Comme tous les gosses des années 90, Orelsan a grandi dans la dernière bonne tranche générationnelle. Tout comme le cordonnier du coin est devenu un Foot Locker ou le p’tit dèj’ est devenu un Mac Morning, le rap français s’américanise. Orelsan, rappeur de 29 ans, a fait la différence tout seul, à contre-courant du bling-bling et en parlant de hip-hop comme on parle de Reebok Pump. Interview sur coussins d’air.
Orelsan, si tu devais décrire rapidement la Suisse, la manière dont tu la perçois, tu dirais quoi? Tu as le droit de me dire vache, fromage et chocolat…
(rires) Bon, moi la seule chose que je connais vraiment de la Suisse c’est Lausanne. J’y avais fait un concert lors de ma précédente tournée et j’avais trouvé le public super, assez respectueux. J’avais bien aimé me balader dans la ville, les gens étaient « peace ». En plus, j’ai de lointaines origines suisses, de par mes grands-parents.
Ta tournée commence en Suisse d’ailleurs. A Lausanne en Décembre?
Ouais! Et je suis trop pressé d’inaugurer tout ça au D! Club.
Dans ton nouvel album, tu fais référence à Ulysse avec le titre « Le chant des sirènes ». Personnellement Orelsan, quelles ont été les sirènes qui t’ont le plus tenté après le succès de ton premier disque (« Perdu d’avance » en 2009)?
C’est plein de choses. Le fait de changer de vie, de gagner pas mal d’argent, le fait d’entrer dans le cercle du showbizz. Après, c’est aussi les drogues du quotidien, au sens large, les filles, ça peut aussi être le fait de parler de soi tout le temps, ça représente beaucoup de danger. Mais tout ça est quelque chose dont je suis assez fier, un truc entre la fierté et la prétention, voir l’inaccessible. Alors ça m’est arrivé à moi dans le milieu de la musique mais ça peut arriver à plein de gens tous les jours, dans le monde du travail par exemple, quand on voit les « traders » qui peuvent ramasser 100 000$ en une heure.
Sur « Le chant des sirènes », tu fais peu de featurings, par rapport aux autres rappeurs français qui en font beaucoup, voir trop. Pour quelles raisons? Atteindre une certaine maturité?
Ouais c’est exactement ça. Le temps que l’on comprenne bien mon truc, le fait de ne pas me mélanger permet de bien comprendre mon image et qui je suis. Avec mes deux premiers albums, je pense avoir posé les bases, le public a vu qui j’étais, et je vais pouvoir en sortir un peu. Et puis j’aime être seul dans un premier temps, c’est plus ma façon de travailler. Je met beaucoup de temps à faire un morceau en général et je reviens beaucoup sur mes titres. Et puis je me dis aussi qu’il me reste toute ma carrière pour faire des featurings, donc j’ai le temps.
Quand on voit l’ampleur et le côté dérangeant qu’a pris le rap depuis un certain nombre d’années, ainsi que les causes revendiquées dans les textes, est-ce qu’à ton avis, on peut qualifier ce mouvement comme le Punk du 21ème siècle?
Oui et non. Je ne m’y connais pas trop, mais il ne me semble pas qu’il y ait autant de mouvement différents dans le Punk que dans le Rap. Nous on est peut-être un peu moins anarchistes. Après c’est vrai qu’il y a des similitudes dans le fait que c’est une musique critiquée qui parle avant tout aux jeunes qui la vive et qui en vivent. Mais je trouve que le Punk est un peu plus bordélique que le rap.
Dans ton album, tu rends hommage à une chose très importante pour le rap: les années 90. Si tu devais me citer trois symboles de ces années-là, pour toi, ce serait quoi?
Trois symboles? (rires). Alors « Retour vers le futur 2 » même si il dates des 80’s mais je l’ai vraiment apprécié à l’adolescence, le rappeur Notorious Big et une fringue… (il réfléchit)… les gros Baggys d’une marque qui n’existe quasi plus: DDP.
Si je te dis: Nike Air Max ou Reebok Pump?
Je crois que j’aime mieux les Pump. Même si ce sont des chaussures qui me vont très mal…
Mais à qui est-ce que ça va bien les Pump à part aux basketteurs?
(rires). C’est clair! Surtout que j’ai des grands pieds, je chausse du 44-45! Du coup avec des Pump, j’ai l’impression d’être sur la lune! Mais j’aime trop la forme de la chaussure, son concept… C’est marrant en fait…
Si je te dis: Dragon Ball Z ou les Chevaliers du Zodiaque?
(Il réfléchit) Ce sont des trucs dont je pourrais te parler toute la soirée, avec tableau comparatif et tout! (rires). Mais s’il faut trancher je dirais les Chevaliers du Zodiaque.
Et si je te dis: l’OM de Tapie ou le PSG de George Weah?
Je préférais l’OM de Tapie. A un moment donné ils ont quand même gagné une coupe d’Europe avec des joueurs que j’aimais bien: Chris Waddle, Jean-Pierre Papin, Basile Boli… Je les ai vu jouer souvent contre Caen et ça m’a marqué.
Tu parlais de Notorious Big. Ce mec a énormément influencé le rap US et aujourd’hui aux States il y a pas mal de mecs qui montres des grosses caisses et des gros nichons dans leurs clips, mais on a l’impression que ça ne reflète pas trop la vie des gens et que la plupart sont de gros mythos…
(il coupe) Tu sais aux Etats-Unis ce n’est pas pareil. Là-bas, les gens aiment ça, ils n’ont pas forcément envie que la musique reflète leur vie…
Contrairement au Blues, donc…
Tout à fait. Les USA de maintenant sont basés sur l’argent, le crédit, et même quelqu’un qui n’a pas d’oseille va aller claquer ce qu’il n’a pas dans un streap-club. Là-bas, les rappeurs sont vraiment des « entertainers ». Personnellement j’aime bien écouter ce style de rap à l’opposé de moi-même, ça me divertis. Des artistes comme Rick Ross, j’adore.
Ce style là arrive de plus en plus en France non?
Oui oui. Mais même si des fois un rappeur français fait un titre bling-bling, ça ne reflète pas forcément son album.
Sur un titre comme « Mauvaise idée », tu n’hésites pas à mêler du sérieux et du drôle, un peu à la Eminem. C’est un artiste que tu as beaucoup écouté?
Oui au début. J’ai écouté ses deux premiers albums en boucle. Aujourd’hui j’aime un peu moins même si j’achète toujours ses albums. Des artistes décalés il y en a beaucoup de nos jours aux Etats-unis, Eminem a ouvert la brèche et reste l’un des meilleurs.
Dans « Suicide Social », tu poses un constat, tu montres à quel point les gens ne se parlent pas et forcément, ne se comprennent pas. Pour ce problème majeur de nos sociétés, en France comme en Suisse, il n’y a pas vraiment de solution? Qu’en penses-tu?
Bien sûr il y aurait des solutions mais ce serait revenir à des choses basiques que les gens ont oublié. Ma vrai pensée à moi, c’est qu’il faut être tolérant et ouvert, ne pas rester sur des clichés. C’est peut-être con à dire mais c’est ça la solution. Il faut que les gens s’ouvrent un peu et discutent entre eux. Mais c’est très difficile à mettre en place, c’est des paroles de hippies que je suis entrain de te dire là! (rires). Si j’étais dans la politique et que j’avais la solution entre les mains, crois-moi, je serais heureux de la donner à tout le monde.
Justement, tu introduis la politique. Je vais te poser quatre questions auxquelles tu vas me répondre par « Bonne » ou « Mauvaise » idée.
Tu sais que les politiciens français piochent un peu dans le répertoire musical pour donner un son à leurs campagnes. Si par exemple, Marine Le Pen utilisais ton titre « Sale pute » pour ses meetings, bonne ou mauvaise idée?
(rires) Mauvaise idée…
Le fiston Sarkozy qui te proposerait de produire ton prochain disque, bonne ou mauvaise idée?
(rires) Mauvaise idée…
Raël candidat en 2012, bonne ou mauvaise idée?
Bonne idée, on pourrait bien rigoler! Ca serait la meilleure blague de l’année je crois! Je regarderais la télé non-stop, il me fait trop marrer ce Raël.
A six mois des élections, t’aurais envie de dire quoi aux jeunes qui ne votent pas? Bonne ou mauvaise idée?
Mauvaise idée. Il n’y a rien pour défendre ça. Après, je comprends que personne ne donne envie aux citoyens d’aller aux urnes. Mais il ne faut pas passer à côté de cette chance que l’on a de voter, c’est trop important.
Propos recueillis par Gyslain Lancement.
Orelsan, « Le chant des sirènes » (Distribution Disques Office)
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