Mel Gibson revient en force avec son nouvel opus «Tu ne tueras point». Et il bouleverse. Retourne les tripes. Te laisse pataud plusieurs heures après, tant ton cerveau n’arrive toujours pas à canaliser les innombrables images de violence que tu viens d’encaisser.
Mel Gibson c’est un peu comme votre oncle bourré au repas de famille interminable du dimanche, on l’aime bien mais il agace. Il agace par sa vision souvent avant-gardiste, par ses discours qui vous plantent une échine dans le cœur tant ils transparaissent de véracité. En gros on aimerait le détester mais on n’y arrive pas.
Certes, on lui a souvent reproché un patriotisme et une foi dégoulinante dans plusieurs de ses réalisations et spécialement pour « Tu ne tueras point », l’histoire étant un parfait mélange de ces préceptes. Un jeune américain clamant avec un bon accent campagnard qu’il veut se battre pour son pays mais qu’il n’infligera de mal ni à une poule ni à un japonais car Dieu lui susurre dans l’oreille que non, tuer c’est mal. Oui je vous l’accorde, ça sent un peu les fonds de tiroirs et les clichés à dix kilomètres. Et pourtant ça fonctionne. Ça fonctionne du tonnerre tant il a habilement réussi à jongler entre ces deux sujets plus que sensibles sans qu’on se sente martelé de messages subliminaux du genre «Allez vous repentir mes enfants» ou «L’Amérique c’est la plus forte d’abord» et qu’on en sort avec un arrière goût de morale archaïque en bouche.
Une des raisons de ce succès est le jeu d’acteur absolument rafraîchissant et innovant d’Andrew Garfield. Il porte à lui seul l’interprétation de ce personnage simple, touchant et qui va pourtant sauver la vie de plus de 75 soldats uniquement à la force de ses biscottos (et de Dieu un peu quand même). Une histoire aussi exceptionnelle que vraie qui va réussir habilement à tempérer le climat impitoyable d’une guerre face à l’humanité et la foi d’un simple fils de menuisier.
L’autre réussite de ce film est son découpage en trois parties distinctes qui rythment l’histoire et prépare doucement le spectateur à recevoir des litres d’hémoglobine dans la rétine. La première nous emmène dans les douces contrées de Virginie où le décor et l’essence même du personnage sont implantés. Ça sent bon le champ de maïs sur fond de paternel alcoolique à la main lourde. Puis dans la deuxième partie, nous avons droit à un petit remake à la «Full Metal Jacket» où notre ami Desmond se fait malmener à l’armée car il refuse de porter une arme. Avouons-le, c’est un peu embêtant pour partir en guerre. Forcément, ça titille méchamment les sergents et les soldats qui vont lui faire vivre un réel enfer. Cette escalade de violence est sciemment pensée afin préparer le public à la troisième et dernière partie, avalanche de scènes pouvant réellement choquer les plus jeunes.
Jambes qui volent. Intestins sur le sol. C’est dans cette danse macabre que l’histoire atteint son paroxysme. La foi parmi le sang. L’espoir flottant dans l’enfer. Une beauté funèbre qui vous transperce au rythme des balles des ennemis. Un chef d’œuvre.
«Tu ne tueras point» n’est pas un film à regarder au saut du lit un dimanche matin avec les traces de coussins imprimés sur la joue. Il interpelle, il fait mal, il questionne. Il ne vous laisse pas tranquille plusieurs jours après. Mais finalement, n’est-ce pas ce qu’on attend tous d’un bon film ?
5 Comments
Très bon album et jolie chronique. C’est simplement dommage de passer sous silence la sortie du livre « Les Vies liées de Lavilliers » chez Flammarion, un livre étonnant, formidable, sur Lavilliers. Sa vie, son œuvres et ses arrangements avec sa légende. Du palpitant, du prenant à toutes les pages. Très bien écrit qui plus est, mais dont la presse fait grand silence. Pourquoi ? C’est vraiment dommage.
Effectivement, le livre est bien fait, à nous disquaires et vendeurs d’alourdir (en bien) le panier moyen des affamés de (bonne) culture en conseillant ces pages retraçant le parcours de l’ami stéphanois. Merci du compliment et au plaisir cher Michel.
Décidément Ghyslain tu frappes très régulièrement juste et bien avec tes articles. Bien sûr, comment ne pas parler de Bernard Lavilliers, l’un des capitaines de la Chanson Française. Qui navigue comme tu le dis si bien « à la frontière musicale de la richesse du métissage et d’un monde sans barrière. » J’ajouterai à ta playlist le titre « Sourire en coin » pour la qualité du texte. Et l’impression d’endendre la musique d’un roman de Sepulveda. RDV à ta prochaine chronique.
Merci Boris, je suis très touché et aussi rassuré qu’il y ait des fans de Lavilliers même à la centrale
Gyslain,
Je ne suis pas fan de Lavilliers, mais cet article est l’un des plus beau que tu n’aies écrit.
C’est limite de la poésie… merci donc, et Bravo! 🙂