»L’attente ». Un titre digne d’un diagnostic médical. Et pourtant, il paraît qu’il faut lui foutre la paix. Déjà, en 2006, album de vérité, il le chantait, il le gueulait, « qu’on me fiche la paix ». Prémonitoire? Tout le monde vieillit. Ce qu’il ne savait pas, le roi du Rock (français), c’est que sa décennie ne serait plus sienne: dix ans post-aveux de cocaïnomanie – abrégée un temps par docteur Obispo et son « Ce que je sais » – gâchés par un enchainement d’albums douteux. La dope d’Hallyday depuis? Yvan « Pollux » Cassar, aux effets néfastes mais aux arrangements conciliants. Johnny a toujours su plus ou moins bien s’entourer. Du cow-boy corse Michel Mallory aux élans inspirés de Goldman et Berger, Smet a souvent caressé ses moutons dans le sens du poil. Et quel poil! Mais quand Hallyday prend des risques, ça ne marche pas. « Jamais seul » (2011), sa « renaissance », c’est déjà loin. Même pas essayé en live, Johnny ne peut plus. C’est donc une forme de baobab qui pousse au creux de sa main, alors si chacun peut y apporter son filet d’eau. D’un filet on passe à des envies clairement établies de parachute doré, alors tout le monde s’y met, dératisation totale. On prend Miossec pour écrire et les autres pour faire mu-muse à Saint Barth ou LA. Des concerts où les choristes prennent le relais sur chaque refrain un peu poussé, qui n’en veut? Certainement pas la moitié vide d’un stade de France. Des places de concert au rabais? Qui n’a jamais rêvé d’un stade « familial » à Paris… C’est la mort dans l’âme que Camus s’insurgeait contre l’orage s’abattant sur scène en 98 à Saint-Denis, et c’est le cigare au bord des lèvres qu’il n’aura aucune pitié à évacuer son ancien protégé. De sa mémoire. Pas de la nôtre.
Que peut-on attendre d’un nouvel album prévu le lendemain de l’armistice? Que le public s’en désintéresse progressivement? Chose encore plus triste: même pas au bénéfice de la mémoire de nos poilus. Le but n’est pas de rhabiller Johnny pour l’hiver, mais juste de l’aimer pour ce qu’il a été. Et « l’attente » n’encourage pas à s’enthousiasmer, encore moins depuis « Autoportrait » (Décembre 2011), la dernière pelleté sur sa collaboration couinante avec Chedid fils, le « Jimi Hendrix » français, selon ses termes de l’époque. Enterré, chroniques d’un re-entertainment annoncé. Oui, Hallyday paraît en voix, mais que dire d’un Roi qui se plaint? Au suivant. Ce genre de ballade pullule et pollue ses disques depuis trop longtemps, et à moins de croiser un Rick Rubin qui sublimerait son côté Johnny Cash en fin de vie, on a du mal à voir comment Smet réussirait à finir dans une douceur toute Rock’n’roll. Loin de l’aura inébranlable de l’Homme en noir, Hallyday a quand même en commun un certain vécu, il a besoin de lunettes et il a mal aux poumons. Quelqu’un a des nouvelles du docteur Delajoux? La bise.
Gyslain Lancement
Johnny Hallyday, nouveau single: « L’attente » en écoute ici
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