C’est d’un métrage un peu particulier dont je vais vous parler aujourd’hui. En effet, c’est la première réalisation d’un célèbre et influent créateur de mode qui a fait les beaux jours de Gucci en se faisant connaître, j’ai nommée Tom Ford. Et qui, après s’être mis à son compte, a décidé de s’attaquer au 7ème art. Mais pas de n’importe quelle façon puisqu’il s’est mis en tête d’adapter un livre sorti en 1961 de Christopher Isherwood qui écrivait un temps exclusivement pour la communauté gay mais qui, de par sa sensibilité et ses propos universels et touchants, a rapidement dépassé ce cadre.
L’histoire nous propose de suivre, pendant une journée, un homme homosexuel qui, après avoir perdu son compagnon dans un accident de voiture, ne peut pas vivre son deuil ouvertement, ni aux yeux de la société ni à ceux de la famille de son feu-ami qui ne veulent absolument pas entendre parler de lui. C’est alors une existence sans saveur dans laquelle il continue d’avancer, n’étant plus que l’ombre de lui-même, un homme qui ne vit plus du tout pour sa personne mais pour cette société puritaine des années soixante qui vous dicte une ligne de conduite à adopter linéaire et cadrée, où bonheur et différence ne font pas forcément bon ménage.
Si l’exercice était périlleux et difficile à mettre en image, vu que le roman se base énormément sur les sentiments et le non palpable, il fallait un sacré bon acteur pour incarner le premier rôle, responsable de faire passer ces émotions de manière crédible.
Et c’est avec un plaisir non dissimulé que l’on découvre une réalisation sensible et touchante qui doit beaucoup à sa photographie et justement aussi à ses acteurs.
Mais parlons-en donc de ces fameux personnages qui incarnent si bien l’essence même du film. On retrouve Colin Firth qui a failli remporter l’Oscar cette année mais qui se l’est fait ravir par Jeff Bridges et son cœur fou (Crazy Heart). Il n’aura eu « que » le prix d’interprétation de La Mostra de Venise pour son travail exemplaire, juste et touchant au plus haut point. On parle parfois du rôle d’une vie et je pense effectivement que ce fut le cas pour l’acteur anglais (la bande annonce le dit aussi!). Il aurait, pour moi, amplement mérité sa petite statuette dorée, son poids en chocolat, ses pieds sur Hollywood Boulevard, un œuf Kinder avec une surprise magique à l’intérieur et une bonne tape sur l’épaule.
On retrouve aussi Julian Moore qui joue ici sa meilleure amie, elle aussi seule à mourir, se réfugiant dans l’alcool, sous son maquillage et dans l’extravagance, pour exister et faire comme si tout allait bien. Elle est, comme d’habitude, remarquable, même si assez peu à l’écran dans cette dernière réalisation.
Je voulais maintenant aborder le côté artistique du métrage qui a aussi une grande importance dans l’immersion de la vie du personnage pour ressentir l’évolution de ses pensées et de ses sentiments. On pouvait directement s’attendre à quelque chose de très beau et travaillé de la part d’un artisan de la mode pour qui les finitions sont la base d’une œuvre, du moins un besoin primaire.
Et du talent dans le visuel, il en a aussi beaucoup, Monsieur Ford. C’est effectivement un film à l’esthétique particulièrement soignée et stylée que nous découvrons là. Un moment envoûtant de nostalgie et d’amour au delà des frontières et des préjugés qui nous fait vivre au ralenti et nous permet d’apprécier les petites choses qui nous paraissent si anodines. Il nous rappelle que nos cinq sens sont là aussi pour s’arrêter sur des petits détails et pas seulement pour voir. Pour écouter la nature et la vie se dérouler et pas seulement entendre ce qu’on a à nous dire. Pour effleurer, caresser et palper les éléments et pas seulement les prendre et les lancer. Pour goûter les saveurs, les comparer et les reconnaître et pas seulement se nourrir. Et pour sentir les éléments qui nous entourent, de plus loin, de plus près, et pas seulement respirer. Il nous rappelle que nous sommes tous des hommes pressés qui ne savons plus nous arrêter pour apprécier ces petits riens qui peuvent faire le plein de chaleur dans notre cœur et que si on ne prend plus le temps de s’écouter respirer et vivre, on est déjà mort pour nous-même.
Cela parle aussi de la place que nous occupons sur terre, du fait de se rendre invisible aux yeux des autres pour rentrer dans les rangs. Mais c’est surtout la solitude et l’amour perdu du personnage principal qui lui a fait perdre son goût des choses. Il doit chaque matin se couler dans son costume trois pièces et s’inventer un visage pour coller aux exigences de la société et ne pas choquer. Et enfin quand il est résigné à en finir, c’est là qu’il va tout redécouvrir… il faut parfois toucher le fond pour mieux remonter.
Bref, ce film est une ode à la sensibilité, à la beauté absolue et à l’espoir. Qui sait user de tous les artifices de l’image et du son. D’ailleurs, la musique tout en retenue, qui vous bercera du début jusqu’à la fin, est splendide.
Si vous êtes prêt à apprécier les choses et à ne plus juste survire, respirez un grand coup et… VIVEZ!
Bande annonce du film (splendide!)
2010, A single man, acceptation, Christopher Isherwood, Colin Firth, film, Gucci, Julian Moore, nostalgie, Oscars, style, Tom Ford
Laisser un commentaire