Chaque lundi, aux alentours de 16h30, votre humble serviteur Florian De La Fnac chronique un manga de son goût: une découverte, un classique ou une curiosité.
Cette semaine : Fraction de Shintaro Kago, chez Imho.
Le manga d’horreur est un genre peu connu dans nos contrées, mais qui fait partie intégrante de la culture dessinée japonaise. Appartenant au style ero-guro, comprendre « érotique-gore », Shintaro Kago est une figure emblématique de l’horreur dans son pays, plusieurs expositions lui étant déjà été consacrées. Ici, on ne le connait que pour Carnets de massacre, un manga extrême passé un peu inaperçu. Mais avec Fraction, on découvre une facette plus aboutie de cet auteur et apparemment les francophones apprécient, car la presse culturelle (Inrocks, Mad Movies, Télérama…) parle de plus en plus de lui.
Fraction se compose de deux parties. La première est une histoire complète de 130 pages qui propose une mise en abîme inédite et passionnante sur la manipulation narrative. On y suit tout d’abord l’histoire d’un serial-killer, « le tronçonneur », qui, guidé par l’âme de son frère tue méthodiquement une jeune fille par mois. Puis, en parallèle, c’est Shintaro Kago lui-même qui devient le personnage principal. Il est chargé par son éditrice de réaliser un manga sur ce même serial-killer, qui sévit toujours. Seulement, il veut le faire à sa façon ! Utilisant plusieurs procédés de manipulation narrative, il va nous prendre directement à partie et nous exposer le pouvoir que peuvent avoir les cadres, les gouttières, l’immobilité des images et les bulles. Puis, petit à petit, les deux histoires se mêlent et les astuces du mangaka intègrent le récit de manière insoupçonnée. On ne sait plus quoi ou qui croire. On arrive plus à distinguer ce qui est réel, de ce qui ne l’est pas. L’approche analytique de ce récit est fascinante, car on se laisse complètement guider par l’auteur, qui joue avec nos habitudes de lecture et nos attentes programmées, sans pour autant trop nous frustrer.
La seconde partie de Fraction se compose, elle, de quatre histoires courtes à l’horreur insoutenable (et je pèse mes mots) et aux histoires absurdes. C’est la preuve que Kago ne se met aucune limite et invente des situations impossibles et impensables. L’horreur y est extrême. Aucun manga n’est arrivé à ce niveau de gore jusqu’à maintenant. Il est souvent difficile de laisser ses yeux sur la page ! Mais, quoi qu’il en soit, l’intelligence des histoires et des techniques narratives de Kago utilisent font de Fraction une curiosité certes malsaine, mais extrêmement fascinante et addictive.
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