Fallait-il y voir un signe? Une malédiction pluviale punitive? Comme si les dieux en avaient marre, comme si la toute puissance devinait quand on se fout (un peu) de sa gueule. Nous servir Zaz et Cali en apéritif sans glace et bien mouillé ne constituait pas le départ idéal. Quand la première passe son temps à faire faire de hauts cris de rage (ou désespoir) à son public, elle ne monte pas vraiment dans l’estime des connaisseurs. Au pire des cas, elle peut toujours gagner des points via le Scrabble. Prénom en trois lettres entouré de deux « Z »? Banco! Tout juste bon à écouter pendant les longues soirées d’hiver et d’ennui, show des Enfoirés compris. Quant à Cali, il a déversé son gros besoin d’amour dans un S.O.S. géant, comme d’habitude. En pile électrique beaucoup moins sexy que le lapin rose, son show Duracell ne nous a pas donné envie d’être son copain, on préfère largement se foutre à l’abris sous un chapiteau bondé pour Katerine avant qu’il nous donne l’envie de nous jeter sous le premier train qui passe. Imposteur? Bizuteur? Chambreur? Philippe Katerine ne fait rien au hasard – ou comment faire rimer talent et quinzième degré. Entouré de ses « Katerinettes », claudettes sexy sans mises en pli, le trublion nous a redonné la banane. L’Allemagne aussi peut fabriquer des reggae boys, Patrice et ses Supowers en sont la preuve, proposant un reggae-rock groovy qui n’est pas sans rappeler les balbutiements d’un certain Ben Harper et de ses Innocent Criminals. Première surprise: The National rencontre un large succès sur tous les festivals. Le spleen classieux de Matt Berninger fait ressortir un côté sombre qui n’entache nullement l’esprit festif ambiant. Sympathique, torturé, certes très New-yorkais à la mode, il semblerait que le groupe ait atteint sa maturité musicale. Souvent comparé à Souchon, plus beau et sans bobos, Florent Marchet va à son tour conquérir le public suisse qui n’attendait pas mieux qu’une reprise tonitruante du grand Eicher (« Des hauts, des bas ») pour se laisser surprendre par le talentueux berrichon. Entre Jack Johnson, cerné par un large public lui reprochant peut-être un peu d’avoir oublié le soleil dans ses valises (pas sous les yeux hein?), les Bloody Beetroots et leur « Daftpunkeries » survitaminées ou Tame Impala, célèbres pour avoir été la première partie de la tournée mondiale des MGMT, ce premier jour se terminait, à choix, entre douceur convenue, furie pathologique ou psychédélisme ahuri.
Le lendemain n’avait que pour seul réel intérêt la venue de Portishead, génies fainéants aux trois albums en vingt ans. Emmené par la troublante Beth Gibbons, le quatuor n’a pas failli à sa réputation de pionniers du Trip-hop. Intouchable et encadré par un carcan de critiques positives et légitimes, et ce depuis ses débuts, le groupe a troublé l’assistance. Contrat rempli. Pendant qu’Aaron peinaient à prendre une autre dimension que celle d’un groupe français chantant en anglais – n’est pas Phoenix qui veut – les Chemical Brothers transformaient la plaine de l’Asse en dancefloor gigantesque pour nostalgiques de (bonne) électro.
Météo apaisée, rayon de soleils retrouvés, c’était limite trop demander pour les fringants Mama Rosin (feat. Hipbone slim). Le show cajun du jeudi, rapide comme le galop d’un cheval, a agit comme un coup d’éperon sur la fesse molle de cette fin d’après-midi prête à accueillir Jean-Louis Aubert. L’ex-Téléphone n’a pas chômé, même si au final on ne retiendra que les seuls tubes de son ancien groupe capables de nous faire bouger. Malgré tout, respect à l’un des derniers rockers au prénom composé et maîtrisant toutes les surfaces, indoor et outdoor. A la tombée de la nuit, Paléo tient son évènement. PJ Harvey, la superbe, l’intrigante, coiffée d’un chapeau à plumes noir corbeau, étincelante et d’humeur cristalline. Majoritairement tiré de son dernier album, moins introverti mais plus porté sur les autres, le concert n’a pas replongé les fans de la première heure dans les méandres graveleux du passé, mais Polly Jean nous a quand même envoûté, charmé. Pas besoin d’en mettre plein la vue, ce petit bout de femme a plus d’attributs que certains hommes et on ne peut que l’admirer. Et dire que d’odieux spécialistes trop sûr d’eux osent la comparer à la poussive Anna Calvi, chanceuse de voir un Club Tent bondé, venu écouter son set basique et plat. Ne sachant pas trop où la chanteuse voulait nous emmener, l’heureuse abondance de stands à bulles et à papilles pouvait s’avérer un moyen de consolation idéal. Même si la prestation musclée de The Do chargeait positivement l’atmosphère d’électricité, les festivaliers n’avaient qu’une hâte, en deux mots: The Strokes. Les rebelles des beaux quartiers ont su se muer en salles gosses 1h15 durant. Sincèrement, les années 2000 doivent beaucoup aux Strokes – on a hésité à ressortir nos slims et nos Converses. Devant un parterre boueux, le gang d’un Casablancas très en voix n’avait pas paru aussi en forme depuis fort longtemps. Sans fausse note, courtois et très pro, les Strokes ont allumé la mèche du festival. Grosse ambiance et grosse prestation: oui, un break leur a fait du bien.
Le week-end alternant entre éclectisme et humour banlieue-caviard (Jamel Debbouze), on retiendra le pas de plus de James Blunt dans sa conquête spatiale féminine. A en juger le scintillement d’étoiles dans les yeux de la gente du sexe opposé au garde à vous, l’ex-militaire n’aura aucune fausse note à se faire pardonner. Les Clermontois de Cocoon ont fait preuve d’une maturité agréable et d’une complicité scénique qui laisse entrevoir de jolies perspectives musicales, et à écouter le rock déjanté et décomplexé des Shaka Ponk, on ose à peine imaginer l’état mental de leurs ex-voisins de pallier, sûrement sourds ou gâteux à l’heure qu’il est. Le plus intéressant bouclé, la fin du festival promettait enfin quelques sursauts agréables à tous ceux qui ne croient plus au talent des anciens. Avec Robert Plant tout d’abord, revenu aux premiers amours de sa « Band of Joy », école buissonnière pré-Led Zeppelin qui forgea à l’icône frisée un timbre unique dans l’histoire du Rock avec un grand R; et pour finir, Eddy Mitchell, invité de marque, venu souffler ses bougies tranquillement. Cinquante ans de carrière, appelez-le Monsieur Eddy.
En plus de la distraction boueuse inhabituelle offerte à des milliers de festivaliers, le temps pourri du Paléo 2011 a eu au moins un point positif: il a relancé la mode de la fameuse botte en caoutchouc. Oh la belle bleue! Oh la belle verte! La gadoue en a vu de toutes les couleurs. Et nous aussi.
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