Voici une ouvelle rubrique hebdomadaire du Blog Fnac BD : Comic of the Week. Un comic chroniqué par semaine, pour mettre en valeur une culture souvent limitée au genre super-héros, mais qui peut offrir beaucoup plus. Et on commence avec une bombe atomique servi par le grand Garth Ennis.
Depuis le succès de Walking Dead, les traductions de comics de zombies se multiplient. Raise the Dead, Zombies, Wormwood, Marvel Zombies, Jésus-La terreur des zombies… tout les créneaux sont bon à prendre pour nos chers amis mort-vivants affamés. Fluide Glacial a même édité un guide de conversation zombie hilarant et pour le moins futé : Parlez-vous zombie ? C’est dans cette tendance que sort Crossed. Et même s’il n’est fondamentalement pas question de zombies, cette minisérie emprunte pourtant bien les codes du genre.
En effet, il s’agit ici d’un virus qui ne tuent pas, mais qui transforme les gens. Apparait alors une croix sur leur visage (d’où le titre) qui réveille en eux leurs plus sombres et profonds instincts. Leur vie n’est alors dictée que par la violence et la mort sous toute forme qu’elles soient : étripage, sodomie, décapitation, inceste, etc. Ces pratiques sont leurs raisons de vivre et ils en tirent un plaisir extrême, qui leur devient alors plus que vital. Au milieu de tout ça, il y a bien sûr un groupe de survivants, qui va tout mettre en œuvre pour rejoindre l’Alaska, où les crossed n’ont, semble-t-il, pas mis le pied. Et c’est là que Crossed rejoint le zombie-flick.
Mais loin d’être une redite intoxicante de règles remâchées, Crossed va plus loin et résume à lui tout seul le genre. Rien d’étonnant, lorsqu’on apprend que c’est Garth Ennis qui scénarise. Auteur génial de séries cultes, telles Preacher, Punisher, Hellblazer (et ta sœur !) et plus récemment de The boys, on reconnaît ici son style violent et sans concession, ainsi que ses personnages à l’humanité débordante, que ce soit pour le meilleur, comme pour le pire. Ils passent par tous les états, des plus incontrôlables (paranoïa, choc et panique) aux plus rationnels (protection, survie et organisation). Jonglant sans cesse entre ces deux extrêmes, ils vont faire avec ce qu’ils leur restent d’espoir et d’amour. Et c’est précisément là que Crossed se démarque des autres comics de zombies, Walking Dead en tête. Car là où Kirkman tourne autour du pot pendant 14 volumes, sans jamais réussir à mettre le doigt sur les émotions complexes qui font pourtant évoluer ses personnages, Ennis, lui, expose et nous fait partager ces mêmes émotions avec une justesse sidérante, et en seulement deux volumes. Evitant à tout prix de tomber dans le drame facile, il ponctue cette aventure par des rebondissements d’une violence inouïe (voir la scène gerbante où un couple se fait sauvagement violé, pendant que leur fille se fait démembrer), qui contre toute attente sont entièrement légitimes et même bienvenus dans la situation qu’il nous dépeint. Ces scènes renforcent encore plus les liens et les comportements parfois extrêmes des personnages (les deux leaders du groupe abattent à bout portant plusieurs enfants, car ceux-ci représentent une menace cannibale). Crossed nous raconte une histoire qui, malgré son concept quasi-inconcevable, est d’un réalisme et d’une justesse rarement atteints. C’est ce grand écart qui le rend d’ailleurs fascinant et aussi prenant. Sa brièveté y ajoute encore une couche d’immédiateté et de rythme qui, à l’instar des réactions des personnages, nous laisse une impression forte et difficilement digérable. Comme si on vous tirait une balle en pleine tête et que le bref instant précédant votre mort était juste assez long pour lire Crossed.
Crossed s’inscrit donc un genre bien défini, en nous en délivrant l’aventure ultime. Et si vous pensez que Walking Dead est le meilleur comics de zombie… et bien, vous avez tort !
Deux suites sont déjà parues aux Etats-Unis : Family Values et Psychopath, les deux écrits par David Lapham. Elles sortiront courant 2012 chez Milady Graphic.
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