Autrefois paisible bourgade entourée de lacs, Interlaken est un véritable décor de carte postale. Au temps jadis résonnaient les cloches, le jodel, la tranquillité pacifique de ceux qui ont la chance de vivre dans ce creux naturel et sans histoires. Hier soir, et comme chaque année depuis 2005, cette passivité légendaire fut mise à mal. Durant trois jours, posé sur les ruines d’un ancien aéroport militaire, une quarantaine de groupe va faire passer sa rage par les cordes vocales, partagée sur deux scènes, avec un programme qui commence à l’heure où les estomacs gargouillent. Les toiles de tente, leurs sardines et leur huile de coude, les métalleux, leur rangers aux pieds et leurs cheveux gras: oui, en ce premier soir à l’ambiance décoiffée et au rythme brutale, un stand de shampooing aurait fait fureur.
Hasard du calendrier? Contraintes et impératifs des tournées? Ce jeudi 9 Juin, premier jour du festival, concentrait le gros des têtes d’affiche. Valait mieux être présent. Tout commence avec les groupes de « l’après-midi ». Sélection naturelle, on a tous le droit à une place au soleil. Ou pas. Le climat Bernois ne voulait rien savoir. Entre deux gouttes, sous un léger crachin qu’on aurait dit importé du Hellfest breton (poids lourd des festivals européens à enclume), le début de journée balança entre Punk (Madsen) Emo (After the Burial) et Boucherie (Adept), histoire de préparer le terrain. Le découpage de la bête se poursuit et c’est Anti Flag qui se lance, dans un show assagi, le groupe semble avoir perdu ses envies révolutionnaires (l’effet Major?), même si, au final et grâce à un show rôdé et sans heurts, on les surnommera encore « punk-rocker ». C’est au tour des Gaslight Athem d’entrer sur scène. Le groupe du New Jersey, adoubé par Bruce Springsteen, est de moins en moins anonyme, et à juste titre. Avec un concert court mais intense, l’heure qu’il nous on fait passer nous a rappelé l’énergie du Boss période 70’s. Un poil plus rock que la jeunesse de leur mentor, nos quatre tatoués seront à nouveau les bienvenus en terre festivalière, à coup sûr. Quand Flogging Molly se pointe et apporte sa folie irlandaise au Greenfield, c’est toujours un succès. Le chouchou celtique des germaniques est l’assurance d’une grosse ambiance et d’un public qui ne foule plus terre 1h15 durant.
Déjà 21h, l’évènement. Six longues années après le dernier album et des escapades solo, les System of a down osent un retour sur scène. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont bien fait. La prestation de hier leur a donné raison. La bande à Serj Tankian, cachée derrière un rideau blanc, porté par des pulsations de batterie démoniaques, a d’emblée attaqué avec du lourd, comme toujours. Au bon souvenir de ceux qui avaient oublié l’importance de SOAD au cours de la dernière décennie, le groupe, bien réglé et sans gêne, nous l’a fait à l’américaine. Accros au chant du vice, même si la houblonnerie était la reine du bal, System of a down a tenu son rang de cocaïne musicale. Les premiers abus se font sentir, et pourtant, la soirée n’est pas prête de se finir. Les Foo Fighters, un tiers de Nirvana en personne, pour une seule et unique date en Suisse. Autant dire que privilégier la défonce à cet évènement s’avèrerai regrettable pour pas mal d’années. Les milliardaires du rock se font rare (trop?) en Europe. Méga-stars aux USA, quelques mois après le très réussi « Wasting light », dans un esprit et une unité exemplaires, les Foo Fighters ont mis le feu. Dave Grohl et ses acolytes ont montré en deux heures généreuses ce qu’un groupe de rock doit faire pour être respecté: deux guitares puissantes, une basse survoltée, une batterie du tonnerre, un chant qui broie tout ce qui passe et un répertoire de classiques grunge-rock à faire gronder le ciel. Que nenni et sans pluie, les cieux n’ont plus bronché.
Aux derniers sceptiques, le Greenfield et ses 25 ooo spectateurs disent oui à l’euthanasie par décibels, ce soir, on était tous consentants.
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