Le pitch du film, qui donnerai soif à n’importe quel habitant d’Evian, est simple mais tellement alléchant; des voleurs pas comme les autres arrivent à s’infiltrer dans nos rêves pour subtiliser des informations. Mais cette fois la mission qui leur est confiée est autrement plus difficile et n’a encore jamais été officiellement testée, puisqu’ils vont devoir implanter une information, qui devra paraître naturelle pour sa cible, dans le cerveau d’un riche héritier. Cette action va s’appeler une Inception.
Avec un scénario original écrit par ses propres soins, comme la plupart de ses métrages, ce nouveau film du maître Christopher Nolan est ce que l’on pourrait appeler le blockbuster “adulte” (jugé par certains trop compliqué pour le public américain…) de l’été. Attendu au tournant par la presse et le public, il ne déçoit pas, du moins pas dans les grandes lignes. Au contraire, il nous donne encore plus envie d’aimer le cinéma, aussi inventif, mature et actuel que celui-là, malgré quelques contraintes qui, selon moi, l’ont poussé à mettre de l’action là où ça n’était pas forcément nécessaire, comme cette scène dans la neige qui est à 400% James Bondienne! Mais quand même, grâce à ce coup de génie du réalisateur américain, on se laisse rêver à plus de productions intelligentes à gros budget, si monsieur Bruckheimer me lit… : ); qui arriveraient, comme ici, à nous divertir avec un langage étudié, une intrigue osée et des questionnements adultes et profonds; qui pourraient aussi nous emporter loin de notre réalité parfois cruelle, dans un univers où la fiction dépasse la science et dans lequel les possibilités seraient infinies comme de maîtriser (plus ou moins…) le temps qui s’écoule. Mais que faire de ça si vivre nous rappelle chaque seconde que l’on est seul. Car ici on nous montre que l’amour perdu peut être encore plus destructeur que tous les autres sentiments éprouvés. Il recouvre le reste de notre existence d’un voile qui, même si parfois on arrive à oublier sa présence, reste et restera à jamais comme un fardeau que l’on se traînera sur le dos, et surtout sur le cœur. Il nous empêchera de respirer aussi bien que les autres car à jamais touché au plus profond de nous. D’autant plus si on a l’impression d’être pour quelque chose dans la perte de cet être aimé et qu’on lui a dédié notre vie. Le vide ne peut être comblé, absence est le seul mot qui tourne dans notre tête et qui peut nous maudire pour l’éternité si l’on n’arrive pas à faire son deuil d’une manière ou d’une autre. Et bien souvent cette réhabilitation, si elle se fait, ne sera pas spontanée ou voulue. Mais on aura bien du mal à faire ce passage seul car bien des choses sont scellées en nous sans que l’on ne puisse rien faire. Et malheureusement, parfois, cet apprentissage de l’oubli ne se fera à aucun moment, on l’emportera dans notre tombe comme notre épée de Damoclès à jamais pendue au dessus de notre tête, même bouffé par les vers de terre.
Maintenant quoi de plus universel et compliqué à cerner que le monde des rêves? Et quel meilleur moyen de raconter une histoire en ayant l’attention totale du spectateur qui a peur de passer à côté d’une intrigue ou autre du film vu que l’on ne sait jamais sur quoi on va tomber et comment ça va évoluer? On peut difficilement imaginer un domaine qui sait passionner autant qu’il intrigue. Et celui-ci, même s’il est traité, selon moi, comme un film grand public avant tout, arrive à nous faire réfléchir sur certains points très pertinents comme le fait que dans un rêve on ne sache jamais vraiment quand et où il a commencé et où il finira. C’est assez déroutant pour que, quand ça arrive dans le métrage, on se sente touché par cet aspect qui est très humain et proche de la réalité. On se dit dès lors que les recherches effectuées sur ce comportement qu’est le monde des songes peuvent avoir été poussées dans ce sens de la vérité pour accoucher d’une histoire qui exploite vraiment les possibilités peu connues et/ou maîtrisables de cet univers. Mais on retombe bien vite sur nos pattes quand on voit que l’ingénieur du groupe (pour ceux qui n’ont pas vu le film… mais qu’est que vous attendez?!) construit ses niveaux comme un jeu vidéo et qu’il peut inviter ses collègues à rentrer dans cet univers préfabriqué à sa convenance, tout en devant rester crédible pour le “patient” qu’ils visitent pour arriver à l’entourlouper. Même si c’est donc sur des bases solides que tout est construit, il semble que Nolan utilise ces univers pour raconter une histoire sans que scientifiquement chaque élément soit avéré, mais c’est un détail vu les sujets évoqués et la puissance des différents questionnements soulevés.
Mais s’il est une notion qui est chère au réalisateur et que l’on retrouve encore ici en moteur de l’histoire comme dans Memento, The Following, The Prestige ou Insomnia, c’est bien celle du temps qui s’écoule et qui nous fait vivre, aimer et mourir. Egalement dans ses deux Batman même si cela est moins marqué. Chaque seconde est importante et encore plus dans les différentes “réalités” du film entre elles. Même si dit comme ça cela paraît très abstrait, tout ceci est si bien expliqué que l’on se prendrait à y croire. Et c’est avec maestria qu’il nous invite à nous questionner sur ce que nous sommes et pour combien de temps et pourquoi… pour qui? Pouvons-nous repousser ces limites et si oui quelles en seraient les répercutions? Et pour moi toutes ces pistes évoquées sont LA force du tout, faire réfléchir et débattre le spectateur pour que l’expérience continue bien après la sortie de la salle (ou l’arrêt du dvd).
Mais assez parlé du sens de la vie que j’ai cru entr’apercevoir dans cet Inception et place à une mini-critique technique qui sera vite expédiée vu le papa de l’oeuvre. La bande son, en passant par la photo, les plans, les effets spéciaux et j’en passe, tout est très beau et utilisé à la perfection de A à Z et je n’ai pas grand chose à rajouter si ce n’est que l’on passe par tous les éléments difficiles à apprivoiser pour un metteur en scène comme les moments sous-marins, la neige et ses reflets de lumière, la gravité zéro etc… Bref quand il s’agit de maîtrise cinématographique, Nolan est au top de son art et ça se ressent; je me réjouis maintenant de visionner le Blu-Ray pour en reprendre plein la vue! Sans pour autant passer quinze ans à peaufiner chacun de ses plans ou attendre “l’heure magique” c’est-à-dire l’aurore ou le crépuscule comme Terrence The New World Malick pourrait le faire (sans critiquer ce dernier qui, pour beaucoup dont moi, est un génie de l’image ou un peintre du 7ème art).
Une des autres forces du film c’est son casting 5 étoiles où l’on retrouve avec bonheur le talent sans cesse confirmé de Leonardo Di Caprio, après un Shutter Island tendu comme un string, qui explose dans sa prestation impressionnante de justesse. A ses côtés on a le plaisir de voir évoluer entre autre ; Marion La Môme Cotillard en femme de Leo, Joseph 500 jours ensemble Gordon-Levitt glaçant de classe dans son costume trois pièces, un jeune acteur qui, si la rumeur se confirme, devrait jouer le Riddler (l’homme mystère) dans le prochain Batman. Michael The Prestige Caine acteur actuellement trop rare mais éblouissant de justesse. Ellen Hard Candy Page qui après un rôle de rollergirl dans le Bliss de Drew Barrymore s’éclate à être l’architecte du groupe, un talent à retenir. Tom Bronson Hardy, méconnaissable après son rôle de détenu le plus dangereux et violent d’Angleterre dans le film du déjà très grand Nicolas Pusher Winding Refn. Ken Le Dernier Samurai Watanabe et pour finir Cilian 28 days later Murphy, Il est l’épouvantail de Batman Begins et prouve encore une fois que le réalisateur américain affectionne retravailler avec des acteurs qui ont connu la gloire de ses précédents films.
Encore une petite anecdote, contrairement aux autres “gros” films et pour mieux confronter les acteurs aux situations auxquelles ils sont confrontés, une grande partie du film est tourné en décors naturels ou dans des chambres reconstituées en studio. Et avec la maîtrise actuelle des studios dans les effets spéciaux on ne distingue plus vraiment ce qui est vrai. Comme dans un rêve, on se perd de la même manière que les personnes victimes des “voleurs” de la bande à Caprio.
Pour finir je dirai que ce film a réellement apporté un plus d’intelligence à Hollywood et, je l’espère, a ouvert une brèche dans l’industrie lui montrant qu’avec des idées nouvelles et un sujet en béton armé on pouvait investir beaucoup d’argent et en avoir encore énormément plus à la sortie!
Et pour le plaisir, voici mon top dix des films du réalisateur :
1. Batman Begins, quelle claque! Où comment Nolan a réussi ce que je pensais impossible, rebooter une franchise qui avait été détruite, que dis-je, saccagée par Joel Schmacher. Pour me préparer à une nouvelle déception je n‘ai pas voulu voir la moindre image ou bande-annonce du film avant de le découvrir dans les salles obscures. Bien m’en a pris car le choc a été total et chaque nouvelle vison de cette relecture de la saga est comme une drogue mais cette fois-ci à consommer sans modération.
1 ex-equo. Memento, premier film que j’ai eu la chance de découvrir de Christopher Nolan, il est certainement pour moi un des plus grands thrillers de tous les temps avec Infernal Affairs. Non d’un scénario et d’un montage, comme dirait l’autre! Un bonheur à se repasser plusieurs fois pour comprendre toutes les subtilités du métrage.
3. Inception
4. The Dark Knight, excellente suite au sublime Begins, ce chevalier noir est encore plus sombre et torturé, un tour de force pour un deuxième épisode…
4. ex-equo. The Prestige, très beau film traitant de deux magiciens (Christian Bale et Hugh Jackman), qui s’affrontent à coup de tours plus indécelables les uns que les autres, ce prestige qui comme un tour de magie est coupé en trois actes est un véritable régal. Avec notamment un twist final qui vous donnera envie de revoir le tour 🙂
6. The Following, première réalisation pour un film en noir et blanc qui, en une heure dix, avec un montage déjà très étudié, nous embarque dans un suspens soutenu et palpitant. A découvrir si vous arrivez à mettre la main sur le dvd zone 1 qui n’est malheureusement plus édité.
7. Insomnia, relative déception pour moi quant à cette troisième réalisation. De très bons acteurs (comme toujours!) mais une ambiance qui se veut insomniaque que j’ai eu du mal à capter et ressentir. Malgré de belles images ce thriller restera pour moi le seul métrage qui ne m’aie pas retourné dans tous les sens parmi les œuvres de Nolan.
Et comme beaucoup, je me réjouis du troisième opus des aventures de l’homme chauve-souris qui est déjà annoncé dans les salles pour juillet 2012, saura-t-il continuer l’histoire sans décevoir? Avec toujours son frère, lui-même et David S Goyer à l’écriture du script on ne saurait en douter… VIVEMENT!
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