Lauréat du Fauve d’Or du meilleur album au Festival d’Angoulême 2009, Pinocchio de Winschluss est un véritable ovni ! Relecture personnel et très libre du classique de Collodi, ce bloc de 200 pages nous entraîne dans les confins du misanthropisme et de l’obscurité inhérente à la condition humaine. Pour cela, Winschluss choisit donc un personnage innocent, sensible et curieux, qui va parcourir notre monde avec les meilleurs intentions. Mais malheureusement pour lui, notre monde, lui, n’a pas les meilleurs intentions envers Pinocchio, bien au contraire. Trimballé de gauche à droite, il va expérimenter les pires facettes de l’humanité et ne va tenir longtemps sans devenir désèspèré et suicidaire. Morcelée, l’intrigue se penche tour à tour sur Pinocchio, mais aussi sur les personnages secondaires : Jiminy Cafard, glandeur arriviste qui perd tout en un jour, Geppeto, un ivrogne obsédé… j’en passe et des pires. Outre un scénario fascinant et quasi-hypnotique, Pinocchio se démarque surtout par son graphisme simplement hallucinant. Avec pas moins de sept ambiances différentes, Winschluss redéfinit sa mise en scène, son découpage, son trait et ses couleurs à chaque nouvelle situation et à chaque nouveau personnage. Du noir et blanc sec de Jiminy cafard, aux couleurs sales de la ville, en passant par le brouillon muet de fables étranges, on se laisse déstabiliser facilement par ses allers et venues graphiques de génie. Bien que pessimiste à souhait, le Pinocchio de Winschluss est néanmoins un tour de force narratif et graphique sans précédent, qui invente ses propres techniques, au lieu de coller gentillement au récit de base et aux attentes d’une industrie trop souvent figée.
Laisser un commentaire