Du chanbara, on en a goûté à toutes les sauces. Des mangas de Kazuo Koike, aux films d’Akira Kurosawa, en passant par Kill Bill (habile relecture tarantinesque) ce genre d’aventure typiquement japonaise n’a de cesse de passionner et de captiver depuis son expansion des années 1920. Mettant en scène un héros souvent solitaire, ces histoires se concentrent sur des thématiques récurrentes, telles l’honneur, la loyauté, la quête de soi, etc. Souvent recyclé par Hollywood, le chanbara ne trouve pourtant pas son heure de gloire sur notre bon vieux contient.
C’est là que Kalonji, jeune auteur genevois, entre en jeu et remet les pendules à l’heure en nous livrant un 365 samouraïs et quelques bols de riz de toute beauté.
À travers cet album conceptuel de 400 pages, Kalonji nous narre avec brio l’aventure de Ningen, jeune bretteur, qui après avoir quitté son dojô, décide de devenir un implacable maître du sabre. Mais pour cela, il devra affronter pendant un an 365 samouraïs, afin d’améliorer sans cesse sa technique et devenir le plus infaillible des sabreurs. Voyage initiatique sans pareil, 365 samouraïs… nous parle d’humanité, de dévotion, d’amour et bien sûr d’honneur. Quasi-muette, cette aventure nous emmène ainsi au cœur de son personnage principal en nous laissant ressentir, au lieu de nous étourdir avec des dialogues vains. On découvre alors Ningen d’un autre œil et prenons vite conscience que sa démarche salutaire va bien au delà du simple titre honorifique de maître et va jusqu’au plus profond des motivations et questionnements humains.
La violence des combats n’est plus gratuite et devient alors salvatrice ; tout comme les saisons qui découpent cet album, nous faisant à chaque fois passer par une étape, une réflexion et enfin une renaissance. Kalonji s’adapte donc ici aux principes fondateurs de l’Hagakure (code d’honneur samouraï) et nous délivre de manière subtile son intemporel message:
Il est bon de considérer le monde comme un rêve.
Quand on fait un cauchemar et qu’on se réveille, on se dit que ce n’était qu’un rêve.
On dit que le monde dans lequel nous vivons n’est pas très différent d’un rêve.
C’est sur ces sages paroles de Jocho Yamamoto que s’ouvre 365 samouraïs et quelques bols de riz, pour nous annoncer le début d’un voyage qui, qu’il soit réel ou non, nous sera révélateur.
Donnant ainsi au fond une épaisseur incontestable, Kalonji n’en délaisse pas pour autant la forme et nous surprend là encore. Véritable performance graphique, 365 samouraïs… se base sur le concept une page/une case, cassant complètement nos habitudes de lecture. On se laisse alors porter par cette narration instinctive, qui au final nous facilite la compréhension et favorise une immersion totale. Le graphisme, lui, est plus qu’éblouissant. D’un noir et blanc tranchant et somptueux, il va à l’essentiel sans fioriture aucune.
Vous l’aurez compris, cet album est un album rare. Original, novateur et surtout accessible, il ne se targue d’aucune prétention et remplit son rôle à merveille : nous éblouir et nous questionner.
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