Petit éditeur nantais tout frais et sorti de nulle part, Ici-même nous propose ce mois-ci deux nouveautés aussi originales que bienvenues : Heartless et Abaddon.
Signé Nina Bunjevac, Heartless est un recueil de plusieurs nouvelles prenant pour décor une Amérique contemporaine, aux relents d’années 1950. On y suit principalement Zorka, une femme féline, qui revient dans plusieurs histoires. Tombée éperdument amoureuse de Chip, un cowboy-gigolo, après un coup d’un soir, elle va tout faire pour retrouver ce bel homme qu’elle croit être l’amour de sa vie. Car, en sus, Zorka tombe vite enceinte et s’imagine un futur radieux pour Chip, elle et leur enfant. Malheureusement, aucune nouvelles de Chip (qui en fait préfère se taper des vieilles…) ! Et forcément, Zorka finit par tomber dans une dépression sans fond. Les autres récits sont semblables à celui de Zorka, au niveau thématiques et ambiances sociale-glauque : une immigrée qui finit prostituée, une femme qui en fait trop pour retrouver l’ardeur sexuel de son mari, etc. En fin de volume, on change totalement de registre pour deux histoires très courtes qui prennent pour sujet l’enfance de l’auteur et la vie de son père, d’abord en Serbie, puis au Canada. Deux récits qui détonnent du reste d’Heartless et qui nous donne un bref aperçu du multiple talent narratif de Nina Bunjevac. Graphiquement, on retrouve l’influence de l’imagerie des polars noirs 30’s et de la technique de la carte-à-gratter. Le noir et blanc est ainsi incisif et crée une ambiance poisseuse et malsaine, qui s’accorde parfaitement avec les divers récits.
Dans un registre totalement différent, Abaddon est une surprise de taille. Album au format italien, Abaddon surprend tout d’abord par son graphisme, mélange savant de rouge et vert pâles et de traits proches du croquis. On est assez rapidement pris d’un mal à l’aise sourd au fur et à mesure des pages. L’atmosphère crée est étouffante, oppressante, vomissante. Et là encore, le graphisme s’accorde au récit. Ter va visiter une colocation. Il y rencontre la charmante Bet, la pulpeuse Shel, le gonflé Vic et le timide Nor, et décide tout de suite de prendre la chambre vacante. Seul problème, qu’il va vite réaliser, il est impossible de sortir de l’appartement une fois qu’on y est entré. Ter va alors chercher coûte que coûte un moyen de sortir, à la grande surprise de autres colocataires qui eux se sentent très bien enfermés ici… La narration de Koren Shadmi est exemplaire. Il maîtrise ses personnages avec une telle maîtrise qu’on se laisse très vite prendre à l’intrigue, au point d’être frustré de la fin de ce premier volume qui annonce une suite encore plus étrange et oppressante. Abaddon est une surprise de taille en ce début de printemps !
On attend ainsi avec impatience la suite du programme de sorties d’Ici-même, jeune maison d’éditions crée par Bérangère Orieux, qui a déjà œuvré durant 15 années chez Vertige Graphic et Tartamudo, publiant plusieurs albums de Dan Clowes, Joe Sacco, David Sim ou encore Gipi. Autant vous dire qu’on a hâte de lire la suite !
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