Auteur discret et talentueux, Didier Comès est mort d’une pneumonie le 7 mars dernier. Peu connu du grand public, il a néanmoins marqué la bande dessinée par son trait définitif et son utilisation tranchée du noir et blanc. On se rapelle surtout de Silence, pour lequel il a remporté le prix du meilleur album à Angoulême en 1981, et de L’ombre du corbeau, deux albums empreints de poésie, de noirceur et de fantastique.
Né en 1942 en Belgique, en pleine Seconde Guerre Mondiale, Dieter Herman Comès s’est toujours retrouvé à mi-chemin entre la culture allemande (de son père) et la culture française (de sa mère). Il débute à seize ans comme dessinateur technique pour une fabriquant de machines-textile. Puis en 1969, il dessine des strips humoristiques pour le journal Le Soir. Mais son obsession pour la noirceur de l’humanité et la beauté qui paradoxalement s’y cache, s’exprime enfin dans Hergün l’errant, une histoire en deux parties qui lui vaudra la réputation d’héritier d’Hugo Pratt.
Sa carrière se lance alors véritablement dans (A suivre), le magazine de pré-publication de Casterman, qui publiera toutes ses histoires de 1976 à 1995, avant de les sortir en album complet. Iris, La belette, L’arbre-coeur, La maison où rêvent les arbres, Eva… autant de titres qui font désormais parti intégrante de l’Histoire de la bande dessinée. Il sortira encore Les larmes du tigre et enfin en 2006, Dix de Der, son ultime chef-d’oeuvre, énième variation sur le thème du soldat perdu et seul dans les ruines d’une guerre qu’il n’a jamais comprise. En 2012, trois de ses oeuvres majeures ont été reéditées par Casterman et une gigantesque exposition de 250 planches originales pris place au Musée des beaux-arts de Liège, avant d’être partiellement reprise au dernier Festival d’Angoulême. Il meurt un peu plus d’un mois après ce dernier hommage.
Comès restera comme un des auteurs les plus singuliers de la bande dessinée franco-belge. Ayant poussé au maximum l’approche du noir et blanc, tout en l’utilisant comme analogie pour ses récits, il créa un univers onirique d’une ambivalence rare. Toujours à jongler avec les parts sombre et claire de l’humanité, il avait une façon subtile et progressive d’aposer une ambiance flottante et hypnotisante à ses intrigues. Il avait réussi à saisir cette fine partie de chacun, qui nous fait douter ou réfléchir. Ses albums sont comme un voyage dans la psyché humaine, un voyage difficile pour notre âme, mais tellement comfortable et rassurant à la fois.
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