On compare souvent son timbre à celui de Souchon: lui nous assure qu’il n’y est pour rien. On lui colle souvent l’étiquette de « nouvelle scène française », casquette renouvelable chaque dix ans aux nouvelles vagues d’arrivant: Florent en est plutôt fier. Pourvu que ça dure. Quelques mois après son « Courchevel« , disque tendance pop-classe francophone, Florent Marchet était de passage à Paléo. A l’abri d’une pluie battante, dans un froid de canard et en backstage d’un site virant au cliché boueux des festivals anglo-saxons, Florent, un thé vert de rigueur à la main, s’est confié à nous. Entretien avec un artiste réaliste, classe et rassurant.
Bonjour Florent et… bienvenue en Suisse. Depuis quelques années, vous arpentez les festivals, vous êtes un habitué des Franco de la Rochelle et du Printemps de Bourges. Quand vous arrivez ici, à Paléo, vous vous sentez bien accueilli? Ressentez-vous une atmosphère différente de la France voisine?
Je dirais même plus. L’ambiance d’aujourd’hui a quelque chose d’idéal, un peu comme je l’imaginais quand j’étais môme. A mon sens, Paléo est destiné aux vrais fans de musique, et je me dis que le mec qui aime ta musique, il s’en fout de la boue, du froid et de la pluie: il viendra. De plus, ça donne un petit côté anglo-saxon au festival. J’ai beaucoup plus de mal avec les festivals urbains. Le fait de décentraliser sur des sites en dehors des villes donne un aspect plus rock, un penchant roots, un côté passionné.
Vos affinités avec la Suisse, on les a découvertes récemment avec une reprise très personnelle d’un fameux titre de Stéphane Eicher: « Des hauts, des bas ». Alors, est-ce que « l’icône bohème » de la Suisse est un artiste avec qui vous aimeriez collaborer dans le futur?
Oui, je l’admire depuis longtemps et je comprends l’attachement de la Suisse à cet artiste respecté et talentueux. J’ai eu la chance de le rencontrer deux fois et il m’a même remercié fort agréablement et s’est dit très fier de cette reprise. Une collaboration future serait vraiment intéressante, d’autant plus que c’est quelque chose que j’aime faire. L’échange et l’interaction sont des choses fondamentales dans ce milieu. J’ai aussi des pistes et des projets avec Gaëtan Roussel, autre artiste avec qui j’ai des affinités artistiques.
Florent, vos albums ont été enregistrés dans différents endroits (France, Belgique, USA, Bulgarie…). Mais à écouter vos textes, on revient souvent aux souvenirs, à la nostalgie d’un enfant du Berry (région natale de l’artiste). Comment peut-on vous qualifier: en amoureux des mots? En amoureux des souvenirs?
Je vais surprendre tout le monde: je déteste les souvenirs. Mais il est clair que le vécu, les racines, ce sont des choses essentielles dans l’écriture. Emotionnellement, les choses sont plus exacerbées, on se nourrit de ça. Mon inspiration, à la base, je l’ai puisé dans mes ressentis d’ados, j’avais envie d’exil, envie de fuir quelque chose. C’est vraiment à ce moment là que la musique et la composition sont devenus pour moi des moyens de m’échapper.
Justement, la nostalgie, les souvenirs, ce sont des choses que les majors ne peuvent pas créer. Dans cette période morose pour les ventes de disques, avec beaucoup d’artistes pré-fabriqués, vous pensez que le vécu et l’authenticité sont un bon moyen de sauver la donne?
Chaque personne a des choses à dire. Après, le plus important est d’être honnête et en accord avec soi-même. Cultiver sa différence, ne surtout pas rentrer dans des codes. Je pense que la différence rapproche les humains, qu’on a besoin de parler des autres pour se faire entendre. Quand je compose, je souhaite avant tout que les choses atteignent leur but, à savoir toucher les gens. Il faut absolument garder un désir intact , faire ce que l’on a envie de faire et non ce que l’on nous dit de faire. Et j’ai la chance d’avoir une équipe qui me suit dans ce sens.
Beaucoup vous comparent à Alain Souchon, notamment dans la voix et les intonations. C’est quelque chose qui vous flatte?
Bien entendu, c’est plutôt flatteur mais encore une fois, je n’y peux rien, mon timbre vocal je ne l’ai pas choisi. Et puis, ça aurait pu être pire, si on m’avait comparé à Frederic François ou C Jerôme! (Rires). Ceci dit, Souchon est un immense interprète, en plus d’être très touchant, sa musique est sincère et de ce point de vue là, j’ai un immense respect pour lui.
Quand on écoute certains de vos morceaux ou bien certains arrangements, on devine quelques unes de vos influences. Dans « Courchevel« , on a apprécié votre duo assez étonnant avec Jane Birkin. Cette collaboration, était-ce un moyen pour vous de cotoyer ce qu’il reste du grand Gainsbourg?
C’est marrant que vous me posiez cette question car la chose et le ressenti se sont vraiment passés en deux temps. Au début, j’ai choisi Jane car j’avais vraiment apprécié son dernier album (« Enfants d’hiver » – 2008). C’est un disque audacieux, fait par une belle artiste et peu de personnes osent autant qu’elle dans la variété francophone. Et puis c’est vrai qu’elle avait bien aimé mon avant dernier disque (« Rio Baril »). C’est une fois le morceau terminé que j’ai repensé à tout ce qu’il y avait derrière le personnage, le passé Gainsbourg et au final, je n’ai pas simplement rencontré Jane, mais aussi la véritable Melody Nelson.
Vous êtes un artiste complet (auteur, compositeur, interprète, producteur…), un homme de projets et on a le sentiment que le Club Tent est tout juste assez grand pour abriter vos nombreux talents. Selon vous, ce mardi 19 Juillet, ce n’est que le début d’une histoire d’amour entre le Paléo et vous?
Vous savez, j’ai encore le sentiment d’être en début de parcours et mes trois premiers disques sont des balbutiements. Les festivals nourrissent mon désir d’aller plus loin. Alors bien sûr que le Paléo fait partie des évènements que j’aime et je compte bien y revenir. Sûrement avec un prochain disque, qui sera différent, j’ai envie de tourner une page. A force de tisser des liens, on ressent un besoin de musique un peu plus large et des plans de composition moins intimistes. Du fait que l’on rencontre beaucoup de monde, on a envie d’une énergie plus animale, nourrie par les rendez-vous et par les festivals, dont ce cher Paléo. Cela reflète aussi le fait que la scène est indispensable au développement de l’artiste.
Avoir quitté Barclay pour le label Pias, c’était plutôt un désir de rester vous-même? De pouvoir créer sans contraintes?
Oui, c’était le moment de changer, je ressentais un certain manque de liberté artistique. Et comme il est exclu de faire des concessions liées à la pression économique, j’ai décider de signer chez Pias. Vous saurez une chose: je n’écoute que les bonnes critiques, les constructives, en aucun cas celles qui viennent du marketing. Et avec Pias, tout se passe bien, on me fait confiance, on m’encourage à cultiver ma différence. Je peux ainsi continuer à faire ma mauvaise tête (rires) et à proposer ma musique.
C’est dès 22h30 que Florent Marchet à transcendé un Club Tent qui s’ennuyait. Ne manquant pas d’humour, Florent balançait un « même crotté de boue et saoul, vous êtes un public qui à la classe ». Une setlist impeccable, une ambiance rock et une aura bien particulière ont fait de ce concert un des gros coups de coeur du Paléo Festival 2011.
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