Jacques FERRANDEZ
Gallimard, collection Fétiche
Une nouvelle fois Jacques Ferrandez se penche sur l’œuvre d’Albert Camus après avoir adapté L’Hôte, une nouvelle tirée de L’Exil et le Royaume, en 2009. En cette année du centenaire de sa naissance l’œuvre de l’écrivain est sous les feux de l’actualité et continue toujours de susciter passions et controverses comme en témoigne l’exposition finalement avortée qui aurait du se tenir à Marseille, Capitale de la Culture 2013.
Publiée en 1942 le roman s’est vendu initialement à 8000 exemplaires avant de s’imposer au fil des ans comme une pièce maitresse de la geste camusienne. Ce roman n’en finit pas de fasciner par les nombreuses questions existentielles qu’il soulève et les multiples interprétations que l’on peut en faire, un roman d’une étrange indécision dont la matière narrative se refuse à toute analyse définitive.
Jacques Ferrandez nous donne sa version, très fidèle à l’esprit de son auteur. La première partie est placée sous la lumière blanche d’Alger qui nous avait tant envoutée dans les Carnets d’Orient et le lecteur se promène dans une ville habitée par l’esprit des lieux. Une atmosphère évanescente qui culminera dans un éblouissement fatidique, ultime, qui plongera le récit dans l’obscurité et le début de la deuxième partie.
L’Etranger c’est Meursault ce jeune homme sans prénom qui apprend par télégramme le décès de sa mère à l’hospice de Marengo dans les faubourgs d’Alger. Veillant la morte toute la nuit sous une lumière électrique éprouvante il assiste le lendemain aux funérailles sous un soleil accablant et l’on remarque déjà comment les éléments extérieurs affectent son comportement : fatigué, anémique il est là sans être là, apparemment sans chagrin…
« J’ai une nature telle que mes besoins physiques dérangent souvent mes sentiments… »
De retour à Alger il va se baigner et rencontre Marie une dactylo qui avait travaillé dans la même entreprise que lui. L’appétit de la vie amène ces deux êtres à se lier tout naturellement. Le lendemain il croise Raymond Sintès un voisin qui lui demande de l’aider à rédiger une lettre pour denigrer sa maitresse envers laquelle il s’est montré brutal et dont il craint les représailles du frère de celle-ci. Etonnement Meursault ne sent pas que cet homme violent à la moralité plus que douteuse peut lui attirer des ennuis et l’absurdité de la situation nait « de cette confrontation entre l’appel humain et le désir déraisonnable du monde ». Raymond se sert de lui comme témoin de moralité quand une semaine plus tard il est convoqué par la police suite à une altercation violente avec sa maitresse.
Le drame couve sous l’insouciance des jours et Jacques Ferrandez nous fait très bien sentir cette sensation de malaise, d’étau qui se resserre autour de Meursault. Il décline la proposition de son employeur d’aller travailler à Paris et montre une nouvelle fois qu’il n’est guidé par aucune ambition mais par le désir de vivre au jour le jour sans contraintes et sans véritables attaches :
-« Vous ne seriez pas intéressé par un changement de vie ? » lui demande son employeur.
-« On ne change jamais de vie, en tout cas toutes se valent et la mienne ici ne me déplait pas du tout… » répond Meursault montrant ainsi qu’il ne triche pas avec la vie et qu’il ne ment pas avec les autres : son employeur, Marie ou bien même devant le juge du tribunal. C’est un être brut, nu, qui accepte les choses telles qu’elles sont.
Albert Camus : « On ne se tromperait pas en lisant dans l’Etranger l’histoire d’un homme qui, sans aucune attitude héroïque, accepte de mourir pour la vérité. »
Cette vérité qui jaillira de la bouche d’un Meursault illuminé à l’ombre de sa cellule.
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Carnets d’Orient
10 tomes et 2 intégrales
Edition Casterman
L’Hôte
D’après l’oeuvre d’Albert Camus
Editions Gallimard, collection Fétiche
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