Cette année niveau programmation, les alémaniques ont fait fort. Et ça commence à devenir une habitude. Pas que l’on soit jaloux en Romandie, mais juste un peu envieux. Le Gurten 2011 raflait tous les styles: Jamiroquai, Kasabian, Kaiser chiefs, Brandon Flowers (ex-Killers), 2 many DJ’s, Eels, The Streets, The Vaccines, Trentemoller… En cet automnale dimanche 17 Juillet 2011 (pluie froide accompagnée de vent), surplomber la capitale helvétique au rythme de pointures comme The National, Beady Eye ou les Arctic Monkeys valait bien de se passer du trajet en funiculaire au bord de l’asphyxie. C’est parti pour une montée au pas de course: 1 (petit) kilomètre de montée à environ 10% de dénivelé… en calories ça donne combien? Le show a intérêt d’être bon. Le seul regret est d’assister à des concerts en pleine après-midi, à l’heure où l’ambiance est plus propice à la digestion des hectolitres ingurgités l’avant-veille par une bonne partie de l’assistance. Passé la déception et la contrainte horaire, on ne va finalement pas remettre en cause tout le système Gurten: trois têtes d’affiche bouclées avant le coucher du soleil. Tant pis, la cause du rock(tambule) ne semble plus vouloir déplacer des montagnes jusqu’à point d’heure.
Sous un déluge décourageant, abattant, accablant, consternant – il est 15 heures – le leader de The National, Matt Berninger, lance à une armée de cirés jaunes grelotants que ce temps »is just perfect ». On connaissait le côté déprimant et raccord pour l’occase de la musique des cinq new-yorkais, sorte de spleen-rock divin, et du coup le groupe n’a pas paru blasé un seul instant. Pro, net et sans bavure. Juste des trombes d’eau. Passés dans le seul et étroit Pully Festival en 2010, The National est devenu en un an l’attraction des festivités 2011 dans toute l’Europe. Sans doute à l’apogée de sa carrière après le très envoûtant « High Violet » (2010), le quintette a tout du groupe à la mode abordable et sympathique. A moins d’une grossière erreur de parcours, il resteront à coup sûr et à tout jamais dans une dimension intimiste taillée pour ce genre d’évènement. Peu de chance de les voir un jour faire Mu-Muse ou toutou-U2 dans des stades, avec des feux d’artifices et des places hors de prix.
Le soleil hésite encore à transpercer ce stratocumulus qui nous arrose quand arrive l’heure de Beady Eye: là, tout semble se calmer. Même si la formation des ex-Oasis (sans Noël Gallagher) ressemble plus que tout à une croisade contre le Rock british perdu, la sale tronche et la gouaille banlieusarde du frangin terrible des Gallagher suffisent à notre bonheur. Aveuglé par de gros clins d’oeil à Lennon et au Beatles, le projet a le mérite d’éviter les embuches. Vingt ans de métier, ça se ressent. Plus à l’aise sans son frère, poli et courtois envers un public très conséquent – au moins un « cheers » et un « thank you » après chaque chanson – Liam s’est montré sûr de lui, lancé dans une promo du tonnerre, à l’expérience, avec arrogance, mais sincère et classe. Retomber du piédestal d’Oasis dans un underground vivifiant a eu du bon. Une heure de concert, environ l’album complet de Beady Eye, un show ni trop court ni trop long et qui nous a peut-être fait découvrir la face trop longtemps cachée d’Oasis. Une fois la reprise très rock de « Sons of the stage » achevée, Liam sortit par le devant de la scène en se jetant quasiment dans les bras de ses fans. Respect absolu.
Entre deux soundcheck, il est juste important de s’attarder quelques lignes sur la prestation d’Aloe Blacc sous le chapiteau secondaire et … à l’abris. En ce moment (et bien aidé par le revival vintage), le showman à paillettes est partout. Hier soir au Gurten, il s’est certes donné brillamment et physiquement, mais il s’appuie trop sur des codes et des acquis qui ne lui appartiennent pas. La soul est un art. Faire durer deux singles très moyens – au point que le public se met à bavarder – danser, bouger, transpirer… c’est bien mais ça devient pénible et dispensable, surtout si c’est pour finir dans un brouhaha géant. On n’a rien envie de retenir de ce concert convenu.
La lourde tâche de clôturer en beauté revenait au groupe actuel au plus gros potentiel: les Arctic Monkeys. Tout juste après la sortie de leur quatrième album (« Suck it and see), les quatre anglais sont partis à l’assaut des festivals. On a vraiment l’impression que le groupe vit à cent à l’heure et qu’il n’arrête pas de tourner. Apparemment contents d’être là – le batteur/second moteur du groupe/et sûrement un des membres qui a le plus progressé arborait fièrement un T-shirt à l’effigie du festival hôte – les Arctic Monkeys ont vite déchanté. Malgré une présence et une exigence impressionnantes de la part du chanteur Alex Turner (bien coaché par son producteur Josh Homme des QOTSA), le show fut pollué par des étourderies techniques, cassant ainsi toute la dynamique du spectacle. Quittant une première fois la scène sur un gros ras-le-bol, les Arctic revenaient pour finir le contrat mais on sentait bien que la déception les avaient définitivement déstabilisé. Et pourtant, les Arctic Monkeys ne sont plus des gamins, Alex Turner, le nez collé au micro, a tenté de bien faire son travail et on ne peut lui reprocher d’avoir avorté le show. Un final raté, l’organisation a sans doute manqué de sérieux et de classe au moment d’accueillir le groupe grandissant du moment. On a laissé des anglais brouillés et contrariés, manquant d’aplomb pour sortir complètement la tête haute. Alors, lunatiques les Arctic?
C’est ainsi que se terminait le Gurten Festival, un léger mauvais goût dans la bouche mais bizarrement, les nuages avaient disparus du paysage. Merci et à l’année prochaine.
(Source photo www.gurtenfestival.ch)
Laisser un commentaire