Un matin de 1988 et comme chaque jour depuis quinze ans, la jeunesse anglaise se lève avec la gueule de bois. Les Pink Floyd en pleine bataille juridique, le monde partagé d’Est galeuse en Ouest profiteuse, l’Angleterre imbriquée dans un conservatisme cloisonné: la fin des années 80 n’est qu’une histoire de murs. Rien à fêter et autant de raisons de boire que d’écouter du Rock. Justement, alors que l’on pensait le Brit-rock à jamais figé dans le traumatisme post-Smiths, la ville de Liverpool, indissociablement liée au plus belles pages du Rock anglais, va voir naître un phénomène. Les « lads », ces mecs que l’on dit immatures et branleurs… et bien c’est d’eux que viendra le salut du Rock. Trouver un nom de groupe? Rien de plus simple: The La’s. Appelons un chat un chat. Les « La’s » réinventent avec bonheur la fraîcheur et la candeur primitive des sixties, sans rien perdre de ses racines blues et folk. Mais plus que d’avoir pondu un album ayant changé la face du rock, la trajectoire des La’s s’apparente à un des plus beaux gâchis de l’histoire. Explications.
Le groupe, formé initialement en 1986, va publier quelques singles énergiques qui ne connaîtront qu’un succès d’estime jusqu’en 1990, au moment de la sortie de leur seul et unique album éponyme (« The La’s »). A sa tête, Lee Mavers, génie borné aux frêles épaules, perfectionniste pathologique et qui aura fait son Syd Barrett jusqu’au bout. Obsédé par l’idée de pureté, il refuse toute idée de production, prétendant que lui seul peut saisir et restituer fidèlement l’esprit de sa musique. Un pas en avant, deux pas en arrière: il va saborder son travail mais heureusement, son influence, elle, s’en tirera à bon compte. En guerre contre sa maison de disques, Lee Mavers va totalement perdre pied, et sa quête de la pop parfaite va le pousser peu à peu dans la clandestinité, laissant tout de même des bijoux impressionnants de beauté et qui jouent la carte de l’intemporalité (« There she goes », « Feelin' », « Doledrum », « I can’t sleep », « Timeless melody »…). The La’s, mauvais génies? Ils ont sans doute préparé le terrain à Oasis et laissé beaucoup de regrets; mais si l’on s’en tient à l’histoire, peu de groupes peuvent se vanter d’avoir donné la marche à suivre au Rock. Vingt-deux ans déjà? C’était hier…
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