Inio Asano fait partie de ces auteurs qui ne se présente pas. Comme il le dit lui-même, ce qu’il fait la plupart du temps « s’apparente plus à de la lâcheté qu’à autre-chose ». Mais on ne lui en tiendra pas rigueur longtemps, car à la lecture de La fin du monde, avant le lever du jour, on se dit que s’il nous livre encore des histoires comme ça, il a bien le droit de se reposer un peu de temps en temps.
Quatrième œuvre publiée en français, La fin du monde, avant le lever du jour regroupe une dizaine de nouvelles, mélange de beauté, de fatalisme et d’humanité. De la jeune fille qui cache sa détresse et sa solitude derrière un sourire de tous les instants, aux jeunes qui au crépuscule de leur études s’inventent une fin du monde au goût des lèvres de l’autre, en passant par un adolescent obsédé qui essaie de secourir la fille la plus facile du lycée et un mangaka qui quinze après retrouve ses amis et se rend compte qu’il aime toujours son premier amour.
Toute une panoplie de personnages s’étend au long de ces 270 pages. Parmi ces récits parfois bouleversants, mais toujours pleins d’espoir, deux émergent. Dimanche après-midi, 18h30 nous parle d’un père qui du jour au lendemain quitte ses deux enfants et les laisse avec un « Je crois en vous » qui les laissent perplexes. On suit alors les trois points de vue des protagonistes, chacun réagissant de manières différentes. Katsuhiko revoie son ex-grand amour, s’engueule avec son meilleur ami et finit par réaliser que sa vie est plate et sans intérêt et qu’il veut que ça change. Wakana, elle, invite un garçon qu’elle ne connaît pas et découvre petit à petit sa beauté. Le père, enfin, ère dans la campagne et tombe sur une jeune fille suicidaire. Il lui redonne goût à la vie et réalise que finalement sa famille lui manque. Ce trio de récit nous parle de changements, de rencontres et de quête de soi, thèmes récurrents chez Asano.
Première histoire du recueil, Avant le lever du jour se compose de plusieurs instantanés de vie pris à des heures différentes entre minuit et six heures du matin. C’est alors l’occasion de découvrir la beauté, la folie, la solitude, la misère, la tristesse et enfin l’espoir, d’une manière nouvelle et percutante. Tous ses aspects inhérents à la condition humaine sont menés à leur paroxysme par le talent narratif d’Asano. En nous laissant entrapercevoir ces vies et en les enchaînant, il nous laisse le loisir d’imaginer ce qui les entoure, le quotidien de chaque personnage, les évènements qui les ont poussés à arriver là où ils sont et ce que pourrait être leur futur. On se sent alors proche d’eux, car forcément l’auteur sait toucher juste là où les larmes commencent à monter.
Mangaka finalement trop rare, Inio Asano a au moins le mérite de ne jamais nous décevoir. Agé de 31 ans, cela fait maintenant 14 ans qu’il dessine et raconte des histoires. Toujours en phase avec sa culture et son époque, il sait retranscrire de manière simple et franche les traumas d’une génération appelée perdue, car en manque d’avenir, d’amour et d’envie. Chacun de ses récits est gorgé de ce fatalisme et de cette envie paradoxale de vivre à tout prix, de ne pas se laisser abattre, même si rien ne va dans le bon sens. C’est cet espoir tiré du noir, qui fait tout le charme de ses personnages criant de vérité, qui nous rappelle un peu nous même. Asano a su se faire le témoin et le porte-parole indirect de cette jeunesse en manque de repères et il le fait d’une manière si belle qu’il est difficile de ne pas aimer ses Eiko, Katsuhiko, Wakana, Haru ou encore Junko.
La fin du monde, avant le lever du jour mérite qu’on s’y attarde, qu’on en soit transporté et qu’on en redemande.
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