Ils n’ont pas d’actualité majeure – mis à part une tournée mondiale, excusez du peu – et leur dernier album (« Strange Moosic ») est sorti il y a plus d’un an. Alors pourquoi en parler? Foutue époque où l’on se force à blablater sur une grosse majorité de nouveautés convenues, ennuyeuses et sans intérêt… Cette redécouverte est en quelque sorte la lueur d’espoir dans un avenir musical qui finira par se perdre, à trop vouloir se chercher. Vous l’aurez compris, Herman Düne sonne (toujours) comme les bons vieux disques à papa. Herman Düne, ou l’art de faire des réponses courtes à des questions longues. Efficace, on vous a dit. Interview rétroactif.
Savez-vous que depuis votre album « Switzerland héritage » en 2001, vous bénéficiez d’un crédit illimité ici en Suisse? Alors imaginez : vivre en Suisse avec un crédit illimité, c’est plutôt tentant en ces temps de crise, non ?
Yaya: Ha! La Suisse me plaît bien, c’est vrai. J’ai déjà passé un peu de temps à Genève, j’aime beaucoup.
Neman: On a pris beaucoup de plaisir à jouer deux fois au Montreux Jazz Festival, surtout quand on sait tous les noms qui ont été à l’affiche! La dernière fois, on a vu un concert extraordinaire de John Fogerty du Creedance Clearwater Revival, sa voix n’avait pas changé et il jouait toujours aussi bien de la guitare. Impressionnant.
Herman Düne, on vous associe généralement au mouvement anti-folk. Où en est-il ce mouvement, en 2012, selon vous?
Yaya : Je viens justement de passer quelques heures avec mon amie Kimya Dawson, une des pionnières de la scène AFNY (AntiFolkNewYork). La scène se porte bien il me semble. Elle était pleine d’énergie, c’était inspirant.
Neman: Chacun a un peu fait son petit bonhomme de chemin, mais continue à écrire de magnifiques chansons, que ce soient Kimya Dawson, Jeff&Jack Lewis, Adam Green, Turner Cody. Et je vous conseille vivement le nouveau disque de James Levy!
On dit souvent que ce n’est pas la musique qui est étrange, mais ceux qui la font. Mais dites-moi, qu’en est-il de la « moosic »? Votre « moosic »?
Yaya : Personnellement, je n’ai jamais entendu cette phrase, mais c’est intéressant d’y réfléchir. Notre musique nous ressemble, il me semble, et je pense que si nous sommes étranges, nos chansons le sont également.
Neman: Je pense que toute musique peut être étrange. Lorsqu’on écoute un disque pour la première fois, où un genre pour la première fois par exemple, tout va dépendre du point de vue et de la culture de l’auditeur. Par contre notre but n’est pas de faire de la musique étrange, ce qui, je trouve, passe trop souvent devant le reste aujourd’hui. On en oublie l’essentiel, qui est avant tout d’essayer d’écrire de bonnes chansons!
Je vais vous faire une confidence. Je n’ai pas voulu vous interviewer il y a un an, à la sortie de votre album. J’ai souhaité le laisser vivre afin de me conforter dans l’idée que « Strange Moosic » fait partie d’une noble catégorie, celle des grands disques. Mon verdict est sans appel: c’est un classique du Rock. Vous, sur scène, comment l’avez-vous vécu? Comment a-t-il été accueilli par le public sur une année de tournée?
Yaya : Merci, c’est sympa. J’aime beaucoup notre album et du coup, je ne me lasse pas de le relire sur scène. Le public, il me semble, l’apprécie bien aussi.
Ce qui est incroyable avec « Strange Moosic », c’est cette ambivalence émotionnelle qu’il véhicule. C’est vrai, si vous partez en vacances au soleil en l’écoutant, et bien vous êtes heureux, vous souriez. Une fois celles-ci terminées, vous revenez, vous réécoutez l’album et à ce moment-là il vous fait pleurer. Étrange, non? Il est plein de joie et de tristesse en même temps, avec un seul objectif, malgré lui(?): toucher en plein cœur.
Yaya : Oui, j’ai toujours aimé cette possibilité, dans la chanson, d’associer des sentiments plutôt tristes à la joie de jouer ensemble. C’est une partie du secret du Rock & Roll, je crois. Tant d’artistes ont construit des monuments sur cette ambivalence mélodique…
« Just like summer », « Tell me something i don’t know », « Magician »… Pour moi, Herman Düne n’avait jamais atteint ce niveau d’émotion. Vous l’avez ressenti lors de la mise en boîte?
Yaya : Nous avons été portés par ces chansons. J’ai voulu concentrer mon attention sur les mélodies, c’est un vecteur fort pour les émotions.
Neman : On essaye toujours de ressentir les chansons quand on les enregistre. Ce disque, comme tous les précédents, a été enregistré en live, même la voix, ce qui permet ainsi de ressentir l’émotion au moment où on l’a joué.
Autre point fort de l’album, c’est votre mascotte qui vole la vedette à John Hamm (alias Don Draper de la série Mad Men), le mec le plus sexy d’Hollywood, et qui se prend brillamment et étonnamment au jeu dans le clip de « Tell me something i don’t know ». Pourquoi lui? Ni lui ni son imposante Chevrolet n’ont été choisis par hasard, rassurez-moi…
Yaya: Jon Hamm, en plus d’être excellent acteur, était très agréable et rigolo. Le clip, que j’ai écrit pour une réalisation de notre ami Toben Seymour, était vraiment une super expérience pour nous. Je trouve qu’il va à notre album comme un gant…
Neman: On a eu beaucoup de chance d’avoir John Hamm et qu’il accepte de faire ce clip, ce qui est rare pour un acteur de cette envergure. C’était un coup de poker et ça a marché. Il était d’accord de nous rejoindre pendant le festival de SXSW à Austin où l’on jouait, pour ensuite venir s’adonner aux joies du tournage de ce clip. Son quotidien, finalement.
La Chevrolet, c’était pour le mange-disque embarqué ( soit l’anti-mp3 et l’anti-route bosselée)?
Neman: (rires) C’est sûr que rien ne peut remplacer le plaisir d’écouter ou d’acheter des vinyles, activité non négligeable pour Yaya et moi; mais comme on voyage beaucoup, on écoute aussi de la musique en mp3. C’est difficile de ne pas admettre qu’il est quand même pratique d’avoir sa discothèque dans un objet que l’on peut mettre dans sa poche.
Et puis, faire ça aux Etats-Unis, où tout semble plus grand, plus extravagant… Imaginez le même clip avec des symboles franco-français: une Citroën 2CV et un acteur populaire comme Jean Dujardin. Remarquez, ça aurait de la gueule, non?
Yaya: Bonne idée! Je peux la garder pour le prochain? (rires)
Votre musique est à l’image de certains de vos modèles, j’imagine les Beatles, le post-Beatles de Macca, Dylan… elle ne lasse pas, elle laisse un sentiment de paraître toujours nouvelle. C’est un peu comme la classe naturelle chez une personne, une chose que tout le monde envie et qui fait durer le plaisir…
Yaya: Macca, John Lennon, Bob Dylan sont mes héros. J’aime leur vision, leur intégrité, et plus que tout leurs chansons.
Paul Mccartney déclarait (en 66): « écrire des chansons, c’est un peu comme écrire un livre, un poème, une pièce. On a tendance à le remettre au lendemain jusqu’au moment où cela doit être vraiment fini ». Avec le nombre considérable de disques à votre actif en l’espace de 10-12 ans, c’est tous les jours le lendemain chez Herman Düne!
Yaya: Être plus prolifique que Paul, ce n’est pas possible, mais je tente de travailler mon art tous les jours. C’est la seule chose à faire, à mon avis, si l’on veut progresser.
Propos recueillis par Gyslain Lancement
Herman Düne en clip: « Tell me something i don’t know »
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