’œil et attisent la curiosité. Parmi eux, Le chien dans la vallée de chambara, un one-shot signé Hugues Micol, qui mêle classicisme et modernité. Repérable à des kilomètres grâce à sa couverture aux couleurs fortes et contrastées, cette nouvelle parution de Futuropolis s’attaque au chambara, un genre cadré et traditionnel japonais, qui regroupe des thèmes universels et puissants, tels l’initiation, l’amour, la vengeance et l’Histoire.
Maraki Zatu n’est qu’une enfant quand elle traverse la glace du lac de Chambara. Témoins de cet accident, les trois seigneurs voisins qui l’accompagnent ne prennent pas le risque de la sauver et voit cet évènement comme une opportunité inespérée. Monsieur Ishi pourra épouser Kajin, la mère de Maraki, et devenir le seigneur le plus puissant de la contrée. Monsieur Ni pourra s’approprier l’héritage de la petite pour se lancer dans les affaires et faire fortune. Monsieur San Pourra s’octroyer le statut militaire du défunt père de Maraki et devenir un des officiers les plus craints et respectés du Japon. Ils décident donc de sacrifier la vie de la jeune fille pour leur propre intérêt, quitte à vivre avec sa mort sur la conscience. Mais ce qu’ils ignorent c’est que peu après l’accident, Maraki est sauvée et recueillie par Ukifune Jinnai, un des meilleurs assassins shinobi encore vivant. Et malgré son vieil âge, il décide de la former à l’art du meurtre et au combat rapproché. Les années passent et sa rancune grandit et devient sa raison de vivre. Arrivée à sa vingtième année, elle se rend à Edo pour retrouver Ichi, Ni et San, pour se venger…
Aspect le plus marquant de cet album, le graphisme nous en met plein les mirettes. Dominée par des couleurs vives, chaque planche forme une unité qui lui est propre, comme si à chaque page un nouveau tableau s’ouvrait à nous, avec sa composition, son découpage, ses cadrages et son mode de fonctionnement particulier. On peut même parler de fresque graphique, au vue des multiples double-pages (et parfois même de séquences entières), qui s’articulent autour d’un fond sur lequel viennent s’ajouter plusieurs éléments décadrés, qui s’enchaînent à la perfection. On a donc l’impression d’être au cœur d’une estampe et de suivre l’intrigue instinctivement. Les séquences d’ouverture et de fermeture en sont les exemples parfaits, lorsque Micol prend pour élément de base le lac glacé et la forêt enneigée et y incorpore les différents plans sans nous imposer les cadres noirs qui auraient gâché la fluidité et l’unité des scènes. Enfin, ce sont les couleurs qui nous sautent littéralement aux yeux. Ici peu de nuances doucereuses, mais une palette colorimétrique pure et tranchante, qui donne un relief incroyable à chaque case. Les personnages et les décors prennent alors une dimension inédite, où l’immersion dans l’histoire devient aisée et presque inconsciente.
Le scénario, lui, nous dépeint une fresque historique sublime, au classicisme majestueux. Le chambara étant un genre aux règles incontournables, Hugues Micol ne cherche pas l’originalité, mais l’efficacité. Et il réussit sans mal, en nous proposant un voyage initiatique et vengeur où les personnages ne sont finalement pas aussi faciles à cerner qu’on aurait pu le croire de prime abord. On se sent rempli d’injustice quand les trois seigneurs fuient l’accident et laissent Maraki au bord de la mort. On s’emballe lors des premiers combats qu’elle mène contre les seigneurs. On tombe amoureux lorsque l’amour qu’elle imaginait devient réalité. Chaque scène nous apporte son lot de surprise, d’action, de sentiment et d’aventure. Le scénario ne réinvente donc rien d’essentiel, mais à l’important mérite de nous faire ressentir les événements et les émotions que traverse Maraki tout au long de l’intrigue.
Première bonne surprise de ce début d’année, Le chien dans la vallée de Chambara est une expérience visuelle et historique passionnante et prenante, au style propre et original.
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