Le Disquaire Day qui a eu lieu samedi 21 avril passé est l’occasion pour les disquaires indépendants de marquer le coup (voir ici l’article de Gyslain ).
Les firmes discographiques publiant pour l’évènement des éditions limitées de certains disques.
Les parutions qui en ont découlé à cette période (Lp’s des Cure en couleur, Lee Hazlewood, 45 tours des Sex Pistols et de James Brown, etc) me donnent l’occasion de vous parler des Kinks, troisième groupe anglais dans le panthéon 60’s après les Beatles et les Rolling Stones (d’accord, 4ème si on tient compte des Who).
A la différence des universels Beatles (chers aussi à mon cœur), Les Kinks sont la quintessence du groupe typiquement british, on va y venir, mais d’abord un peu d’histoire.
En février 1964 retentissent sur les transistors les accords rageurs et saturés du premier tube des Kinks: « You really got me », ce style de morceaux pop construits autour de « riffs* » des guitares est totalement inédit à l’époque (bien sur, il emprunte au blues, mais le rajout du son distordu et percutant de guitare à la Link Wray est tout à fait nouveau).
Sans le savoir, les Kinks ont jeté les prémices de ce qui va s’appeler plus tard le hard rock et que Cream, Blue Cheer et Black Sabbath reprendront à leur compte en alourdissant la recette.
Dans un premier temps les Kinks seront avec Les Pretty Things et Les Rolling Stones l’influence majeure outre-Atlantique du rock garage US (Sonics, Seeds, Music Machine).
Le compositeur des Kinks, Ray Davies, va exploiter la recette à l’infini (« I need you »/ « all of the Day and all of the Night »), mais petit à petit le style du groupe va évoluer vers autre-chose. Ray Davies s’inspirant de la tradition du Vaudeville et du Music-Hall, et da la folk anglaise, va délaisser le rhythm and blues.
De plus son grand sens d’observation de ses contemporains va faire des merveilles, dans des chroniques sociales miniatures que sont les chansons telles que « Waterloo Sunset » « Dead End Street » et « Autumn Almanach ».
L’interdiction de tourner aux USA qui frappe le groupe de 65 à 69, va conforter Ray Davies dans sa volonté d’aller toujours plus vers ce qui est l’essence de l’âme anglaise dans ses chansons.
1966 « FACE TO FACE », PALETTE PLUS LARGE ET LE DEBUT DE LA MATURITE:
A ce stade les très prolifiques Kinks pressés comme des citrons qu’ils sont (pratique courante à l’époque) par la maison de disques Pye ont déjà publié 3 albums: « Kinks »/ »Kinda Kinks »/ « Kontroversy » en moins de deux ans et toute un flopée de 45 tours en parallèle.
A l’image chamarrée de sa pochette, « Face to Face » multiplie les ambiances et textures musicales, drone indien de « Fancy », ballade folk « Dandy », dépaysement à Hawaï avec « Holiday in Waikiki », atmosphérique avec « Rainy Day in June », soleil tapant de « Sunday Afternoon ».
Par ailleurs le clavecin et sa touche baroque traverse l’album (« Rosie wont you come home », « Too much in my mind » et l’intro de « Session Man »).
Ray Davies est un fin observateur de la classe ouvrière « Dead End Street », autant que des aristos « Sunday Afternoon »/ « Most exclusive Residence for sale ». Avec « Session Man » il épingle les musiciens de studio (un certain Jimmy Page, peut-être?).
Le double lp vinyle (bleu) vous propose le mix mono et le mix stereo ainsi que de magnifiques notes de pochette.
L’édition cd Deluxe reprend le principe des mixes mono/stereo et complète le tableau avec les 3 45 tours parus en parallèle (soit 5 morceaux, notamment « Dead End Street » et « Mr. Pleasant ») + 2 inédits « Mr Reporter » et « Little Women », ainsi que des mix alternatifs.
1967 « SOMETHING ELSE BY THE KINKS » A CONTRE-COURANT:
Si « Face to Face » était un grand pas alors « Something(…) » marque encore plus le coup. D’une part il prend ses distances avec le psychédélisme qui domine le monde (« Sergent Pepper »), exception faite du morceau « Lazy old sun ».
La pochette austère aux teintes gris carton avec ses photos en médaillon, propose justement « autre chose ».
L’album voit aussi l’affirmation du petit frère Dave en tant que compositeur (« Dead of a Clown »).
Une ambiance nostalgique et sentimentale baigne tout le disque. L’incontournable institution britannique qu’est le thé est présentée avec « Afternoon Tea ». Dans « Two Sisters », Davies combine le souvenir de ses sœurs tout en parlant de sa relation compliquée avec son cadet Dave, faite de jalousie et de conflits. Les deux frères étant réputés pour en venir aux mains s’il le faut (Oui, la fratrie Gallagher n’a rien inventé).
Le double vinyle rouge comporte respectivement les 13 morceaux en mix mono et stereo. En dehors de la séparation marquée gauche/droite, L’intérêt réside dans le fait que certains instruments sont dosés autrement suivant les versions (c’est particulièrement notable sur « Lazy old sun »).
Les fins (fade) des morceaux peuvent elles aussi diffèrer sensiblement. Quand on pense qu’à l’époque le mixage final pouvait varier d’un pays à l’autre, les collectionneurs se régalent. Vous pourrez ainsi comparer les mix mono canadien et stereo allemand du morceau »Afternoon Tea ».
L’édition deluxe comporte les deux mix (mon/stereo), auxquels viennent s’ajouter les 45 tours et des alternate takes (prise différentes).
1968 « VILLAGE GREEN PRESERVATION SOCIETY » OU L’EVOCATION DU PARADIS PERDU:
C’est le manifeste de Ray Davies pour préserver un Royaume Uni qui n’a finalement jamais existé, sinon dans l’imaginaire de son auteur.
Dans lequel il pleure la disparition des traditions typiquement britanniques et des petits villages au parcs verdoyants.
La fin des locomotives à vapeur (« Last of the steam Powered Trains »), la banalisation de l’image dans le monde du spectacle (« People take pictures of each other »), la nostalgie de l’adolescence (« Do you remember Walter »). La jalousie du premier de classe (« David Watts »).
L’édition vinyle propose un double lp vert au motif marbré contenant les mixes mono et stereo.
Quand au cd il existe en triple à l’identique avec en plus le single « Days » et les mixes différents de la version 12 titres sortie et retirée du commerce, le troisième disque contenant des inédits, soit des sessions pour la BBC et des morceaux inachevés.
1969 « ARTHUR( OR THE DECLINE AND FALL OF THE BRITISH EMPIRE) » ALBUM CONCEPT :
Le concept « Arthur » devait à la base devenir un programme TV pour la chaine Granada. Malheureusement le project sera avorté. Reste un magnifique album, totalement occulté par le succès d’un autre « Opéra Rock » paru à la même période: le « Tommy » des Who.
Ray Davies va s’inspirer de son propre beau-frère pour créer le personnage d’Arthur, un jeune anglais qui décide d’émigrer en Australie (« Australia ») peu après la 2ème Guerre Mondiale.
Le disque parle de la fin de l’Empire britannique évoquée avec « Victoria », la résistance « Mr Churchill says », mais aussi les horreurs de la guerre avec l’antimilitariste « Some Mother’s Son ».
Il y aussi le côté abrutissant du travail »Brainwashed » et L’ennui de la vie dans les quartiers de villas (« Shangri- La »).
Le flot des chansons s’enchaine naturellement en un tout plaisant et assez cohérent.
L’édition vinyle blanc double propose des mix mono et le mix stereo 2011.
Le cd double « Deluxe » propose la même chose + les 45 tours et des sessions BBC.
L’HERITAGE DES KINKS:
l’influence des Kinks est énorme, comme évoquée sur la scène 60’s garage américaine.
Le hard rock, un groupe comme Van Halen a rendu hommage aux Kinks avec leur reprise de « You really got me » et plus tard « Where have the good times gone ».
Avec l’avènement du punk les Pretenders reprennent « I go to sleep »
La scène « brit-pop » doit aussi beaucoup aux Kinks notamment un groupe comme Blur ou plus tard les Libertines.
Riff*: motif rythmique et musical répété dans un morceau(« Seven Nation Army »/ »Smoke on the Water »).
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